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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Medhi Narjissi, passer ensemble de la violence du deuil à la force de la mémoire

Publication : 26/08/2025  |  10:01  |  Auteur : Webmaster
Crédit photo : SUA

Le 7 août 2024, Medhi Narjissi, fils de Jalil, joueur emblématique du SUA pendant les années 2000, et de Valérie, disparaissait au large des côtes sud-africaines, au cap de Bonne-Espérance.

Cette disparition fut pour ses parents, sa sœur, sa famille et ses proches un choc d’une violence indicible. Pendant cette année d’un deuil extrêmement douloureux, la Ville d’Agen s’est efforcée de les accompagner avec humilité et modestie. Dimanche dernier, la Ville a posé un premier geste de mémoire en baptisant un de ses terrains de rugby de la Plaine des sports Philippe-Della-S’Armandie au nom de Medhi Narjissi.

Ce faisant, la Ville a commencé à accompagner Jalil, son père, Valérie, sa mère, Inès, sa sœur, sur le long chemin qui les fera passer de la violence de la douleur du deuil à la mémoire solide et personnelle de leur fils.

Vous trouverez ci-dessous le texte du discours que j’ai prononcé à cette occasion : 

 

"Chère Valérie, Cher Jalil, Chère Inès,

Chère famille de Medhi,

Monsieur le Président du SUA, Cher Jeff,

Monsieur l’entraineur du Stade Toulousain, Cher Ugo Mola,

Chers, amis, coéquipiers, entraineurs de Medhi,

Mesdames et Messieurs les élus, Chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

 

Je veux d’abord vous remercier, vous les Agenais et vous les habitants de l’Agglo, vous qui êtes venus en nombre pour faire mémoire de Medhi, mais aussi dire à Jalil, à Valérie et à Inès que toute notre petite patrie agenaise est en sympathie avec vous trois dans le deuil de votre fils.

 

Tous les Agenais vous soutiennent dans ce qui est sûrement la pire épreuve pour un parent : perdre un enfant. Mais aussi pour vous dire que vous trouverez, au contact des Agenais, au contact des vôtres, un réconfort et un soutien. Dire aux amis et coéquipiers de Medhi que vous pouvez et vous devez compter les uns sur les autres pour passer cette épreuve et que l’entraide, le partage et l’amitié renforcée seront pour vous l’héritage de Medhi.

 

Faire le deuil, c’est une période de souffrance extrême, celle du choc de la séparation. La sagesse populaire de toutes les civilisations conduit, dans cette période, ceux qui sont en deuil à se retirer et montrer son malheur. Montrer aux autres le malheur, s’autoriser à le dire, à en parler, mais aussi s’autoriser à se mettre à l’écart. C’était le sens profond de nos anciens rites de deuil : vêtements noirs, maisons fermées, barbe pas rasée, etc. Le temps de se concentrer sur la famille, sur les amis et de laisser à l’esprit le repos et au cœur le temps de surpasser ce qui est et restera une épreuve.

 

Cette souffrance est d’ailleurs un moment que tout le monde se doit de respecter, proches et moins proches. La part intime du deuil ne peut souffrir d’intrusions malvenues. Elle est privée, personnelle et parfois solitaire. Mais elle est absolument nécessaire.

 

Les circonstances de ce drame font que cette période de deuil a été bousculée, piétinée et quasi impossible à faire, et bien sûr Jalil, Valérie et Inès sont encore dans cette période de deuil. Cela, nous devons ne pas l’oublier et nous astreindre à la respecter par amitié pour eux.

 

À nous donc d’avoir la discrétion et les petits gestes pour respecter cette période de deuil qui, particulièrement pour eux, se double d’un combat pour la recherche de la vérité et de la responsabilité. Ce combat est légitime, nous le comprenons tous et nous souhaitons qu’il soit mené à son terme, avec les conséquences qui devront en être tirées, pour que le deuil puisse s’accomplir et s’achever.

********

 

Mais malgré la douleur et irrémédiablement, la vie reprend toujours le dessus, quel que soit le drame, la peine et la tristesse. Parce que les vivants ont le droit de retrouver le bonheur après la tragédie.

Et alors, c’est à ce moment-là que vient le temps de faire mémoire. Oui, le moment de passer du deuil à la mémoire. La mémoire, est l’exact contraire de l’oubli, c’est le souvenir constant partagé avec tous. C’est revenir au milieu des siens et dire, ensemble : nous nous souvenons.

Ce temps-là, c’est le temps d’établir une source à laquelle nous, ceux qui restons, voulons boire, nous désaltérer et repartir, parce que la vie des morts réside dans la mémoire des vivants.

Pour toi Jalil, pour vous Valérie, pour toi Inès, ce temps-là vient, peut-être à des moments différents pour vous trois, mais ce temps doit venir et la nature de la vie fera qu’il viendra. Le temps de vous souvenir viendra, et même si cela vous est douloureux aujourd’hui, de la manière la plus naturelle pour vous, vous vous souviendrez de Medhi.

 

Se souvenir, c’est aussi partager, et pour nous, Medhi c’était d’abord un petit Agenais. Dans vos prises de parole, je garde une seule chose : son sourire, sur le terrain, dans les vestiaires, mais pas seulement, aussi en classe, avec ses amis et avec sa famille.

Et modestement, je vous invite à vous souvenir de tout Medhi, fils de Jalil et de Valérie. Medhi, le frère d’Inès. Du Medhi gosse à Sainte-Colombe, du Medhi ado et collégien à Dangla, du Medhi ami du fiston Lalbat et de la petite-fille Lousteau.

Vous souvenir du Medhi qui vous faisait rire, qui ravivait les moments tristes. Vous souvenir du Medhi capable de vous faire oublier l’ennui.

De vous souvenir de Medhi, de sa bouille, de ses cheveux au vent, de ses grands yeux, de sa banane qui rayonnait.

*********

C’est aussi pour ça que la Ville d’Agen veut faire mémoire d’un de ses jeunes au rayonnement exceptionnel. C’est seulement lorsque tout le parcours de Medhi a été rappelé qu’on peut alors parler de Medhi jeune joueur qui lui aussi rayonnait et excellait. Parler de Medhi et de sa passion du rugby, qui vient du père et du pays, de sa terre agenaise dans laquelle il avait les deux pieds, un de chaque côté de la Garonne.

 

Oui, Medhi, n’était pas seulement un rugbyman en devenir. Medhi était une graine de champion. Et je veux saluer ses entraîneurs, ses coéquipiers, à Agen, à Toulouse, en équipe de France. Nous savons votre peine, nous savons votre besoin de réponses. Mais nous savons aussi les moments de joie, de colère et d’amitié que vous avez traversés tous ensemble, en équipes.

 

Voilà pourquoi la Ville veut faire mémoire, pour accompagner dans la durée, avec humilité, Jalil, Valérie et Inès. Dans le temps, dans leur douleur indicible mais aussi pour puiser au souvenir rayonnant de Medhi.

 

Comme beaucoup, j’ai un souvenir fort avec Medhi. Lorsque nous l’avons reçu, avec l’équipe des cadets Gaudermen, championne de France, le 6 juillet 2022, dans la cour arrière de la Mairie. À cette époque, il savait déjà qu’il partait à Toulouse et, en plaisantant, en Maire d’Agen et parce qu’Agen est toujours le meilleur choix, je lui ai demandé : « mais pourquoi tu vas à Toulouse ? Tu n’es pas bien à Agen ? ». Medhi, je sais par ton père que cette question t’avait touché. Et bien tu avais raison, il fallait aller à Toulouse. Mais pour nous tu resteras un gosse agenais, un cadet du SUA et un enfant du pays, parce qu’on est de son enfance comme on est d’un pays.

 

Et en même temps que joueur, il est fils de Jalil, mais aussi fils d’Agen. Jalil, talonneur brillant, qui fait un fils qui brille lui aussi, en ¾ ou en demi de mêlée. Medhi était aussi une jeune pousse sportive d’Agen, qui nous a rendus fiers avec les cadets et dont j’espère qu’il servira de modèle.

 

C’est pour cela que c’est bien de le faire ici, sur la plaine des sports Philippe Sella, coincée entre les terrains Franco Zani et Alain Plantefol. Ici, au milieu de nos gloires agenaises, nous nous souviendrons de la fougue de sa jeunesse et de l’insouciance de son élan.

 

Le souvenir de Medhi, c’est toute notre petite patrie qui a voulu le partager avec vous.

 

Et dans cette mémoire vive, je veux dire un grand merci à Jean-Jacques Crenca, une de nos gloires agenaises, d’avoir proposé de s’effacer pour faire une place à Medhi. C’est un beau geste, un geste sincère, qui parle et qui dit que l’ancienne génération sait laisser de la place à la nouvelle. Un geste qui rappelle aussi ce qu’est le rugby ici à Agen, que ce n’est pas qu’un sport et de la technique mais d’abord et avant tout un ensemble de valeurs qui forge une belle et grande famille. Ce geste est un geste de fraternité devant lequel toute la ville s’incline.

 

Merci également au club et à son Président Jeff de nous accompagner dans cette démarche.

 

Ce travail n’est pas fini, nous, Ville d’Agen, prenons l’engagement de faire vivre ce lieu, de dire qui était Medhi, de se souvenir de sa mort tragique, mais pas que, aussi et surtout de sa vie d’enfant heureux.

 

Nous verrons avec vous, Jalil, Valérie et Inès, quelle forme pourront prendre les rites du souvenir et de la mémoire de la ville, mais ils auront lieu et ils auront un lieu qui sera celui-ci. Avec ce terrain, tout d’un coup, la plaine Philippe Sella devient à la fois plus tragique mais aussi plus jeune, plus insouciante.

 

Le souvenir a ses cœurs et la mémoire a ses lieux. Nous les ferons vivre.

Ici vivra la mémoire de Medhi et cette mémoire nous transformera tous."

 

 

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