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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Loi de modernisation agricole: pourquoi je me suis abstenu

Publication : 06/07/2010  |  18:15  |  Auteur : Jean Dionis

Cette semaine, à la fois pris par le temps et parce que je ne trouve rien de plus opportun à vous présenter, chers amis fidèles de ce blog, ma chronique sera pour l'essentiel composée par l'explication de vote que j'ai prononcée au nom du groupe Nouveau Centre sur le projet de loi de modernisation agricole mardi 6 juillet. Vous trouverez ci-dessous l'intégralité de cette prise de parole.



Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Messieurs les rapporteurs,
Mes chers collègues,
Soyons clairs : ce projet de loi est un texte utile et sérieux, porté par un ministre sérieux et compétent, et animé par des rapporteurs passionnés et bons connaisseurs du monde rural et c’est déjà beaucoup.
Utile et sérieux, le lancement d’un plan national d’alimentation incitant toutes les autorités compétentes en restauration scolaire et universitaire à développer une restauration saine.
Utile et sérieux, le projet de loi lorsqu'il incite à la contractualisation des relations commerciales entre les agriculteurs et leurs clients.
Même si cela soulève, sur le terrain, des tonnes de scepticisme, la promotion du contrat sur la base d’un contrat-type établi par les interprofessions va dans la bonne direction.
Utile et sérieux, même s'il lui a été refusé les moyens de sanctionner, l'observatoire des prix et des marges, vieille revendication de nos agriculteurs pour enfin établir la vérité d'un partage de la valeur ajoutée scandaleusement favorable aux transformateurs et aux distributeurs.
Utile et sérieux, encore, le mécanisme d’assurance récolte contre les risques sanitaires et climatiques. C’est une avancée majeure pour sécuriser les entreprises agricoles.
Utile et sérieux, enfin, les premiers dispositifs législatifs de lutte contre le gaspillage des terres agricoles, cohérent avec les textes Grenelle 1 et Grenelle 2 sur ce point décisif, et ce n’est pas son moindre mérite.

Mais pourquoi le cacher? En même temps que nous reconnaissons l'intérêt des dispositifs rappelés çi-dessus, nous sommes profondèmment déçus. Ces travaux ressemblent aussi à un rendez-vous manqué.
Nos agriculteurs vous attendaient, Monsieur le Ministre, sur deux enjeux majeurs
* D'abord celui de la compétitivité par rapport à nos voisins et concurrents de l'Union européenne
* Et ensuite celui d'un nouveau partage de la valeur ajoutée entre producteurs, industriels et distributeurs.
A armes égales !: Tel est le cri de colère de nos paysans qui exigent de leur gouvernement et de leurs députés qu'ils soient mis en situation de concurrence équitable par rapport à leurs collègues de l'union Européenne
En effet, face à la crise structurelle de compétitivité que traverse depuis 2008 nos producteurs français, il appartient au Gouvernement d’agir et non à l'Europe, qui n'est compétente ni en matière fiscale ni en matière sociale.
Aussi les centristes ont-ils défendu des amendements d’exonération totale des charges patronales pour les salariés des exploitations agricoles et notamment ceux de la filière fruits et légumes.
Cette filière connait en effet, une vraie spécificité : ces coûts de revient sont constitués à plus de 60% des coûts de main d’œuvre.
Elle subit par ailleurs la concurrence des arboriculteurs et des maraichers des autres pays européens qui ont tous mis au point des dispositifs permettant d’abaisser le cout du travail autour de 6 à 7 €/h contre 9.2€/h pour les travailleurs saisonniers et 12.8€/h pour les travailleurs permanents en France.
Les Centristes sont bien conscients qu’en ces temps de déficits majeurs, la solution n’était pas de faire appel aux deniers publics. Aussi nous avons proposé de financer cette exonération, d’un montant se situant autour de 500 millions d’euros, par un prélèvement sur le chiffre d’affaire de la grande distribution par le biais de la Tascom.
Cette proposition a ouvert un débat passionné dans l’hémicycle. Elle a malheureusement été rejetée
Mais sachez que les centristes continueront d'avancer cette proposition adaptée à la violence de la crise traversée par le monde agricole à toutes les échéances législatives et notamment budgétaires (Loi de finances et Loi de financement de la sécurité sociale, propositions de loi) jusqu’à ce que le gouvernement se décide à agir et à mettre nos agriculteurs à « armes égales » avec leurs compétiteurs européens.
Ne nous dites pas que cela est impossible alors que, d'une manière ou d'une autre, vos homologues allemands, hollandais, italiens, espagnols ont trouvé des solutions. Pourquoi serions-nous plus naïfs et moins solidaires qu'eux avec nos agriculteurs ?
Enfin, la grande distribution s'en sort bien de ce projet de loi, trop bien alors que les pommes étaient payées l'automne dernier 20 centimes d'€/kg à nos paysans et revendues 10 fois plus cher, soit 2 euros au kg aux consommateurs. Vous n'avez pas voulu balayer cette répartition de la valeur ajoutée à bout de souffle et pour tout dire pourrie. Dommage !
Oui, rendez vous manqué sur le coût du travail et le partage de valeur ajoutée!
Cette loi est une bonne loi de disposistifs divers d'ordre agricole, utile et sérieuse alors même que la crise agricole exigeait perspectives, audace, innovation bref, une ambition à la hauteur de notre engagement pour soutenir nos paysans..
Les députés centristes partageront leurs votes. Certains d'entre nous plus sensibles aux avancées de ce texte l'approuveront. Les autres, plus déçus par le rendez-vous manqué qu'il représente, s'abstiendront.
Je vous remercie.
***


En conclusion, en ce qui me concerne, j'ai décidé d'émettre un vote d'abstention. En effet, vu l'intérêt des dispositifs qu'elle contenait, un vote contre cette loi était pour ma part exclu, mais je ne pouvais pas non plus voter pour cette loi quand elle ne propose rien sur les enjeux majeurs auxquels devront faire face nos agriculteurs (poids des charges sur leur coût de revient, partage de la valeur ajoutée entre agriculteurs et distributeurs).

La vie politique est un combat d'influence, d'idée, de conviction et la LMA a été pour moi une première occasion de me battre pour ce que je crois bon, en conscience, pour notre agriculture et nos agriculteurs. Ce combat a été perdu sur un certain nombre d'enjeux majeurs mais je sais que nous avons marqué des points dans la bataille des idées, et, de même que nous avons obtenu en fin d'année dernière une première baisse significative des charges sur le travail saisonnier, un jour, plus proche qu'on ne le pense, nos propositions s'imposeront sur le travail permanent. Nos propositions sont loin d'être optimisées, aidez-nous en nous faisant passer toutes vos idées pour aboutir à ces deux objectifs majeurs que sont: l'exonération totale des charges patronales sur le travail salarié agricole et un meilleur partage de la valeur ajouéte entre agriculteurs et distributeurs.

@ +

Les réactions

travailleurs pas chers

ancien producteur de melons dans les années 90 responsable du cadran d'agen,j'ai rencontré un producteur de l'époque qui m'a dit qu'il cultivait toujours du melon au Maroc ,400 ouvriers,pas de charges sociales pas d'inspection du travail,du trés bon melon qui devient melon d'Espagne par un systeme de société et tout va bien!

Agriculteurs, transformez vos produits !

Cher Jean,
je partage ton combat pour stopper la dégradation du revenu des agriculteurs et en finir avec les manoeuvres des distributeurs.
Il faut que Leclerc arrête de nous dire qu'il se bat pour un monde meilleur, mette par ailleurs en place des stratégies de négociations terroristes au niveau de ses centrales d'achat et dupe sans arrêt les consommateurs.
Donc bravo de suivre ce dossier de prêt.
Pour autant, il faut se poser une vraie question au niveau du monde agricole : pourquoi les agriculteurs laissent les plus-values se réaliser sans eux ?
J'entends : si les coopératives rentraient dans une vraie logique industrielle et économique, on ne se poserait pas ces questions car ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui feraient les plus-values en transformant les produits.
Il faut que les agriculteurs passent la vitesse supérieure: produire c'est bien, transformer c'est encore mieux. Il est urgent que les coopératives se transforment en petite usine de production et ne restent pas de simple centrale d'achat.
On ne s'en sortira pas en restant dans des modèles de production dépassés.

comment faire pour partager la V.A???

Dans un système globalisé, comment faire pour partager une valeur ajoutée entre deux maillons très différents d'une même filière? très honnetement, je ne sais pas. Par contre cher jean, si on arrive à trouver un système de partage de la V.A, les Industries Agroalimentaires (IAA) doivent aussi fournir un effort à ce niveau. N'est ce pas?

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