Fête de la Musique : un coup de blues…. Et ça repart ?

33ième édition de la Fête de la musique Samedi soir…..comme de très nombreux français, j’y ai participé dans ma ville, Agen et, comme chaque année, le succès populaire était au rendez-vous, servi , il est vrai, par une météo de rêve pour un évènement de ce type (chaud avec un peu d’air….). Tout le monde l’a dit, jusqu’à la saturation : L’intuition de Jack Lang en 1981 était géniale. Au milieu de la foule anonyme des zélateurs de « Genial Jack », je signe …..Mais, pour autant, je réclame le droit au débat sur la Fête de la Musique, qui mérite mieux que de devenir « une vache sacrée symbolique »…

Je reconnais d’entrée la faiblesse méthodologique de ma contribution. Elle part d’un constat strictement localisé à partir de ce que j’ai vu Samedi à Agen et dont je fais le pari que cela ouvre des questions d’intérêt général. Peut-être suis-je dans l’erreur. Vous saurez me le dire.

En déambulant pendant quatre heures dans les rues de ma bonne ville, j’étais perplexe. Certes les fondamentaux qui ont fait le succès de la fête de la musique étaient bien là : Nombreuses scènes avec des artistes aussi divers que talentueux, public nombreux et content tout autant que nos restaurateurs et nos cafetiers qui ont fait une très bonne recette,…. mais les germes de sa dérive aussi étaient présents.

Quels sont-ils, ces germes ?

D’abord le recul de celles et ceux qui produisent de la musique, qui la font, les instrumentistes, au profit de celles et ceux qui ne font que la diffuser, les fameux DJ’s dont les décibels écrasent tous les autres sons à 200 m à la ronde. A Agen au moins, c’est un phénomène nouveau, et qui, s’il s’étend, touchera au cœur le concept même de la fête de la musique. En effet la fête de la musique, c’est d’abord le plaisir d’être dans la rue à écouter des musiques diverses faites par des vrais musiciens en chair et en os. Avec l’arrivée des DJ’s et de leurs playlists, exit la diversité musicale : l’orchestre de Jazz, la chanteuse de blues, sont littéralement écrasés par les décibels amplifiés de nos « wonder boys »….avec la disparition de fait de la diversité musicale, disparait, pour un grand nombre, le plaisir de ce butinage musical et disparait, enfin, l’appétence des musiciens à décibels faibles de se produire. Ainsi, je n’ai pu que constater la part de plus en plus congrue de la musique classique dans notre fête 2014. Dommage, mille fois dommage….

Soyons honnêtes. Le problème des décibels dominateurs n’est pas l’apanage de la musique amplifiée de nos DJ’s. Hier soir, à Agen, les Batucadas, les fameuses percussions brésiliennes étaient bien sympathiques, dans l’air du temps de notre Copa del Mundo 2014, mais elles n’en écrasaient pas moins toutes les velléités musicales sur leur passage ultra bruyant.

La réponse à cette première dérive n’est pas simple : Faut-il interdire les DJs ? les Batucadas? les cantonner dans un quartier de la ville ? Agen est preneur de tous les compromis réussis sur ce point sensible.

Mais ce n’est pas la seule dérive. La fête de la Musique, depuis le début, c’est comme le festival d’Avignon, il y a le festival "In", organisé le plus souvent par les municipalités et le festival "Off", spontané et laissé à libre initiative des musiciens qui descendent, pour jouer librement, dans la rue. Et le sel de la fête de la Musique, depuis sa création, c’est le « Off ». Or, la partie spontanée de la fête est à la peine et la fête de la Musique est de plus en plus dépendante de la maîtrise d’ouvrage municipale pour la mise à disposition de scènes très coûteuses, etc.…. Bref, la fête de la musique se fonctionnarise et là encore, c’est dommage, mille fois dommage…

Bref, si l’on simplifie à grands traits, il me semble que la fête de la Musique est en train de dériver du projet initial - Une fête ou explosait le plaisir libre de jouer et d’écouter de la musique - en quelque chose de très différent - à savoir une grande fête, organisée par la Mairie, où est diffusée de la musique amplifiée.

J’entends bien mes contradicteurs qui ne manqueront pas de souligner avec raison que les jeunes d’aujourd’hui n’écoutent pas la même musique que leurs parents et que décibels et Djs ne leur font pas peur….Certes, certes…..

Mais, je ne suis pas sûr du tout qu’ils n’adhèrent pas à l’essence initiale de la fête, qui donne le premier rôle, à l’artiste libre et anonyme qui accepte d’être écouté par le public très spécial de cette soirée là qui flâne, surfe et picore.

Et qu’on ne vienne surtout pas me dire que ce projet n’est plus faisable en 2014 ! A la Mairie de retrouver son rôle discret de facilitateur, notamment en organisant un partage intelligent du domaine public, tout le reste, les musiciens s’en chargeront avec l’aide de tous les réseaux sociaux de la terre …..

Bref, il est temps de faire revivre le beau slogan de 1982 : Faites de la Musique ! ( Make music….) et de l’adapter pour 2014. Faites de la musique ? un coup de blues ? …..et ça repart. Les grandes idées ne meurent jamais.

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