Lincoln, mis en scène par Steven Spielberg, est sur les écrans de salle de Cinéma depuis Mercredi dernier. Le sujet est immense pour celles et ceux qui aiment l’Histoire, la politique ….ou plus simplement les Etats-Unis. Le metteur en scène et l’acteur Daniel Day-Lewis sont eux-aussi - dans leurs « catégories » - immenses….Il n’en fallait pas plus pour décider ma femme et moi-même d’aller voir ce film. … et, à la sortie, d’échanger avec vous sur cette œuvre et de vous envoyer un message très simple : Allez voir ce film….
Pourquoi ? D’abord le sujet …Nous sommes au début de l’année 1865 aux Etats-Unis. Le président Lincoln, élu en Novembre 1860 uniquement grâce à la profonde division du Parti Démocrate, vient d’être réélu triomphalement en 1864. Le peuple américain salue ainsi le Chef d’Etat et le chef de guerre qui est en passe de gagner la guerre civile – épreuve atroce qui menaça de faire exploser les Etats-Unis sur la question de l’Esclavage et qui fut d’une violence inouïe (600 000 morts). Lincoln veut en finir avec l’Esclavage et pour cela donner une base constitutionnelle à son abolition…par l’adoption du 13 ième amendement à la Constitution. Le film peut commencer….
Et il est passionnant….Pas de 13ième Amendement sans un vote par une majorité qualifiée des 2/3 du Congrès. Le Sénat ne pose pas de problème. Le 8 Avril 1864 par un vote de 38 pour et 6 contre, il approuve le 13ième Amendement…..Mais à la Chambre des représentants, où le Parti Démocrate et ses élus anti-abolition sont nombreux, c’est une toute autre histoire. Le film montre donc la démocratie Américaine en action dans une des moments les plus critiques de son histoire. Abraham Lincoln vient d’être réélu triomphalement, il est le chef d’une Armée victorieuse….et pourtant la décision ne lui appartient pas. Elle appartient aux députés. Grandeur et Misère du parlementarisme Américain…
Grandeur parce que le congrès Américain est bien le lieu de pouvoir où s’élaborent toutes les grandes décisions du Pays. Le Président est doté d’immenses pouvoirs, comme le dit le Lincoln du film, ….. Pas celui de modifier la constitution. C’est d’ailleurs à quelques pourcentages près la même règle en France aujourd’hui. Lincoln le sait….et il va utiliser « toute la boîte à outils présidentiels » : distribution de postes ou charges rémunératrices, interventions personnelles sur les députés, chantage affectif…. La séparation des pouvoirs fonctionne et elle oblige Lincoln « à mettre les mains dans le cambouis »
Misère parce que toute assemblée nationale élue sans fraude représente assez bien le peuple qui l’a élue : même pourcentage de personnes sensibles au trafic d’influence, voir à la corruption, même pourcentage de personnes courageuses ou au contraire de personnes pleutres…et ce qui, bon an, mal an, fonctionne bien par beau temps politique est particulièrement fragile par temps de crise majeure comme le fut la guerre de Sécession aux Etats-Unis …ou comme le fut la Guerre d’Algérie en France.
Winston Churchill, lui aussi Chef de gouvernement et Chef militaire d’une grande démocratie, la Grande-Bretagne, lors d’une crise majeure, la deuxième guerre mondiale avait eu une vraie fulgurance lorsque qu’il avait déclaré : « la démocratie ? Le pire des systèmes politiques, à l’exception de tous les autres… »
Comme avec le Général de Gaulle pendant la guerre d’Algérie, la sortie de guerre civile ne peut s’envisager de manière positive que si la personne en charge de l’Exécutif fait preuve à la foise d’efficacité politique et.... de vision (la scène où Lincoln littéralement démontre à son Cabinet que la fenêtre de tir pour l’abolition de l’esclavage, poison mortel pour les Etats-Unis d’Amérique, c’est maintenant début 1865, à la sortie de la guerre victorieuse, et non pas après …lorsque les Etats Sudistes, antiabolitionnistes, auront rejoint l’Union et lorsque le Pays ne pensera plus qu’à la paix et à la reconstruction du pays, …cette scène à elle seule justifie le film pour les passionnés de politique)
Et très naturellement, Spielberg se concentre sur la personne de Lincoln, admirablement servi par l’acteur anglais Day-Lewis. Ce choix de mise en scène est très exigeant : peu d’actions dans ce film, beaucoup de réunions de cabinet, de tractations avec les lobbyistes, de contacts avec les parlementaires….de prises de parole (ah, les discours de Lincoln….) …bref, beaucoup d’authenticité par rapport à ce qui fait vraiment la vie des décideurs politiques de premier plan.
Bref, ce film nous parle de politique à un moment de tension extrême, où se joue le destin des peuples et des nations……Et c’est passionnant. …et tragique. Le film se termine bien sûr avec l’assassinat de Lincoln, le 14 Avril 1865, soit 5 jours après la fin officielle de la guerre de Sécession par un Sudiste lui tirant une balle dans la tête en s’écriant « Sic semper tyrannis » (ainsi en est-il toujours des tyrans !). Pour un homme d’Etat qui ose affronter l’horreur de la guerre civile, la fin est (presque) toujours mortelle …..tellement les clivages sont profonds et les blessures morales à vif.
Allez voir Lincoln, allez y voir la politique en action, art avec ses grandeurs et ses servitudes, au service du plus difficile des défis : la réconciliation nationale par l’élévation nationale après les horreurs de la déchirure affreuse qu’est toujours la guerre civile. Moi, qui suis un passionné de politique, cela m’a remotivé pour 15 ans …
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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire
Lincoln
Superbe synthèse Jean... bravo !
Lincoln
Merci pour cette belle analyse!