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08/11/04 - Intervention de Jean Dionis sur le Budget Agriculture 2005

Publication : 08/11/2004  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers Collègues,


Ma participation, à notre discussion budgétaire de ce soir, se veut clairement un complément de l’intervention faite par François Sauvadet au nom du groupe UDF.

J’aborderai donc trois dossiers complémentaires :

• La situation de la filière fruits et légumes
• La situation des retraités agricoles
• Le plan biocarburants

Commençons par le plus urgent : les fruits et légumes

Ma participation est forcément située géographiquement quelque part dans ce Sud-Ouest de la France, plus exactement dans la vallée de la Garonne, où notre identité même est souvent portée par les fruits que nous faisons pousser de notre terroir,

Mais elle se veut aussi l’écho de ce que j’ai pu entendre de biens terroirs qui nous ressemblent : Val de Loire, Vallée du Rhône ou même Bretagne….

Monsieur le Ministre, dans les semaines passées, j’ai essayé, avec beaucoup d’autres, de remplir mon mandat de député de cette terre arboricole et maraîchère qu’est le Lot-et-Garonne en vous disant par tous les faibles moyens dont nous disposons – discussion lors du projet de loi sur le développement des territoires ruraux avec vous-même, question orale à Nicolas Sarkozy sur les rapports à la grande distribution - :

« Attention, la crise qui, cet été, a secoué, avec une violence inconnue jusqu’à présent, les producteurs de fruits et légumes, est une crise qui a peu de choses à voir avec les crises conjoncturelles récurrentes de ce secteur »

J’espérais vraiment que ce budget puisse être au moins le début de la réponse, voire de la riposte Française à ce qui se passe par exemple en Allemagne.

Or, vous ne l’avez pas voulu ainsi. Nous ne sommes pas d’accord – pour l’instant au moins - sur la conduite emblématique de ce dossier et c’est une des raisons de notre abstention lors du vote de ce matin.

Soyons honnêtes. Votre budget n’est pas sans signe d’espoir, même pour un arboriculteur français. Je tiens à saluer içi les débuts de l’assurance récolte . Enfin ! Une vraie assurance pour lutter contre tous les aléas climatiques – et pas seulement la grêle, mais aussi le vent, le gel, la sécheresse - qui déstabilisent depuis toujours ces professions. O certes, les débuts sont timides avec 10 petits millions d’euros engagés en concertation avec les professionnels et les sociétés d’assurance. Mais enfin, la porte est ouverte. On en parlait depuis 20 ans, vous êtes le Ministre qui l’aura fait naitre. Bravo pour cela, Monsieur le Ministre !



Mais, une vraie riposte Française pour cette filière, c’était oser répondre sur trois fronts :

• d’abord sur celui de l’aide d’urgence
• Ensuite sur celui du coût du travail et de la compétition intra-européenne telle qu’elle est aujourd’hui
• Enfin, en ce qui concerne les relations entre le monde de la production et de la grande distribution.

Les aides d’urgence d’abord….

Les agriculteurs – par exemple les serristes en tomate – , ceux qui ont perdu environ 90 000 € par ha, me demandent la gorge serrée : « Jean, qu’est ce que je fais ? Je replante pour reperdre la même chose ? Ou j’arrête tout ? »

Certains d’entre eux font le pari de continuer. Mais comment lorsqu’on vient de perdre 90 000 € par ha, et qu’il faut faire les avances pour la prochaine campagne, chauffer les serres avec un prix de l’énergie qui explose…et c’est là que les aides d’urgences prennent tout leur sens.

A Nantes le 7 Octobre, à l’occasion du 48ème congrès National des producteurs de légumes vous avez annoncé 4 mesures :

A l'occasion du 48ème Congrès National des Producteurs de Légumes, Hervé GAYMARD, Ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires Rurales, a annoncé une série de mesures destinées à soutenir la filière des fruits et légumes :


1. 10 millions d'Euros consacrés à des aides directes de trésorerie sur la base de dotations attribuées aux DDAF

2. Une enveloppe exceptionnelle de 50 millions d'Euros de prêts de consolidation

3. 1 million d'Euros pour la mise en place d'un étalement des cotisations à la Mutualité Sociale Agricole avec, dans les cas les plus graves, feront l'objet une prise en charge partielle.

4. Un plan de 10 millions d'Euros à l'ONIFLHOR pour engager les actions structurantes suivantes :

- de la modernisation de l'outil de production des exploitations serristes ;

- pour encourager les dynamiques commerciales et une meilleure intégration des producteurs non organisés à la politique de la filière ;

- pour doter la filière d'un outil de communication spécifiquement dédié à la gestion de marché.

Sans nier l’intérêt de ces mesures, nous voulons dire fortement qu’elles ne sont vraiment pas à la hauteur du drame qu’a connu cette filière cet été. Peut-être ne pouviez vous pas aller plus loin dans le cadre budgétaire qui vous avez été donné. Alors, il fallait avoir l’audace de créer des ressources fiscales exceptionnelles. L’UDF avait émis l’idée d’une hausse exceptionnelle de la TACA, il est dommage que vous ne l’ayez pas retenu.


Le coût du travail ensuite….
Le constat est connu. Nous avons en France un problème structurel dramatique de manque de compétitivité pour les filières « produits frais » notamment dans la compétition intra-communautaire. Le coût du travail excessivement élevé dans notre pays pénalise ces filières à forte intensité de main d’œuvre, notamment saisonnière. Il n’y a qu’à comparer le coût de l’heure de travail d’un saisonnier en Allemagne et en France, 6,15 €/h d’un côté contre 8,52 €/h de l’autre, ou d’un salarié en CDI : 10,52 €/h en France, 5,43 €/h en Espagne, pour comprendre que nos produits, bien qu’ils se distinguent par leur qualité, ne sont plus compétitifs sur le marché européen. L’Allemagne ou encore les Pays-Bas et l’Espagne ont su adapter leur législation aux enjeux agricoles modernes. Ils ont également su faire appel à une main d’œuvre saisonnière étrangère abondante en provenance des nouveaux Etats membre de l’Est. Elle représente dans certaines filières 90% des travailleurs saisonniers en Allemagne, 243 000 contre 10 000 en France

Monsieur le Ministre, à Nantes et devant la représentation Nationale, vous avez annoncé une mission interministérielle (agriculture, finances, emploi) chargée d'examiner les facteurs de distorsion de concurrence intraeuropéens, notamment sur le coût de la main d'œuvre et de formuler des propositions destinées à y porter remède. La méthode est raisonnable, mais là encore, il y a urgence d’organiser la riposte française, alors que l’on sait très bien ce que font les Allemands pour ne citer qu’eux en utilisant à leur profit les anciens accords Pologne –RDA !

Alors, où en est cette mission ? Pourquoi le parlement n’y est-il pas associé ? Quand rendra-t-elle ces conclusions ? Comptez-vous les mettre en œuvre pour la campagne 2005 –le contraire serait scandaleux pour nos paysans – et si oui, comment seront-elles financées alors que rien n’a été prévu pour ces allégements de charge, ni dans le budget, ni dans le PLFSS ?

Enfin, les rapports entre la Grande Distribution et la production

Un premier constat, Monsieur le Ministre, l'accord du 17 Juin n’a pas protégés du tout nos agriculteurs….

Le rapport de forces est complètement et durablement déséquilibré entre la grande distribution et production - 5 centrales d'achat contre 360 organisations de production ! – pour qu’il soit évident maintenant qu’il faut une législation spécifique pour ce secteur.

Lors du débat sur le développement des territoires ruraux, vous nous aviez renvoyé au rapport Canivet en nous assurant que dès que ces conclusions seraient connues, vous étudieriez les pistes de travail concernant le secteur agricole afin d'en tirer des conséquences législatives, très rapidement.

Selon vos propres déclarations, celles-ci pourront donner lieu à des amendements au projet de loi en faveur des développements des territoires ruraux, lors de sa seconde lecture au Sénat.

De plus le 27 Octobre, Nicolas Sarkozy, interrogé par nos soins pour avoir son avis personnel sur le coefficient multiplicateur, nous a promis des réponses précises pour « trois semaines plus tard », c'est-à-dire le 20 Novembre.

Or, ce fameux rapport, nous l'avons lu avec le plus grand soin.

Le problème de la filière fruits et légumes y est reconnu - comment en serait-il autrement ? – et débattu pendant 17 pages…..

Mais, les propositions, quant à elles sont désespérantes et écartent, de façon sommaire et très contestable, la voie d'avenir la plus prometteuses, celle du coefficient multiplicateur.

Cette Proposition est celle de la proposition de loi déposée par mon collègue Jean-Michel Ferrand (UMP) soutenue par 121 députés et surtout l'ensemble des organisations professionnelles arboricoles et maraîchères.

Nicolas Sarkozy a jugé la proposition de loi Ferrand incompatible avec le droit communautaire. Je remarque seulement que M.Canivet est bien plus prudent que le Ministre et que lorsqu’il parle d’incompatibilité communautaire, il emploie un conditionnel prudent….

Alors, Monsieur le Ministre ? Que fait-on ? Quels amendements allez-vous déposer au Sénat ? et avant de parler droit, avez-vous la volonté politique de contraindre la grande distribution à un autre partage des marges avec le monde de la production ?

Quant à nous, nous vous demandons d’oser, de bousculer les règles, même s’il n’est pas interdit d’être habiles. Améliorons ensemble la proposition Ferrand et battons nous pour la faire reconnaître à Bruxelles, car il faudra quand même nous expliquer en quoi la corrélation entre le prix de vente au client et le prix d’achat au producteur fausserait la concurrence entre producteurs européens !

Monsieur le Ministre, je serai plus bref sur les retraites agricoles et sur les biocarburants.

Vous le savez, les retraites agricoles sont parmi les moins élevées de la nation. Dans un contexte budgétaire extrêmement serré, le Gouvernement actuel – et c’est à mettre à votre actif et à votre honneur - a déjà mis en œuvre deux réformes : la mensualisation, et la mise en place d'un financement pour la retraite complémentaire.

Deux problèmes importants restent à régler :

• Celui des petites retraites, La nation , même si cela doit prendre du temps, ne peut pas avoir d’autre but que d’assurer une retraite pour nos agriculteurs équivalente à celle des autres citoyens
• et celui de la pension des conjoints de chefs d'exploitations et des aides familiaux.

Le budget 2005 aurait du être l’occasion de franchir une étape dans ce rattrapage, priorité sociale pour la nation. Il ne l’a pas été. Nous le regrettons vivement.

Enfin, les biocarburants…..Comme mon collègue Sauvadet, je me réjouis notamment que sous l’amical aiguillon du Groupe d’études sur les biocarburants présidé par le député UDF de la Somme Stéphane Demilly, la place des biocarburants ait été renforcée dans le panier énergétique des transports par rapport au texte initial de la loi d’orientation énergétique. Ainsi la part des biocarburants dans la teneur énergétique de la quantité totale d’essence et de gazole mis en vente devrait passer de 2% en 2005 à 5,75% en 2010 conformément à nos engagements européens et c’est tant mieux….

Vous avez annoncé un plan bio-carburants pour la fin du mois de Novembre…..Parfait, ….Mais faites en sorte que cela ne soit pas le plan d’une partie de la France ou celui d’une seule filière(éthanol, diester, etc…) ou d’une seule organisation industrielle, permettez-moi ici de réclamer une place aux huiles végétales pures, qui ont gagné leur lettres de noblesse européennes, mais à qui tout le monde ne veut pas de bien ici à Paris….Je vous enverrai d’ici quinze jours une proposition dans ce sens.

Monsieur le Ministre, dans le cadre budgétaire qui vous avez été donné, votre gestion est respectable. Il reste que vous êtes, que nous sommes à une période de bouleversement complet de nos campagnes et que dans certaines filières, il y a le feu. Votre budget est trop timide pour l’éteindre. Il n’est pas la riposte agricole française attendue.

Alors, parce qu’appartenant à la majorité, et donc solidaire de la politique globale de rétablissement des finances publiques menées, comme mes collègues UDF, je marquerai cette distance, cette déception entre l’audace réformatrice qu’il aurait fallu avoir et votre copie trop classique pour notre période de crise par une abstention lors du vote final.

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