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05/12/03 - Discours de Jean DIONIS, porte-parole du Groupe UDF sur le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom

Publication : 05/12/2003  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis



Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Nous délibérons ce soir sur les obligations de service public des télécommunications et sur France Télécom.

Qu'il me soit permis, au nom du groupe UDF, de saisir cette occasion pour saluer le travail de redressement mené par l'ensemble de la communauté des femmes et des hommes de France Télécom et en premier lieu par son équipe dirigeante conduite par Thierry Breton.

En juillet 2002, France Télécom était dans une impasse financière qui pouvait devenir mortelle avec une action au plus bas, avec une dette de 70 Milliards d'euros.

Le chemin parcouru est impressionnant et fidèle à la feuille de route annoncée par France Télécom (dans le cadre de son programme ambition FT 2005):

• lancement du programme TOP d'économies opérationnelles ayant pour objectif de générer 15 Milliards d'euros sur 2003-2005 dont 3 Milliards en 2003.
• Refinancement de la dette du groupe à hauteur de 15 Milliards d'euros
• Augmentation de capital de 15 Milliards d'euros avec une participation de l'Etat à hauteur de 9 Milliards d'euros.

Sans oublier l'intégration d'Orange dans FT et le lancement d'un plan Internet haut débit en Juin 2003 prévoyant que 90 % des français pourront accéder à l l'ADSL en Juin 2003, enfin à la mesure de France Télécom et cohérent avec la volonté politique du gouvernement en matière de développement numérique …..

Aujourd'hui France Télécom va mieux. France Télécom a perdu "du ventre" en s'allégeant d'à peu près 20 Milliards d'euros. France Télécom a gagné du muscle avec de brillants résultats opérationnels, surtout en téléphonie mobile….

Ce redressement spectaculaire est aussi un succès personnel pour vous M. le Ministre et pour le gouvernement dont la justesse du pilotage du soutien apporté à France Télécom a été un élément décisif du redressement de cette entreprise. Au nom de l'ensemble des députés UDF, je tenais à vous en féliciter.

Pourtant, ce soir, nous devrons éviter plusieurs écueils et tentations.

La première serait de considérer que France Télécom est définitivement sortie d'affaire. Avec 50 Milliards d'euros de dettes, France Télécom reste une des entreprises les plus endettées au monde dans un environnement extrêmement concurrentiel où les bons résultats opérationnels de FT peuvent s'évanouir très rapidement. FT ne doit donc pas s'endormir sur ses lauriers et notre responsabilité, à nous législateurs, est de mettre FT en position de leader européen pour les années à venir.

L'autre écueil serait de n'avoir d'yeux que pour France Télécom et d'oublier les autres acteurs économiques du secteur stratégique qu'est le secteur des télécommunications dans le développement national.

Or, le Groupe France Télécom est encore aujourd'hui largement dominant sur la plupart des marchés de détail du service téléphonique et de l'accès à Internet à haut débit :

• France Télécom détient en effet encore plus de 99 % des accès téléphoniques fixes (marchés résidentiels et professionnels confondus) et une part du marché des communications téléphoniques qui varie entre 60 % et 80 % selon les types de communication en volume de minutes.

• Sur le marché de l'accès à haut débit, la filiale de France Télécom, Wanadoo, détient pour sa part plus de 50 % du marché en nombre de clients finaux

• Enfin, sur le marché du mobile, Orange, l'autre filiale de France Télécom contrôle l'accès de près de 50 % des clients mobiles en France.

Ne perdons donc pas de vue que tout ce que nous ferons ce soir sur le statut de FT, impactera directement les autres acteurs du secteur Télécommunications. Nous avons donc le devoir impérieux de légiférer de manière moderne et équilibrée. Gardons cet objectif d'équilibre en mémoire lorsque nous parlerons des choses sensibles et qui peuvent fâcher comme la revente de l'abonnement fixe, l'assouplissement du contrôle tarifaire, la séparation comptable et managériale des activités réseaux et services, la refonte du SU….

Le cadre étant posé, revenons maintenant au projet de loi sur le statut de France Télécom. Celui-ci affiche en fait trois objectifs que nous soutenons :

1. Rendre la loi française compatible avec la Directive européenne sur le service universel en matière de télécommunications. Cette directive exige l'attribution par appel d'offre alors que la loi française l'affecte automatiquement à France Télécom.

Le Groupe UDF est favorable à l'ouverture à la concurrence en ce qui concerne les prestations de service universel. Ceci dit, pas moins de trois projets de loi en traitent actuellement :
* Le projet de loi pour l'Economie numérique en ce qui concerne la réforme de son financement,
* Le projet de loi déposé le 31 juillet 2003 sur le bureau de l’Assemblée nationale sur les communications électroniques, qui traite de son contenu
* Le projet de loi sur le statut de FT qui traite des modalités de son attribution.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire en séance à Madame la Ministre de l’Industrie, ce calendrier ne me paraît pas favorable à une transposition cohérente en droit français des directives européennes. C’est pourquoi le Groupe UDF veillera à mettre de la cohérence et de la lisibilité, si nécessaire par le biais d’amendements, sur un sujet actuellement lourd de contentieux (recours en conseil d'Etat) et confus.

Le deuxième objectif consiste à abroger l'obligation d'une participation majoritaire de l'Etat contenue dans la loi du 2 juillet 1990.

Je le dis sans ambiguïté : le Groupe UDF est favorable à cette abrogation. Cette obligation était idéologique et archaïque. En bloquant l'achat d'Orange par échange d'actions et imposant à France Télécom de financer cette acquisition stratégique par emprunt dans les plus mauvaises conditions, cette obligation a eu des conséquences désastreuses sur l'endettement de FT (40 Milliards d'euros).

La levée de cette contrainte permettra, lorsqu'elle l'estimera nécessaire, à la nouvelle équipe dirigeante de FT de mener une politique d'alliance européenne – espace naturel du développement de France Télécom -à la fois offensive et raisonnable financièrement.

Le troisième objectif est l’adaptation du statut des fonctionnaires de FT au nouveau statut de l'entreprise :

L'histoire de FT – qu'il faut absolument respecter – aboutit à une situation très particulière d'un groupe de 240 000 personnes avec 100 000 fonctionnaires. Le projet de loi respecte les engagements pris par l'Etat auprès des fonctionnaires. Le Groupe UDF, très attaché au maintien du statut des fonctionnaires de FT et le respect du choix de vie fait par chacun d'eux, y est donc favorable.

Le texte prévoit la normalisation des instances représentatives du personnel. En clair les syndicats qui participaient au conseil d'administration de France Télécom n'en feront plus partie. Ce point très sensible fera l'objet de débats importants. D'un point de vue général, L'UDF soutiendra le retour de France Télécom dans le droit général des entreprises privées.

Par contre, ce texte prévoyait dans le titre II de l'avant-projet de loi que la nomination du président de Conseil d'administration de FT soit soumise à l'agrément du premier ministre tant que FT emploiera des fonctionnaires, c'est-à-dire jusqu'en 2035. L'UDF se réjouit que cette disposition soit retranchée du texte définitif car elle introduisait un risque réel de confusion dans la gestion de l'entreprise. Ses justifications constitutionnelles n'étaient pas convaincantes. L'Etat, qui restera actionnaire majoritaire, gardera au sein du CA un pouvoir d'influence majeure sur cette nomination sans avoir recours à cette procédure d'exception.

Si le texte va dans le bon sens, il doit être à notre avis largement amélioré et c'est le sens de notre travail ce soir. Je voudrais maintenant approfondir les points sur lesquels le Groupe UDF souhaite enrichir le texte et donner un aperçu des deux amendements que nous vous proposons.

J’ai déposé avec mon collègue Jean-Paul Charié un amendement proposant, au sein de l’entreprise France Télécom, la séparation comptable et la séparation de management entre l'activité de mise à disposition du réseau pour d'autres opérateurs et son activité d'opérateur des services. Nous avons eu un débat en commission des affaires économiques qui fut de très grande qualité et je remercie tous ceux qui y ont participé et particulièrement ceux qui ont soutenu mon initiative.

De quoi s’agit-il au fond ? Il s’agit comme dans les autres secteurs qui passent d’une situation de monopole historique à une ouverture à la concurrence de séparer les activités de gestion du réseau des activités de services à la clientèle. C’est le cas dans le domaine ferroviaire avec RFF d’un côté et la SNCF de l’autre. C’est également le cas dans le domaine de l’énergie avec RTE d’un côté et EDF de l’autre. Et c’est en m’inspirant de ce dernier cas et de la loi récente que nous avons adoptée relative aux marchés du gaz et de l’électricité que je vous propose pour France Télécom de mettre en œuvre le même dispositif, à savoir un gestionnaire du réseau de télécommunications, indépendant des autres activités de France Télécom, avec des comptes distincts, un budget, un système d’information et un personnel qui lui sont propres. Ses activités seront bien entendu contrôlées par l’ART.

J’entends bien les interrogations voire les critiques de certains collègues. Mais je reste persuadé de la pertinence et de la faisabilité d’une telle architecture du secteur des télécommunications. Pertinente parce que ce dispositif permettra la contractualisation des relations réseau d'accès/opérateurs de services, et sera la seule manière d’obtenir un traitement non discriminatoire des opérateurs alternatifs et des services de l'opérateur historique, notamment sur le dernier kilomètre. La pratique d’une concurrence réelle et garantie par un gestionnaire indépendant sera bien évidemment bénéfique pour l’ensemble des acteurs du secteur des télécoms. Elle permettra également aux collectivités locales de se mobiliser dans le cadre des nouvelles dispositions adoptées en première lecture de la loi pour la confiance dans l’Economie numérique permettant aux collectivités territoriales d’être opérateur des télécoms dans la perspective des objectifs fixés par le Premier Ministre dans le plan RESO 2007.
Faisable parce que, dans les faits, France Télécom isole déjà les équipes intervenant sur le réseau des autres, équipes qui représentent aujourd'hui 25 000 personnes.

J’ajoute que cette disposition est d’autant plus nécessaire que l’on va débattre, avec un des amendement du rapporteur, de l'assouplissement du cadre tarifaire imposé par l'ART à France Télécom, disposition qui redonnera à France Télécom toute sa liberté de compétiteur, pour le plus grand profit d’ailleurs des utilisateurs et du développement de l’Internet et de l’offre ADSL. Il faut donc dans cette perspective garantir les droits de la concurrence en vérifiant que ni la vente à perte, ni les prix prédateurs n'auront cours dans ce secteur, et c'est tout le sens de la séparation comptable et managériale que le Groupe UDF vous proposera à travers une solution d’équilibre dans la libération des politiques tarifaires. Le Groupe UDF se veut le porteur de cet équilibre et de cette organisation transparente du marché.

Enfin un mot sur la situation des personnels reclassifiés. Cette question est loin d’être un détail car elle engage d’une certaine manière l’honneur de l’Etat. Il faut bien comprendre que ces personnels qui après la loi de 1990 ont décidé de rester sur leurs grades d’origine sont depuis près de 12 ans dans un « placard », avec des carrières bloquées et sans perspective d’avancement. Il serait inadmissible de laisser ces 5 000 fonctionnaires d’Etat travaillant à France Télécom dans l’impasse parce qu’aucun gouvernement de gauche ni de droite n’a pris ses responsabilités vis-à-vis d’eux en respectant leur choix de vie et leur souhait de continuer à servir l’Etat. C’est pourquoi notre Assemblée s’honorerait à voter un amendement qui permet de placer ces personnels dans les mêmes dispositions que celles prévues pour les ingénieurs des télécommunications et administrateurs des postes et télécommunications.


En conclusion, le Groupe UDF soutiendra ce projet de loi, nécessaire à la modernisation de France Télécom et à son redressement, tout en étant respectueux de son histoire, car il faut libérer les marges de manœuvre de cette entreprise stratégique pour l'avenir industriel de la France. Je suis persuadé que France Télécom continuera de remplir les obligations de service public qui lui seront éventuellement déléguées. La mobilisation massive et rapide de ses agents dans les départements inondés du sud-est est à ce titre exemplaire et doit rassurer tous ceux qui opposent privatisation et solidarité nationale. Cette mobilisation doit servir d’exemple à tous les opérateurs qui auront en charge les obligations de service public.
Monsieur le Ministre, ce soir nous allons commencer à poser le nouveau cadre légal de FT et du secteur des télécoms. Cette construction est urgente, et j'en profite, Madame la Présidente, pour insister auprès de tous les décideurs et auprès vous-même Monsieur le Président de la commission, pour que le calendrier parlementaire prévu par la loi économie numérique soit tenu.
Car ce cadre, en effet, ne sera complet qu'avec l'ensemble constitué par ce projet, la loi économie numérique et l'ordonnance télécom.
Cette construction, nous la soutiendrions dans son ensemble de manière active et positive. Mais nous veillerons à ce qu'elle atteigne tous ses objectifs de progrès social, d'adaptation équilibrée à l'échelle européenne et de respect simultané des valeurs de service public et de liberté concurrentielle.

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