Depuis Jeudi soir, je suis un rescapé – victorieux - du fameux GR20, qui traverse la Corse de Nord en Sud, de Calenzana à Conca …..En vérité, à l’initiative d’un de mes amis et collègues de la Municipalité d’Agen, Thierry Hermerel, je n’en ai fait qu’un bout de ce fameux GR, à peine 6 jours de marche d’Ascu à Vizzavona (certes au Nord, dans la partie réputée comme étant la plus difficile – voir le détail des étapes effectuées sur le site du GR 20, www.GR20.fr) sur les 15 jours nécessaires pour le faire en entier.
Que diable allions-nous faire dans cette galère, ma femme et moi, alors que tout le monde raisonnablement nous déconseillait cette expédition vue l’absence quasi-totale de préparation physique de notre part? L’invitation de Thierry était bien faite…commercialement. Nous allions choisir « le GR20 Nord option…confort » ce qui est un oxymore aussi puissant que «le Marathon option cool ». La publicité de notre guide était légèrement mensongère. Mais en notre for intérieur, nous étions prêts à gober ce mensonge.
Rassurés, il nous restait à surestimer notre potentiel physique de départ et notre préparation physique initiale, ce que nous fîmes avec innocence, inconscience…et un soupçon d’orgueil ! Après avoir vérifié que nous possédions à un haut niveau chacune des compétences requises, nous voilà partis. Envie de retrouver nos émois de ballades de jeunes routards ? Nos souvenirs d’adolescence scoute ? De voir la Corse de l’intérieur, celle de la Montagne, droit dans les yeux ? Sans doute un curieux mélange de toutes ces envies nous mit en route, avec quand même au fond de nous, une petite voix, celle de notre ange gardien qui nous susurrait à l’oreille : « cette fois, tu vas te planter ! et ce sera bien fait pour toi…. »
Tous les sites Internet, tous les guides, tous vos amis qui s’y sont collés avant vous, vous présentent le GR 20 comme le GR le plus difficile d’Europe et….ils ont raison. Qu’est ce qui rend difficile ce fameux GR Corse ? D’abord le malentendu initial sur la notion de randonnée…Pour un Gascon, comme moi, la randonnée évoque immanquablement quelque ballade dans des coteaux culminant à 150 m et parcourus par de beaux sentiers en terre, souvent bénéficiant de la fraîcheur ombragée de nos sous-bois. En Corse, la Randonnée se passe entre 1300m et 2300m, ça change tout. Les étapes sont des ballades en montagnes d’environ 8 heures de marche où vous faites souvent + 1000 m de dénivelé dans un sens et autant dans l’autre. Ensuite, il n’y a ni sentier en terre, ni sous-bois ombragé. A la place, il y a la fameuse, la terrible caillasse Corse, irrégulière à souhait, imprévisible qui casse tous les rythmes de marche et tord toutes les chevilles inattentives. En Corse, sur le GR 20, le paysage est magnifique, sauf.. qu’il vous est interdit de le regarder en marchant sous peine d’être sanctionner immédiatement par une chute douloureuse tellement le sol est irrégulier. En Corse, le paysage, souvent somptueux, vous régale …à l’arrêt et comme l’étape est longue, l’inévitable sketch de Coluche « C’est beau ! …..Allez, on se casse » vous poursuit inexorablement.
Alors me direz-vous, comment s’est conclue votre petite aventure ? Nos femmes, plus raisonnables, décidèrent, après deux jours d’effort, qu’elles avaient eu leur dose de GR20 et qu’il était temps, pour elles, de poursuivre leurs vacances corses …en bord de mer. Le Bordelais du groupe trouva la bonne excuse d’une entorse à la cheville dès le premier jour pour les rejoindre. Quant à nous, portés par nos illusions sur notre forme physique et notre amour-propre, nous continuames….jusqu’au but de notre périple, le col de Vizzanova en étant tout le long de ces six jours « au taquet », contrairement à notre guide Corse, et à Thomas, le fils de Thierry, bondissant, avec aisance, de caillasse en caillasse.
Faut-il pour autant déconseiller le GR20 à tous les sémillants quinquagénaires qui nous ressemblent ? Et bien, non…..Certes, une meilleure préparation physique que la notre ne fera aucun mal à votre projet. Mais vous aurez beau enchaîner marches d’entraînement de 8 heures et séances martiales en salle de gym, le GR20 restera difficile….. et incroyablement beau.
Marcher sur le chemin de crête de ce massif central Corse avec, à sa droite, la mer Méditerranée, la côte occidentale d’Ajaccio à Calvi et à sa gauche, la mer de Toscane et la Côte orientale de Bastia à Aléria, reste un bonheur rare et pur…….La Corse est une des plus belles îles du monde. C’est vrai pour son littoral, c’est vrai aussi pour ses lacs glaciaires, ses cascades, ses forêts de hêtres, et bien sur ses montagnes. Bref, le GR20 vous donne accès à une beauté pure, frugale, minérale qui est une des récompenses du randonneur vertueux …ou inconscient.
Ce n’est pas la seule récompense. Le GR 20 vous met en contact avec les Corses de l’intérieur : Bergers, guides, villageois qui vous rappellent que les Corses sont avant tout des éleveurs de cochons, de chèvres, de moutons, de veaux aimant passionnément leur pays et leur culture au point de rêver à l’autonomie ou – soyons fous – à l’indépendance de leur petite patrie. Je garderai longtemps dans ma mémoire de militant pro-européen les plaisanteries et la colère rentrée de ces bergers contre les fameuses normes européennes pour la mise en conformité de la fabrication de leurs fromages. Là haut du côté du Lac Nino, j’ai compris une fois pour toutes que soit l’Union Européenne respectera et mieux, aimera toutes ces cultures locales, s’attirant ainsi l’amitié des peuples qui la composent, soit elle sera balayée comme une construction éphémère.
Enfin, faire le GR 20 à plus de 50 ans, c’est, pour reprendre les jolis mots de Thierry Hermerel, « vivre sa petite aventure » : passer brutalement d’une vie de sédentaire urbain à une vie de berger Corse, dormir sous sa petite tente Quecha pendant 6 jours, ne plus avoir ni réseau, ni batterie, ni Twitter pendant …..Les mêmes 6 jours, faire la sieste en arrivant à la Bergerie, dîner à 18h, dormir à 21 h ….et repartir le lendemain à l’aurore, vivre la douche chaude comme un luxe rare….et mille autres détails qui créent « la petite aventure ».
Oui, le GR20 nous a lessivés, pliés, rincés, mais vivre cette petite aventure méritait cette grosse fatigue. Car le poète – en l’occurrence Paul Claudel- a raison lorsqu’il écrit : « Il n’y a pas d’autre bonheur pour l’homme que de donner son plein »
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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire
pace e salute
Voyez, comme pas mal de choses, je vous l' avais prédit...la Corse est fabuleuse...et encore, vous ne connaissez pas le sud, et son "alta rocca"...un autre voyage peut être...je vous y accueillerai avec plaisir...
bons baisers de corse du sud
Laurent de Tarco...et d' Agen...