Mes chers collègues, je vais tout de suite vous mettre à l’aise : je ne compte pas utiliser entièrement mon temps de parole, ce qui vous fera gagner du temps. (Sourires.) En effet, nous, centristes, nous n’avons pas l’habitude de disposer de trente minutes : nous sommes généralement moins bien lotis... (Sourires.)
Je tiens tout d’abord à saluer Jean-Louis Borloo, bien sûr, mais aussi Jean-Pierre Jouyet, à un moment où, si j’en crois la presse, il n’est pas exclu qu’il s’apprête à voguer vers d’autres cieux, pour lui dire que nous avons été très sensibles à son professionnalisme et à la courtoisie dont il a toujours fait preuve avec les parlementaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, mes chers collègues, je vais vous faire gagner du temps, disais-je, parce qu’il est compliqué de digérer les quatre propositions du paquet « énergie » en même temps que le budget,le projet de loi sur l’audiovisuel, le projet de loi relatif à la protection de la création sur Internet, le Grenelle 2, etc. C’est pourquoi, si le travail en commission s’est avéré de qualité, il a été, reconnaissons-le, réduit au minimum. Quant à nos interlocuteurs socio-professionnels, nous ne les avons même pas vus !
Que dire, donc, de ce paquet appelé à devenir une nouvelle directive ?
Tout d’abord, la cohérence est profonde entre le travail mené au sein du Grenelle de l’environnement et le troisième paquet européen. Certains diront que c’était bien le moins, mais il me fallait tout de même le souligner, notamment pour tous ceux qui pensent que la France, avec le Grenelle, a fait un effort exagéré au niveau environnemental. Non, nous n’avons pas accompli un effort exagéré : nous sommes simplement de bons élèves, situés dans le milieu du classement européen – sous réserve, bien sûr, que nous atteignions nos objectifs. Un seul exemple : la France s’est donnée pour objectif d’atteindre 23 % d’énergies renouvelables en 2020, alors que la quatrième proposition du paquet, celle qui module le taux selon les États membres, nous fixe l’objectif de 25 %. Le Nouveau Centre a approuvé « avec enthousiasme », selon mes propres termes de l’époque, le Grenelle de l’environnement, et nous soutenons donc globalement la démarche suivie dans le troisième paquet « énergie ».
Cela dit, le militant de la construction européenne que je suis remarque avec un certain plaisir que l’Europe nous donne quelques leçons fondamentales.
La première de ces leçons, c’est qu’il n’est pas interdit de mettre de l’ordre dans nos priorités environnementales. Au sommet de ces priorités, il faut clairement placer la réduction des gaz à effet de serre et la prise en compte du changement climatique. Il n’y a pas de place pour les intégrismes qui bloqueraient la mise enœuvre de cette priorité du fait de leurs exigences exorbitantes.
J’ai apprécié que le Ministre d’État, tout en évoquant le développement anarchique des éoliennes, ait maintenu l’objectif de 8 000 éoliennes en France. Il faut en effet savoir ce que l’on veut : atteindre l’objectif des 25 %, ou seulement adopter une posture ? Cela vaut aussi pour l’énergie hydraulique : nous avons la chance d’avoir un pays doté d’un grand potentiel en ce domaine, mais voulons-nous favoriser le renouvellement des titres d’exploitation et les conditions d’achat de cette source d’énergie, notamment en ce qui concerne la micro-hydraulique, ou dissuader, au contraire, ceux qui voudraient y investir ? En ce domaine aussi, une hiérarchisation des priorités environnementales s’impose. Tous les textes de l’Union européenne affirment qu’au sommet de la hiérarchie doit figurer la réduction des gaz à effet de serre. Bien entendu, une approche globale est souhaitable : si nous pouvons tout faire, faisons-le, mais gardons-nous, je le répète, des intégrismes.
Deuxième leçon que nous donne l’Europe : nous devons, pour nous donner une chance d’aboutir à nos objectifs, intégrer dans notre approche la notion de subsidiarité. Tous les textes du paquet « énergie » prévoient que les manières d’atteindre le taux fixé sont laissées à la discrétion des États membres : à eux de gérer leur effort secteur par secteur. Certains Etats choisiront d’agir sur les transports, d’autres sur le chauffage, d’autres encore sur l’industrie. La subsidiarité est une bonne approche, mais pourquoi ne pas l’adopter aussi au niveau régional, voire départemental ?
C’est exactement ce que fait l’Europe, qui sait ajuster en permanence ses objectifs : en 2003, une directive avait décidé que le taux d’incorporation de biocarburants devait atteindre 5,75 % d’ici 2010 ; constatant que l’objectif était hors d’atteinte, l’Europe a procédé à un réajustement et fixé un taux de 10 % pour 2020. Monsieur le Ministre d’État, c’est justement ce travail de gouvernance à long terme et de mise à jour permanente des objectifs que nous avons souhaité injecter dans votre Grenelle de l’environnement.
Les biocarburants ont suscité de vifs débats parmi nous, mais il est heureux que le Gouvernement soit revenu sur son intention première de supprimer son soutien à cette filière. Ceux qui s’y sont engagés très fortement sont désormais confortés par l’approche raisonnable de l’Union européenne, dont nous ne pouvons que saluer le travail.
Le ciel européen serait-il donc entièrement bleu ? Pas tout à fait. D’abord, parce que nous atteignons les limites du système de quotas prévu pour le contrôle du CO2, qui est en passe de devenir, sans vouloir faire de mauvais jeu de mots, une usine à gaz… (Sourires) D’un côté, on peut dire que c’est un succès puisque les émissions ont baissé de 6,5 % dans l’Union européenne entre 2005 et 2008, mais de l’autre, la lecture de la première proposition de nouvelle directive donne le vertige tant le système se complexifie.
En second lieu, monsieur le Ministre d’État, les négociations ne seront pas simples et je vous souhaite bon courage ! Dans le contexte de crise économique actuel, certains points de résistance vont se manifester : de même que les Allemands, les Français ont une industrie automobile ; je ne suis pas sûr qu’il sera simple de fixer des quotas moins élevés dans ce domaine. Je vous renouvelle donc tous nos encouragements pour cette négociation qui s’annonce difficile.
De plus, la France a raison d’affirmer que le système européen comporte une grande faiblesse puisqu’il n’intègre pas les importations dans les quotas de gaz à effet de serre. Enfin, je voudrais signaler qu’il traite durement les nouveaux entrants. En résumé, les centristes n’ont rien contre le fait de garder ce système qui nous a fait faire des progrès et qui fonctionne, mais ils estiment qu’il faut conserver le cap de l’installation d’une taxe carbone, un modèle plus moderne et applicable à l’ensemble de l’économie.
Enfin, nous regrettons qu’il manque à ce « paquet énergie-climat » une dimension forte : l’adaptation aux changements climatiques. Qu’on le veuille ou non, notre climat change, et j’en veux pour preuve le cas de ma région, l’Aquitaine, où l’évolution de la température a été la plus forte entre 1945 à 2005 : deux degrés en moyenne, contre 0,9 degré dans l’ensemble du pays. Tous les climatologues le constatent : la région est en train de se « méditerraniser », qu’il s’agisse de la température, de la végétation ou de l’hydrologie.
Je veux donc délivrer ce message fort à la tribune de l’Assemblée : oui, nous devons investir dans la maîtrise de l’émission des gaz à effet de serre, mais il est aussi important, pour l’économie et la vie quotidienne des gens, que nous nous adaptions au changement climatique. Je souhaite que les parlementaires, en particulier ceux qui sont actifs sur ces sujets – je me tourne vers Pierre Lequiller, Président de la commission chargée des affaires européennes, et vers Bernard Deflesselles –, s’emparent de ce dossier, qui inclut notamment notre politique de l’eau.
Un tel volet aurait mérité de figurer dans le « paquet énergie-climat », et il aurait fallu le relier à une nouvelle politique de l’eau comportant deux axes stratégiques : économiser l’eau ; autoriser franchement la création de nouvelles ressources en eau. J’invite ceux qui ne sont pas convaincus à venir voir le cours de la Garonne, qui fut l’un de nos quatre grands fleuves et qui devient un oued en été. Ils constateront de visu le besoin de créer de nouvelles ressources en eau, ce qu’empêche notre législation, qui fait largement obstacle à la constitution de réserves. Le couplage entre maîtrise et adaptation – notamment par une politique de l’eau – est fondamental pour tout le sud de l’Europe.
Reste à aborder, monsieur le Ministre d’État, le problème du financement. Si j’ai bien compris, le commissaire européen à l’environnement a estimé le coût du « paquet énergie-climat » à 60 et à 70 milliards d’euros par an. Comme l’a souligné M. Barroso, le président de la Commission, cela ne représente que 0,5 % du PIB de l’Union européenne d’ici à 2020. Reste néanmoins posée –y compris pour les fervents européens que sont les centristes – la question du financement européen de ces mesures. Les États membres sont en effet priés de se débrouiller pour trouver l’argent, mais il faudrait que l’Union fasse émerger de son propre budget, lors des arbitrages qu’elle a à effectuer, une partie des ressources. Je vous exhorte, monsieur le Ministre d’État, à faire vôtre cette revendication.
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