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09/04/09 - rejet de la loi HADOPI - Le discours de Jean Dionis dans l'hémicycle

Publication : 09/04/2009  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Madame et Messieurs les Rapporteurs,
Mes Chers Collègues,

Je tiens, pour commencer mon propos et malgré nos désaccords, Madame la Ministre, à vous remercier pour votre disponibilité et celle de votre équipe. Nous saluons et remercions également les trois rapporteurs, avec une mention spéciale pour Franck Riester qui a toujours défendu les points de vue de notre assemblée, notamment en CMP.
Comment permettre aux professionnels de la culture de vivre de leur création dans une société où Internet est devenu le canal de diffusion majeur ? Comment assurer une juste rémunération aux ayant droits, quand la technique rend aujourd’hui accessible l’immense majorité des œuvres culturelles rapidement, facilement et gratuitement à l’ensemble des citoyens internautes ?
Nous avions essayé d’y répondre il y a trois ans, lors de l’examen de la loi DADVSI, censée lutter contre la destruction de valeur, notamment dans l’industrie musicale. Déjà en 2006, nous avions « en ligne de mire » l’ampleur du téléchargement illégal dans notre pays pour expliquer l'effondrement de certains marchés culturels.
Si nous sommes là aujourd’hui, c’est que la DADVSI n’a pas été à la hauteur des attentes des ayant droits, et disons le plus crûment, qu'elle a été d’une inefficacité flagrante
C’est donc cette même question de la rémunération de la création sur internet qui a présidée à la conclusion des accords de l’Elysée du 23 novembre 2007, entre les pouvoirs publics, les ayant droits de l’industrie culturelle et les fournisseurs d’accès à internet.
Ces accords, qui reprennent largement les conclusions du rapport de Denis Olivennes, constituent la colonne vertébrale du projet de loi qui est aujourd’hui soumis à notre approbation.
Soyons clairs.
Nous considérons que la méthode privilégiée pour l’élaboration de ce texte était la bonne.
Au-delà de la méthode, les centristes se retrouvent dans les principes fondateurs de la loi et notamment, dans la double approche intelligente issue des accords de l’Elysée :
Une forte promotion de l’offre légale, et l’existence d’un volet dissuasif pour lutter contre le téléchargement illégal.
La ligne politique des centristes est d’ailleurs restée la même depuis 2005 : nous soutenons l’exigence d’avoir une vision à long terme sur les modes de consommation des œuvres culturelles sur internet tout en reconnaissant la nécessité de prendre des mesures pragmatiques de court terme pour diminuer le téléchargement illégal.
Notre critique majeure se concentre donc sur l’insuffisance des dispositions pour favoriser structurellement l’offre légale des œuvres sur internet, qui constitue pourtant le préalable indispensable au changement des comportements des consommateurs.
C'est le streaming, la musique diffusée en mode continu, qui fera reculer reculer durablement le téléchargement illégal et non la riposte graduée, toute utile soit elle à court terme.
Nous n’avons cessé de le dire, depuis 2005 :
L’offre légale est trop chère, aucun effort majeur n’a été fait depuis trois ans pour faire baisser significativement les prix : c’est pourtant le nœud du problème de la rémunération de la culture....
Un jour, il faudra bien prendre en compte la spécificité des échanges numériques caractérisés par un coût de reproduction quasi nul, et une qualité qui reste intacte, copie après copie.
Les marchés d'avenir que sont le cinéma et la musique numériques ne pourront trouver leur modèle économique qu’en s’élargissant considérablement, mais aussi, en s’ouvrant enfin aux nouveaux modèles de consommation des œuvres (abonnement, forfait, etc.).
Le groupe Nouveau Centre vous avait pourtant soumis un certain nombre d’amendements qui visaient non seulement à rendre l’offre légale plus attractive, mais aussi, à faire émerger des nouveaux modèles de consommation des œuvres culturelles en ligne.
On voit déjà poindre ces modèles économiques gagnants :
Le spectacle vivant ne s’est jamais aussi bien porté,
Les systèmes de forfait et d’abonnement permettent aujourd’hui d’avoir accès à des catalogues en streaming toujours plus vastes, tout en rémunérant les ayant droits.
Le texte final reste très pauvre en matière de renouvellement du modèle économique de nos industries culturelles. Au moins, notre amendement permettant à l‘HADOPI de saisir l’Autorité de la concurrence ouvre la possibilité de s’intéresser enfin au fonctionnement effectif de la concurrence dans l’industrie musicale, et notamment, aux relations contractuelles souvent déséquilibrées entre les ayant droits et les diffuseurs. Saisissez vous de cet outil Madame la Ministre et mesdames et messieurs les futurs membres de l'Hadopi!
Donc le vent de la révolution numérique se lève.....mais comme dit le poète, il faut tenter de vivre ! et à court terme, nous soutenons l’existence d’un volet répressif dans la loi.
La mise en œuvre de ce volet répressif par le dispositif de la riposte graduée est, pour paraphraser Churchill, la pire des solutions à l'exception de toutes les autres pour lutter contre un phénomène érigé en comportement social de masse.
On connaît, en effet, les limites de la riposte graduée : la détection et l’identification des contrevenants seront particulièrement difficiles et sources de contentieux, et le dispositif pourra être facilement contourné par les internautes les mieux renseignés, mais nous considérons que nous n'avons pas « de meilleure solution en magasin ».
Je le dis à nos collègues de l’opposition : Nous pouvons vous rejoindre sur les propositions à long terme, mais il est trop facile de faire l’impasse sur le court terme.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’une majorité de députés du Nouveau Centre, à commencer par notre Président François Sauvadet, soutiennent votre projet de loi tout en étant solidaires des nombreuses propositions d’amélioration que nous vous avons faites tout au long des débats.
Ils m’ont chargé de le dire aujourd’hui à cette tribune, puisqu'il n'y aura pas de vote solennel : malgré les malheureuses péripéties intervenues en Commission mixte paritaire, ils soutiennent la version définitive de ce projet de loi.
Cela dit, au fur et à mesure de nos travaux parlementaires, un nombre croissant de députés centristes se sont sentis mal à l’aise avec votre projet de loi.
Pour être précis, en ce qui me concerne, je me suis abstenu lors du vote en première lecture. Aujourd’hui, je voterai contre après les dernières rectifications inacceptables opérées en CMP.
Mon abstention s’appuyait sur mon soutien au dispositif de la riposte graduée, malgré mon opposition profonde sur le choix de la sanction. Je continue en effet de penser que ce choix de la coupure de l'accès à Internet, comme sanction du dispositif de riposte graduée, est marqué de sept péchés capitaux originels :

1.La coupure de l'accès à Internet sera vécue comme une agression symbolique contre l'art de vivre ensemble de notre époque d'une grande partie de nos concitoyens.

2.Elle sera longue à mettre en œuvre – Pas de déploiement de ce dispositif avant début 2011.Elle sera source de contentieux

3.Elle sera coûteuse à mettre en place (70 millions d'euros)

4.Elle ne rapportera rien aux créateurs et aux artistes ;
5.Elle sera une source de graves problèmes de sécurité concernant les biens et les personnes (systèmes d'alerte publique, télémédecine...) ;
6.Elle isole juridiquement la France

7.Elle impose la constitution d'une liste noire d'internautes contrevenants accessibles à tous les opérateurs, condamnée par la CNIL et l'ARCEP.

Au risque de me répéter, je persiste à penser que l’amende avait une chance de s’enraciner comme une sanction proportionnée. La coupure, quant à elle, - et je prends date aujourd’hui - sera violemment rejetée par notre jeunesse.

*********
Mais je ne m'abstiendrai pas, Madame la Ministre, comme je l'avais prévu. Je voterai contre, Madame la Ministre, après l’incroyable CMP à laquelle j’ai assisté avant-hier et qui a vu le rétablissement de la double peine « Coupure+paiement »
Que cette CMP revienne sur un vote unanime de l'assemblée nationale, c’est déjà quelque chose qui heurte mes convictions démocrates. Car l’esprit de nos institutions est de bien de laisser le dernier mot à l’Assemblée nationale.
Que cette « double peine » ait été rétablie au prix d’une coalition improbable, composée de députés et de sénateurs UMP, soutenus par les sénateurs…socialistes, ne fait que renforcer notre opposition à cette mesure.
Que cette affaire soit parfaitement dérogatoire au Code de la Consommation dans son article L121-84, ce qui fait de votre texte une loi d’exception, fragile constitutionnellement, cela suffit à la rendre inacceptable pour beaucoup d'entre nous.
Enfin, si cette disposition échappe à la censure des sages du Palais Royal, elle sera l’objet de contentieux incessants avec les internautes : jamais ils n’accepteront de payer pour un service suspendu.
Nous avons proposé l’amende, vous vous en êtes tenu à un produit qui va devenir célèbre, le « pack luxe HADOPI » : suspension + amende !
*************
Trop c’est trop, Madame la Ministre !
Nous étions prêts à voter la riposte graduée malgré nos doutes sur la détection des contrevenants.
Nous vous avons fortement alerté sur le choix de l’amende.
En tant que rapporteur de la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique, je vous avais mis en garde contre l’article 5 qui crée une insécurité juridique évidente.
A nouveau, vous faites une loi d’exception par rapport à la LCEN. Avec cet article, vous donnez le pouvoir au juge de déroger au principe de subsidiarité inscrit dans l'article 8 de la LCEN. Ainsi, vous lui permettez d'ordonner directement des mesures de filtrage pour les contrevenants au Code de la Propriété intellectuelle alors que ceci avait été refusé pour les crimes identifiés comme odieux dans notre code pénal.
Jusque là, j'étais prêt à m'abstenir.
Mais la goutte d’eau de la double peine a fait déborder le vase HADOPI.
J’assume donc mon opposition finale à ce texte et déplore ce qui restera, pour moi, comme une occasion gâchée.
Madame la Ministre, nous avons vécu le naufrage législatif de la DADVSI. Au fur et à mesure que se durcissaient les débats sur l’HADOPI, l’image du Titanic législatif, bien présente lors de nos débats sur la DADVSI, s'est à nouveau invitée dans nos esprits.
En pensant à elle, je finirai en vous souhaitant bonne chance et bonne route dans la direction de l’Atlantique Nord où vous attendent les nombreux icebergs de la mise en oeuvre de l'Hadopi. Aujourd'hui, l'orchestre continue à jouer. Mais, pour ma part, pardonnez-moi, je choisis de rester à quai.

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Communiqué de presse : Un texte rejeté, l'aboutissement d'une gestion maladroite et rigide

Jean Dionis, porte parole du Nouveau centre sur ce texte, a voté contre ce texte à titre personnel, après le constat des durcissement des dispositifs de sanction lors de la CMP, alors que son intention initiale était de s'abstenir.

En effet, la CMP de mardi était revenue sur plusieurs avancées votées par l'Assemblée, et notamment le rétablissement de la double peine (coupure de l'accès + paiement le temps de la coupure)

Ce refus de prendre en compte les messages les plus fort adressés par le parlement tout au long des débats et notamment la nécessité de remplacer la coupure de l'accès internet par l'amende ainsi que ne pas faire de la loi HADOPI une loi d'exception avec la mise en place du filtrage et le dispositif de double peine a multiplié les réactions de rejet dans toutes les familles politiques de l'Assemblée nationale pour aboutir à un vote de rejet.

Les centristes regrettent cette occasion gâchée, ils avaient largement soutenu le dispositif de riposte graduée à condition que celui-ci reste proportionné.

C'est bien une gestion maladroite et sourde des débats législatifs qui a abouti à ce durcissement de dernière minute. C'est clairement la cause de ce nouveau naufrage législatif après la DADVSI.

Il est temps maintenant de reprendre le travail sereinement en faisant la place qu'elle mérite à l'Assemblée nationale en écoutant le message qu'elle a porté tout au long des débats.

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