Noël et le Nouvel An sont passés avec leur lot de rites répétitifs, mais aussi avec leur charge de bonheur familial et amical. La maison a repris ses rythmes habituels et ce soir je suis d’humeur à philosopher. Si, si…
Et si nos vies étaient un curieux mélange de cycles répétés et permanents, et de temps qui, lui, inexorablement passe…
Les fêtes de Noël et du Premier de l’An sont bien là pour nous rappeler à quel point nos vies sont structurées par les cycles fondamentaux de notre Terre : celui de la rotation annuelle de la Terre autour du Soleil qui définit notre calendrier et les saisons, celui de la rotation quotidienne de la Terre sur elle-même qui définit le jour et la nuit, celui de la rotation mensuelle de la Lune autour de la Terre qui définit, entre autres, nos clairs de lune et nos marées.
Nous ne réfléchissons pas assez à ce caractère cyclique et répétitif de nos vies. Ou plutôt, seuls ceux qui sont directement en prise avec la nature – les agriculteurs, les pêcheurs – sont un peu les seuls à être hypersensibles au retour mécanique des saisons et des travaux spécifiques qui vont avec : labour, semailles, taille, récolte, tout cela revient chaque année à peu près à la même date, aux aléas près – et ils sont ô combien structurants – de la météo.
J’ai eu la chance d’être le fils d’un arboriculteur à la fois cultivé et passionné. À la fin de sa vie, il me confiait être touché par un drôle de sentiment, inconnu chez lui sauf à la toute fin de sa carrière. Ce sentiment était la lassitude devant les saisons qui se répétaient, elles, inlassablement et qui lui commandaient, à lui, arboriculteur rebelle, de refaire chaque année un peu les mêmes travaux à la même époque, aux aléas météo et commerciaux, et à l’innovation technologique près. Je me rappelle que cette confidence paternelle m’avait troublé et fait réfléchir.
Et à bien y réfléchir, nos vies professionnelles et familiales sont aussi très cycliques : les mêmes fêtes chaque année, les mêmes loisirs chaque année, les mêmes temps forts commerciaux (soldes d’été, Black Friday en novembre…) et tout cela, tous les ans que fait le Bon Dieu !
Je crois qu’il nous faut sans cesse réfléchir à ce risque de lassitude.
Qui, au fond de lui-même, n’a pas été fatigué par le caractère mécanique et obligé de certains côtés de notre vie sociale ?
Cette lassitude, elle est d’ailleurs vieille comme le monde et on peut en entendre les accents par exemple dans la Bible, dans le magnifique livre de l’Ecclésiaste.
Écoutons ce que nous dit le fils de David, roi de Jérusalem :
« Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité. Quel avantage revient-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? Une génération s’en va, une autre vient, et la Terre subsiste toujours. Le Soleil se lève, le Soleil se couche ; il soupire après le lieu d’où il se lève de nouveau. Le vent se dirige vers le midi, tourne vers le nord ; puis il tourne encore, et reprend les mêmes circuits. Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n’est point remplie ; ils continuent à aller vers le lieu où ils se dirigent. Toutes choses sont en travail au-delà de ce qu’on peut dire ; l’œil ne se rassasie pas de voir, et l’oreille ne se lasse pas d’entendre. Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. »
Je crois sincèrement qu’il nous faut prendre conscience fortement de ce caractère cyclique de nos vies et en tirer toutes les conséquences (que faut-il répéter pour créer un rite précieux ? que faut-il changer au rite pour qu’il continue à vivre ?).
Mais au plus profond de nous-mêmes, nous savons bien aussi que tout n’est pas cyclique, que le temps passe et nous transforme, que nos vies sont faites de naissance, de croissance, de déclin et de mort, que l’Histoire de l’humanité, elle-même, ne se réécrit jamais de la même manière et que nous sommes nombreux à penser qu’elle a un Sens.
Il y a de toute évidence des parcours de vie qui sont autant de naissances, d’événements, et qui nous vaccinent de manière essentielle contre cette lassitude existentielle que j’évoquais ci-dessus.
Mais nos vies sont tissées avec ces deux réalités essentielles : des cycles, des répétitions qui nous dépassent, et des parcours de libertés et d’événements uniques qui nous fondent en tant que sujets libres.
Et je crois que notre quête légitime de bonheur et de sagesse ne pourra pas faire l’économie de cette réflexion en profondeur sur cet étrange mélange entre cycles et événements qui nous définissent.
Bon… promis, les prochaines chroniques seront plus terre à terre et pragmatiques.
Bonne année 2025 !
Et n’hésitez pas à prendre de bonnes résolutions, puisque tout n’est pas… répétitions et que nous pouvons changer ! Si, si…
@+,
Jean Dionis, Maire d’Agen
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Jean Dionis, Maire d’Agen