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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Etalement urbain (ZAN) : Les raisons de la colère des Maires

Publication : 12/12/2022  |  12:20  |  Auteur : Webmaster

L’assemblée des Maires du Lot-et-Garonne est toujours un évènement. Les Maires du 47 y sont très fidèles. C’est donc un très bon endroit pour y flairer le moral, la détermination de mes 316 collègues…

J’ai encore en mémoire notre Assemblée générale de 2018 au Temple-sur-Lot où nous avions à la quasi-unanimité décider d’apporter notre soutien aux agriculteurs de notre département engagés dans un combat décisif pour obtenir les ressources en eau nécessaires à leur métier. Il y avait ce jour-là une détermination, un élan qui signent le début de mouvements sociaux profonds.

Et bien, bis répétita, cette fois à Casteljaloux, samedi 10 Décembre 2022, et cette fois à propos de la terre, du foncier, cette fois sur la gestion du droit des sols dans nos villes et nos villages.

Depuis que la France est République Française, c’est le cœur de la compétence des maires que de gérer l’espace, les terrains de leurs communes. Cela passe par des procédures que nous connaissons tous : le permis de construire, les demandes travaux, les plans locaux d’urbanisme, etc. Le maire est la cheville ouvrière de toutes ces procédures, ou plutôt, « il était » si on laisse prospérer un décret répondant au doux acronyme, bien technocrate, de ZAN (Zéro Artificialisation Nette).

 

Pour en revenir à notre Assemblée générale, celle-ci avait clairement un goût particulier samedi dernier : celui de la détermination et de la colère froide, un peu comme pour l’eau au Temple sur Lot.

Comme pour l’eau, notre assemblée générale marquera, par le vote d’une motion adoptée à l’unanimité, le début d’un combat qui n’a pour autre sujet que la défense de la liberté des maires et des leurs conseils municipaux à organiser, dans le cadre de la loi, l’espace, le foncier de leurs communes. Et vous l’aurez compris,  la ZAN ne nous rend pas ZEN, nous les maires de France !

Au départ, tout partait bien. La loi « Climat et résilience », promulguée le 22 Août 2021, elle-même issue de la Convention Citoyenne sur le Climat, décide de la division par deux du rythme de la consommation de terres agricoles ou boisées pour la période 2020-2030, et ceci par rapport à la consommation constatée dans la période 2010-2020, avec l’ambition d’arriver à zéro artificialisation nette (d’où la fameuse ZAN) en 2050.

Jusque là, c’est ambitieux. Mais, si l’objectif fait consensus, y compris bien-sûr parmi les maires, le diable réside toujours dans les détails. Les députés, trop naïfs ?, trop pressés ?, renvoient les modalités d’application de cette ambition à un décret ministériel.

Les décrets, cela ne vous dit rien ? Normal, c’est un angle mort, secret du gouvernement de la France. Les décrets, c’est l’administration centrale, sous l’autorité du gouvernement, qui reprend la main pour terminer le travail du parlement.

Au moins en théorie … Dans le cas précis, les deux décrets d’application (Décrets n°2022-762 et n° 2022-763 du 29 avril 2022, J.O. du 30 avril) imposent à chaque document d’urbanisme (plan local d’urbanisme, Schéma de cohérence territorial, etc.) de France de diminuer de la même manière uniforme de 50 % la consommation de terres pour réaliser les projets municipaux entre les périodes 2010-2020 et 2020-2030 et confient la police de cette obligation aux conseils régionaux  par le biais d’une autre usine à gaz administrative, le  SRADDET  (Schéma Régional  d’aménagement durable et d’égalité des territoires) .

Vous avez bien lu !!! Diminution de 50% de terres disponibles pour les projets de logement, d’entreprises, de services publics  quelque soit le territoire Français de Paris à nos villages ruraux, des Hauts-de-Seine jusqu’à la Creuse, etc. 

C’est juste fou d’avoir le même objectif dans la communauté urbaine de Bordeaux qui reçoit plus de 20 000 habitants/an et dans le Lot-et-Garonne qui perd chaque année des habitants et se bat dos au mur pour développer les projets au fins d’enrayer ce déclin mortifère ?

 

Bref, avec ces décrets, les Maires n’ont plus les moyens de mettre en œuvre un projet spécifique, adapté à la géographie, à la démographie, aux engagements pris devant leurs électeurs…

Or, depuis toujours, il revient aux Maires d’administrer librement les sols de leur commune et de les affecter aux différents usages de la Ville, le tout dans le cadre de la loi. Et tout cela porte clairement un nom et même un numéro :  c’est l’article 72 de la Constitution  qui dispose noir sur blanc, que « Dans les conditions prévues par la loi, les collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. ». Ce texte fondamental qu’est notre constitution appelle au respect et à la confiance de l’Etat envers les Maires.

Avec la ZAN, une ligne rouge a été franchie. S’il est impératif que nous veillions collectivement à lutter contre le phénomène de consommation excessive des terrains agricoles, de l’étalement urbain et de l’artificialisation répétitive des sols, la question qui se pose est « Comment ? », « Comment lutter ? » Est-ce en en imposant aux Maires, sans discernement, des objectifs déconnectés de la réalité ?

Les 317 Maires du Lot-et- Garonne ont répondu Non ! Non à la ZAN forcée ! Non à la ZAN uniforme sur tous les territoires de France. Lors du Congrès des Maires, un souffle puissant de colère des élus locaux a fait changer d’avis le Président de la République et sa Première Ministre. Tous deux sont intervenus et ont  promis de revoir la ZAN à la lumière du principe de  différenciation des territoires  et de  contractualisation des objectifs . J’ai encore en mémoire les mots du président de la République à l’Elysée le 23 novembre « pour la ZAN, il faut une approche territorialisée et différenciée ».

A Casteljaloux, il n’y a pas manqué une seule voix pour notre motion qui a plusieurs objectifs :

  • D’abord, de réaffirmer notre engagement dans la transition écologique qui s’impose à nous, les maires. Nous, aussi, nous avons compris les enjeux de l’artificialisation, nous avons compris les problèmes de l’étalement urbain, nous avons compris qu’il faut privilégier la restauration de friches industrielles ;
  • Cette motion, c’est aussi rappeler que nous sommes et voulons rester les responsables de l’administration du foncier communal
  • Cette motion c’est dire non, de manière uniforme et non-équivoque à la diminution de 50% des terres agricoles par rapport à la période 2010-2020, que ce soit à Arcachon, à Bordeaux, à Casteljaloux ou à Tournon !
  • Cette motion c’est proposer de contractualiser ces objectifs avec l’Etat, la commune, et avec la Région s’il le faut, pour qu’enfin soit pris en compte les spécificités de chaque territoire, sa géographie comme ses projets !
  • Cette motion c’est faire entendre que nous les élus Lot-et-Garonnais, nous étions les premiers à nous battre pour l’eau et que, comme pour l’eau nous serons les premiers dans ce combat pour la liberté de nos territoires et leur aménagement durable ! A bon entendeur, le salut des 317 maires du Lot-et-Garonne !

@+

  Jean Dionis  

Maire d’Agen  

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