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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Notes de lecture : « Jeux de pouvoir » par Mathieu Gallet

Publication : 21/07/2022  |  15:39  |  Auteur : Webmaster

Pourquoi donc ai-je lu ce livre, maintenant ? Question éternelle lorsque je ferme, après lecture, un livre. On ne lit jamais que par recommandation... Certes, certes et en l’occurrence, la recommandation est venue de ma librairie préférée, la librairie Martin-Delbert, qui organisa une séance de dédicace autour de  Mathieu Gallet  et de son livre. J’ai répondu favorablement à cette invitation, car je connaissais Mathieu, le hasard ayant voulu que nous ayons suivi ensemble une étape du Tour de France, alors qu’il était conseiller ministériel auprès du Ministre de la Culture.

Nous avions tout de suite sympathisé autour de nos racines lot-et-garonnaises communes : Villeneuvoises pour Mathieu, Agenaises pour moi. Le parcours, brillant de Mathieu, Sciences Po Bordeaux, puis conseiller ministériel, Président de l’INA (Institut National de l’Audiovisuel de 2010 à 2014) et enfin Président de Radio France (de 2014 à 2018), qui ne faisait alors que commencer, avait déjà attiré mon attention. Car j’ai toujours pensé que le maire d’Agen se devait d’être en contact avec les talents Agenais pour les mobiliser au service de leur ville natale.  

Nous avions donc déjà fait connaissance lorsque la carrière de Mathieu - et les problèmes concomitants – s’accéléra. On ne devient pas Président de L’INA à 33 ans par hasard. Il y faut beaucoup de travail, un talent hors normes et un « ange gardien », en l’occurrence Frédéric Mitterrand.  Mathieu, avec beaucoup de tendresse filiale, mais aussi de précision chirurgicale consacre la première partie de son livre, à son ascension sociale. Ce faisant, il nous alerte, avec pertinence, sur les blocages de l’ascenseur social Français, à fortiori dans ce milieu des médias et de la culture où l’essentiel des postes à responsabilités se transmet de génération en génération au sein de la haute bourgeoisie Parisienne.  

Qu’un jeune Lot-et-Garonnais ait suscité, dans son ascension sociale, beaucoup de rivalités, de jalousies et en final, beaucoup de coups tordus, après tout, rien de très nouveau sous le soleil. Et d’ailleurs, Mathieu Gallet ne se plaint pas. Par contre, il dépeint avec force deux plaies de notre époque : l’instrumentalisation de notre Justice dans ces jeux de pouvoir et la rumeur, comme arme de destruction particulièrement perverse et dure à combattre.

 

Comment pousser à la démission le Président de Radio France qu’était Mathieu Gallet alors que sa nomination ne dépend que du CSA (Conseil supérieur en audiovisuel) ? Voilà qu’elle fut la rude question que se sont posés plusieurs Ministres de la Culture (Fleur Pellerin, etc.) et leurs affidés ? Mathieu est courageux. Il ne cède ni aux pressions, ni aux injonctions.  Reste la voie judiciaire. Petit rappel de la chronologie.

Le 23 mai 2016, le journal en ligne Médiapart fait état de contrats de sous-traitance passés sans appels d'offres selon un choix de procédure « inadapté voire irrégulier ».

En juin 2017, Mathieu Gallet est renvoyé en correctionnelle pour, entre autres, deux contrats avec Roland Berger Strategy Consultants, pour un montant de 420 000 euros, avec en plus 119 000 euros pour un avenant et un marché complémentaire, et pour une mission de réforme de la direction des collections à l'INA qui n'a abouti à rien. Le procès est fixé au 16 novembre 2017.

Le 15 janvier 2018, Mathieu Gallet est condamné à un an de prison avec sursis et à une amende de 20 000 euros

A la suite de la condamnation de Mathieu Gallet pour favoritisme, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, déclare le 16 janvier 2018 : « Les dirigeants d'entreprises publiques ont un devoir d'exemplarité. Un dirigeant condamné pour favoritisme, ce n'est pas une situation acceptable. Il appartient à l'intéressé d'en tirer les conséquences, ainsi qu'au Conseil supérieur de l'audiovisuel, légalement compétent ». Malgré la position du gouvernement, Mathieu Gallet exclut de démissionner.

Le lendemain, le 17 janvier, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) annonce qu'il engage une procédure au titre de l'article 47-5 de la loi relative à la liberté de communication. Après avoir auditionné Mathieu Gallet le 31 janvier, l'autorité de régulation décide de lui retirer son mandat à Radio France, avec prise d'effet au 1er mars 2018.

Mathieu Gallet, éliminé professionnellement, quitte donc la Présidence de radio France à la même date. Peu importe que le 4 février 2021 sa peine soit allégée en appel, la cour le condamnant à 30 000 euros d'amende sans peine de prison.

Entendons-nous bien. Je ne connais pas le fond du dossier. Je ne prononce donc pas sur le fond de la justice rendue. Ce que je pointe comme dérive de la vie politique actuelle, c’est   l’instrumentalisation de la Justice dans un brutal et simple conflit de pouvoir politique.   Je mesure la difficulté un peu vertigineuse pour nos juges de faire la part des choses entre délits et coups tordus…

 

Reste la rumeur Vieille comme le monde et identifiée depuis la nuit des temps comme une arme efficace pour détruire vos rivaux. « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose » écrivait Beaumarchais.

Durant la campagne pour l'élection présidentielle de 2017, des rumeurs sont lancées sur une prétendue liaison de Mathieu Gallet avec Emmanuel Macron. Elles sont publiquement démenties par ce dernier. La cible de cette rumeur odieuse était clairement l’actuel Président de la République. L’objectif était de montrer qu’on ne pouvait pas faire confiance pour la plus haute responsabilité à un homme supposé faux en ce qui concerne sa vie personnelle.

On peut aisément imaginer le mal et la douleur qu’a pu faire cette rumeur à Emmanuel et Brigitte Macron. En l’occurrence Mathieu GALLET n’a été que victime collatérale de celle-ci, mais victime indéniable quand les fils de cette rumeur s’emmêlent de manière inextricable avec les « jeux de pouvoir » décrits ci-dessus. Là encore, rien de nouveau sous le soleil, si ce n’est le potentiel de destruction considérablement amplifié par les médias de masse et les réseaux sociaux.

Je sors de ce livre avec la conviction renforcée que notre société ne pourra pas s’exonérer de remettre la valeur vérité au centre de sa vie sociale, de repenser tous les équilibres actuels, comme par exemple celui qui existe entre sanction de la diffamation souvent bien légère et liberté d’expression, dans ce cas de figure, trop protégée.  

Pour Mathieu Gallet, comme le dit le titre d’un des derniers chapitres de son livre, à 45 ans, il a « la vie devant soi ». Son talent, ses capacités de combattant, sa résilience dans l’adversité, l’amèneront j’en suis sûr, à nouveau vers les premiers rôles de notre République.

Son livre a été pour moi un beau témoignage d’optimisme trempé à l’épreuve des « jeux de pouvoirs ». 

@+ 

 Jean DIONIS 

Maire d'Agen

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