Chers lecteurs, chères lectrices, lors de la venue du Premier Ministre le 29 juillet 2021 pour la signature officielle du Protocole de financement du Pont et Barreau de Camélat, j'ai prononcé un disours que je tenais à vous partager :
Monsieur le Premier ministre, Cher Jean,
Madame la Ministre, Chère Jacqueline,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Madame la présidente du Conseil départemental, Chère Sophie,
Monsieur le maire de Villeneuve-sur-Lot, cher Guillaume,
Mesdames et messieurs les maires de l’agglomération d’Agen,
Mesdames et messieurs les membres de la Municipalité d’Agen, chers collègues,
Je vous souhaite, Monsieur le Premier ministre, la bienvenue à Agen. Nous sommes heureux, avec mes collègues maires et élus lot-et-garonnais, de vous recevoir dans notre salle des Illustres.
Madame la ministre, chère Jacqueline, je te souhaite également la bienvenue. Ta présence aux côtés du Premier ministre ce matin a été pour nous une bonne surprise. Elle nous honore et elle touche le compagnon de route politique que je suis avec toi depuis maintenant de longues années.
Votre venue ici Monsieur le Premier ministre revêt pour nous un caractère singulier et exceptionnel.
Exceptionnel, singulier et pour tout dire improbable pour le maire d’une ville moyenne comme Agen était déjà notre rencontre à Matignon au mois de janvier dernier.
Exceptionnel, singulier et improbable pour nous de voir les lignes d’un projet majeur bouger, grâce à vous.
Le Pont et le barreau de Camélat cela a d’abord été une vision d’une certaine ambition agenaise.
Je voudrais d’abord dire quelques mots de l’histoire de cette vision de l’ambition d’Agen. S’il fallait le dire d’une manière dense : depuis une trentaine d’années une poignée d’entre nous porte une vision d’Agen capitale de la moyenne Garonne à une distance respectable de la Haute Garonne et de Toulouse, et de la Gironde et de Bordeaux.
Mais nous savions depuis les années 1980 que pour qu’Agen soit vraiment capitale de la Moyenne Garonne il fallait qu’elle soit une ville carrefour repérée en tant que telle à l’échelle de la France. Carrefour entre le couloir de prospérité est-ouest qu’est le couloir garonnais et l’axe nord-sud identifié dès le début des routes royales au XVIIIe siècle par la RN21 reliant Limoges, Périgueux, Bergerac, Villeneuve, Agen, Auch, Tarbes et Lourdes.
Le Pont et le barreau de Camélat sont au cœur de cette vision, de cette ambition pour le XXIe siècle lot-et-garonnais et agenais.
Remontons au milieu des années 1990. Henri Tandonnet qui suit ce projet depuis ces années, est à cette époque président du Schéma directeur de la région agenaise. Henri parlerait de cette genèse bien mieux que moi.
Alors dans ces années-là – nous sommes de 1995 à 1998 - le débat public se cristallise sur une question simple : par où contourner Agen.
Des scénarios s’opposent. Le débat s’enflamme.
Finalement, l’idée du contournement par l’ouest s’impose. Elle est notamment portée à cette époque par l’Etat et la DDE47. Je veux rendre hommage notamment à Yves Massenet, ancien directeur départemental de l’équipement, qui fut le véritable promoteur intellectuel de ce projet. Mais, après l’approbation du schéma directeur de l’agglomération agenaise en 1998, cette vision va faire un long séjour dans nos placards et tiroirs administratifs.
En effet, les obstacles sont nombreux.
D’abord, l’agglomération d’Agen n’existe pas et la Garonne reste ce qu’elle a été pour des millénaires : une frontière. Rive droite, la Guyenne, terre anglaise pendant plus de 150 ans. Rive gauche la Gascogne. Rive droite, l’agglomération d’Agen dans sa version « de poche » initiale. Rive gauche, la communauté des communes du canton de Laplume en Bruhlois.
Difficile alors d’imaginer qu’un projet de cette ampleur puisse être porté par un territoire administrativement et politiquement morcelé.
Mais en 2013, comme dans la chanson de Bob Dylan, les temps changent…
Pour la première fois de l’histoire de l’agenais, rive droite et rive gauche décident de travailler ensemble, de fusionner leurs intercommunalités et de créer la nouvelle communauté d’agglomération d’Agen.
Celle-ci dès sa création désigne le Pont et le barreau de Camélat comme son projet prioritaire. Dans une délibération fameuse de cette année-là l’agglomération d’Agen décide d’emblée de prendre un risque que ni l’Etat ni le département pour des raisons différentes ne voulaient assumer malgré leur légitimité routière : celui d’assurer elle-même la maîtrise d’ouvrage de ce projet colossal.
Depuis ce jour Camélat est inscrit dans l’ADN même de l’agglomération d’Agen. Ce consensus politique - chose rare dans notre sud ouest « rad soc » monsieur le Premier ministre vous le savez bien – ne se défera jamais.
Mais tous les freins n’étaient pas levés. Le coût du projet (60 millions d’euros hors taxes) le rendait irréalisable à notre seule échelle de financement.
Très vite le conseil départemental de Lot-et-Garonne – je veux saluer ses présidents successifs Pierre Camani et Sophie Borderie – a compris l’intérêt de cette infrastructure pour le Lot-et-Garonne. Oui, ce qui est bon pour Agen est bon pour le Lot-et-Garonne et ce qui est bon pour le Lot-et-Garonne est bon pour Agen !
En effet, le pont et le barreau de Camélat, ce ne sont pas seulement les 3 km du contournement ouest d’Agen. C’est le débouché tant attendu pour la RN21 sur la vallée de la Garonne créant ainsi le carrefour de la Moyenne Garonne que nous voulons ardemment construire.
J’en profite pour saluer Guillaume Lepers, mon collègue maire de Villeneuve-sur-Lot, et avec lui les maires du Grand Villeneuvois.
Leurs revendications sont les nôtres monsieur le Premier ministre et votre venue aujourd’hui doit nous permettre de définitivement clore un débat stérile : l’opposition entre Camélat et les réalisations nécessaires entre Agen et Villeneuve : la Croix-Blanche-Monbalen et à la sécurisation des points les plus dangereux de ce trajet (la côte de la Belette, le carrefour au sud de la Croix Blanche et Galimas).
Oui, à l’horizon de 2027, tous ces chantiers devront avoir été achevés dans l’intérêt des Lot-et-Garonnais !
Enfin, le contrat de plan Etat-Région 2023-2027 devra être celui des études et des acquisitions foncières pour la section d’Artigues-Agen Nord de manière à pouvoir programmer ce dernier chantier à l’horizon 2030.
Consensus politique lot-et-garonnais donc mais même avec la réunion de toutes les forces lot-et-garonnaises le compte n’y était pas et le projet était encore et toujours classé comme inaccessible financièrement.
Pour rendre possible ce qui n’était encore qu’une ambition souhaitable, nous avions besoin de l’Etat et l’Etat ce fut vous Monsieur le Premier ministre.
Dans le train, me rendant à Paris en janvier dernier à votre rencontre, je savais que votre arbitrage serait décisif. En portant au plus haut niveau du gouvernement cette décision territoriale j’espérais en ce que je savais de vous, de votre écoute des territoires, attentif à cette France de l’intérieur trop longtemps oubliée.
En accordant 18 millions d’euros, soit le tiers du coût du projet hors études et acquisitions foncières, vous avez mis un terme à des années d’impasses tant politiques qu’administratives et financières.
Aujourd’hui ce projet est non seulement à portée de réalisation d’ici fin 2023, mais il est désormais sur les rails, mieux sur orbite. Rien ne pourra désormais l’arrêter.
Si ce soutien se traduit certes d’abord par les 18 millions d’euros de financement que nous allons contractualiser tout à l’heure, il transforme et transcende aussi la qualité du partenariat entre le maître d’ouvrage qu’est l’agglomération d’Agen et la puissance réglementaire qu’est l’Etat et ses services compétents.
Quel bonheur depuis notre entretien de janvier de pouvoir travailler en pleine confiance et en pleine efficacité « la mano en la mano », l’agglomération et l’Etat.
Merci à madame Fabienne Buccio, préfète de région, Monsieur Jean-Noël Chavanne, préfet de Lot-et-Garonne, ainsi que tous nos partenaires de travail parmi les services de l’Etat que sont la DRAC, la DREAL et plus spécialement la DDT47.
J’adresse enfin mes remerciements sincères et amicaux à Thibault de Cacqueray, votre conseiller technique fils d’Agen qui à vos côtés a suivi ce dossier avec l’énergie, la compétence et la rigueur nécessaires.
Je disais en introduction que votre visite était singulière, exceptionnelle, improbable.
En effet, aujourd’hui vous donnez à Agen et au Lot-et-Garonne ce qu’il y a de plus rare dans notre société moderne : vous nous donnez du temps, de l’écoute, de la disponibilité et éventuellement de l’argent, pour avoir une vision globale et juste de notre petit coin de France.
Vous prenez du temps et vous prenez soin de nos infrastructures : le pont et le barreau de Camélat, nous en avons parlé, mais aussi le ligne LGV Bordeaux-Toulouse pour lequel vous avez récemment annoncé là-aussi un financement décisif de 4 milliards d’euros par l’Etat transformant là aussi à l’instant même par cette annonce cette idée visionnaire en projet réalisable.
Vous prenez du temps et vous prenez soin de nos services de santé : à court terme en visitant notre centre de vaccination piloté par l’agglomération d’Agen, et à moyen terme en vous intéressant au bouquet de projets du Ségur de la Santé porté par notre centre hospitalier Agen-Nérac.
Vous prenez du temps et vous prenez soin de nos entreprises et d’abord de notre vaisseau amiral industriel : UPSA. Au nom de tous mes collègues qui travaillent sur ce dossier notamment Michel Lauzzana, député de Lot-et-Garonne, et Francis Garcia maire du Passage, je veux dire la gratitude de l’Agenais vis-à-vis du gouvernement pour avoir fait aboutir si efficacement et si rapidement ce plan d’action global qui à la fois relocalise la fabrication du paracétamol en France, y implique Sanofi et UPSA, et garantit jusqu’en 2024 les prix des médicaments fabriqués à partir de cette molécule.
En y réfléchissant avec tout ce que je sais du fonctionnement du pouvoir en France, le rendez-vous que vous m’avez accordé en janvier à Matignon et votre visite aujourd’hui à Agen avaient un caractère hautement improbable.
Tant et tant de conflits, de problèmes douloureux, de travail convergent tous les jours vers la fonction du Premier ministre, chef du gouvernement. Que diable alors alliez-vous faire dans la galère de ce petit projet de Camélat et dans ce petit coin du sud-ouest de la France qu’est l’Agenais.
Et pourtant vous êtes là et il faut bien se risquer à essayer d’expliquer ce qui pour nous est un évènement historique. La première explication c’est que vous êtes ici par votre volonté inflexible de faire la part dans votre emploi du temps surchargé au terrain, aux territoires, à cette France trop souvent oubliée, trop souvent vue comme périphérique.
Mais j’ose une deuxième explication, si vous êtes ici un 29 juillet à Agen pour nous écouter sur Camélat, sur notre hôpital et sur UPSA, c’est parce que vous avez une lecture symbolique forte des deux dernières secousses qui ont ébranlé la France : celle des gilets jaunes à l’automne 2018 et celle de la pandémie depuis 18 mois.
Camélat et Agen trop petits trop locaux… sauf à considérer Camélat comme un des symboles de la France oubliée, celle violement révélée en 2018, celle qui ici ne voyait pas se concrétiser une idée validée en 1998 !
Au travers de votre décision j’ai vu l’espérance d’un Premier ministre qui ne se résout pas à la permanence de ces fractures. J’ai vu un Premier ministre qui sait que la France oubliée des années 1980-2000 peut être la France d’avenir de la décennie 2020-2030.
Par quel miracle avez-vous ces convictions chevillées au corps vous qui comme Jacqueline Gourault faites bouger les lignes dans ce bon sens tous les jours ? Est-ce l’enfant de Vic Fezensac dont vous avez gardé cet accent qui nous rapproche instantanément ? Est-ce le maire de Prades qui a vécu les combats technocratiques épuisants d’un maire d’une ville moyenne ?
Je n’en sais rien. Je sais que j’avais souvent espéré un Premier ministre à la fois fils d’un de nos territoires oubliés et produit de la méritocratie française.
Au nom d’Agen je veux le saluer et lui dire notre infinie gratitude en votre personne Monsieur le Premier ministre.
Je vous remercie.