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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Mariage de mon fils Paul : paroles de Maire… et de père

Publication : 26/07/2021  |  11:36  |  Auteur : Webmaster

J’ai eu la chance rare de présider en tant que Maire, le mariage civil de mon fils ainé Paul. J’ai prononcé à cette occasion un discours où j’essaie de dire pourquoi le mariage républicain est important et pourquoi la cérémonie civile de ce mariage doit être soignée et respectée. Enfin, j’ai profité de cette circonstance rare, pour m’adresser à mon fils et ma belle-fille, en tant que père, en leurs disant ce que je pense profondément du clivage entre les gens de « quelque part », et les gens de « nulle-part ». En espérant que ces propos puissent vous intéresser, je vous souhaite une bonne lecture :

« Chère Pauline, Cher Paul,

Chers parents et chers membres de la famille de Pauline,

Monseigneur,

Chers parents et chers membres de la famille de Paul,

Chers Amis,

 

Permettez-moi d’abord en tant que Maire d’Agen de souhaiter la bienvenue à AGEN tout spécialement à celles et ceux d’entre vous qui viennent d’ailleurs. Et qui, pour nombre d’entre vous, viennent même de loin, de très loin. La famille DIONIS aura plaisir à vous offrir le verre de Bienvenue à la fin de cette cérémonie.

Vous êtes ici dans la salle des Illustres de la Ville d’Agen. Elle est appelée ainsi parce que nos prédécesseurs, à la fin du 19e siècle, ont jugé nécessaire de rendre hommage à onze bienfaiteurs de notre ville, sélectionnés en tant que tels, après des débats explosifs aux côtés desquels nos controverses actuelles font bien pâle figure...

Vous êtes donc ici sous le regard bienveillant de personnalités aussi fascinantes et diverses telles que Bernard Palissy, qui ramena de la renaissance italienne les secrets de ses céramistes, Jacques De Romas qui partagea avec Benjamin Franklin la découverte du paratonnerre, Sylvain Dumon, Ministre des travaux publics de la IIIème République dont le principal mérite fut de couvrir de crédits nationaux la ville d’Agen et bien sûr de notre poète agenais Jasmin qui donna, avec Frédéric Mistral, ses lettres de noblesse à la poésie occitane du 19ième siècle. 

 

Cette salle a une triple fonction :

C’est d’abord la salle du conseil municipal, la salle de la démocratie agenaise. J’y ai présidé des dizaines de conseils municipaux et communautaires. Ici, la parole est libre et elle est souvent vive comme a su si bien le chanter Claude Nougaro : « Ici, on se traite de cons à peine qu’on se traite ».

Cette salle est ensuite notre salle de cérémonie, celle où l’on reçoit nos hôtes de marque, les Présidents de la République Valéry GISCARD D’ESTAING et François MITTERAND vous y ont précédés et nous y recevrons jeudi prochain notre premier Ministre Jean CASTEX. C’est aussi ici, et « c’est un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître », que nous recevions nos joueurs de rugby pour célébrer, au balcon de la mairie, nos titres de champions de France.

Cette salle est enfin salle de mariages dès que les invités des mariés sont nombreux, ce qui est le cas aujourd’hui, parce que nous tenons à faire du mariage républicain un moment à part entière de la fête exceptionnelle qu’est un mariage.

 

Pauline et Paul, je tiens d’abord à vous dire ce que je dis à chaque mariage sur l’essence et la nature du mariage républicain. Vous l’avez entendu comme spectateurs, mais aujourd’hui vous allez l’entendre comme acteurs d’un geste de vie, exceptionnellement fort. C’est donc d’abord le Maire qui va parler, je terminerai mon propos par des paroles de père et de beau-père.

 

Vous avez fait le choix de dire publiquement votre engagement commun, à la fois devant l’Eglise, et devant la République.

Ce choix est personnel, il vous honore.

Je commencerai ce propos en vous invitant à une réflexion sur le fait que seul le mariage républicain est obligatoire pour être reconnu par l’Etat, et que l’Eglise catholique, dans sa grande sagesse, exige qu’il soit prononcé avant de recevoir votre engagement religieux.

Je me permets donc de vous rappeler à tous les deux, la spécificité première du mariage républicain.

 

Ce mariage est un mariage citoyen, il est fait devant la Cité, il est porté à la connaissance des citoyens. Les bans ont été publiés sur les murs de l’Hôtel de Ville, les portes de la salle où nous sommes sont ouvertes, sous peine de la nullité de l’acte.

Les services de la mairie d’Agen veilleront à inscrire cet acte sur l’état-civil de la Nation. Le caractère public de votre mariage républicain a une signification forte. Il signifie que votre engagement réciproque dépasse votre propre histoire à tous les deux, qu’il dépasse vos deux cercles familiaux et amicaux. Il concerne la Cité. C'est au sens fort un acte citoyen.

Et j’imagine bien les dialogues des agenaises et des agenais que je connais bien, que ce soit chez eux ou à la terrasse des cafés, à l’Indé ou ailleurs, discuter entre eux et se dire :

« tu as vu que Paul Dionis se marie ? »

« Paul, le fils du Maire ? il se marie avec qui ? Une fille d’ici ? »

« euh je ne sais pas, elle n’a pas un nom d’ici en tout cas… ». Ces dialogues montrent bien que se marier c’est aussi dire quelque chose à la Cité et affronter le regard des autres.

 

Mais au fond pourquoi la Cité, la République prend-elle au sérieux le mariage ?

Elle le fait car l'essence du mariage est d'être un engagement public de vivre ensemble et durablement. Or l'amour durable, ça change tout. La durée change tout. Et chère Pauline, cher Paul, vous qui avez de réelles convictions écologistes et qui voulez à juste titre mettre du « durable » dans toutes les dimensions de la vie, soyez fiers du choix que vous faites en faveur de l’amour durable. Aucune œuvre humaine, artistique, professionnelle, n'est possible sans la durée. Tout à l'heure, vous avez entendu la Loi, le code civil :

Il affirme que la durée permet la solidarité réelle entre les époux.

Il affirme aussi que le mariage est tourné vers l'enfant, car comme le dit la chanson, « pour faire un homme, mon Dieu que c'est long.... ». Et vous le savez déjà, vous qui êtes père et mère d’Anouk et de Jules qui font le bonheur de nos deux familles. Vous savez déjà qu’éduquer un enfant est aussi une affaire de temps, de durée. Vous savez déjà que votre tâche comme éducateurs ne fait que commencer et qu’il reste quelques petites choses à apprendre à Anouk comme par exemple se coucher et s’endormir rapidement...

En tout cas les soutiers de la République que sont les Maires ne se font aucune illusion et ne se feront pas « enfumer » sur ce point central : la ville, la Cité, la Nation ont besoin d’éducateurs durables et c’est notamment pour cela qu’elles soutiennent, dans toutes ses dimensions, le mariage républicain.

 

Et c'est parce qu'il y a, au moment de l'échange des consentements, cette volonté d'être publiquement et durablement ensemble, que la Cité va à la fois s'appuyer sur les mariés comme base de la vie sociale et que la Cité va vous aider, notamment à faire pousser vos enfants.

Voilà le projet du mariage républicain. Et le fait que le mariage connaisse des échecs fréquents -décrits d’ailleurs abondamment et trop facilement-, ne change rien à sa belle ambition d'amour durable.

 

Pauline et Paul, vous allez vous marier à un âge qui est celui de la lucidité sur vos parents, vous connaissez les dons, les talents et aussi les défauts et les limites de vos mères et de vos pères respectifs. Et c’est très bien ainsi, mais il reste que l’un et l’autre, malgré les limites de vos environnements familiaux, vous êtes des enfants de l’amour durable. Soyez fiers aussi de cet héritage.

Et permettez-moi d’être en ce moment, la voix de vos 4 parents et de vous dire notre émotion et notre bonheur de vous avoir accompagnés tout au long de ces années, depuis votre naissance jusqu’à aujourd’hui.

Chère Pauline, je veux te dire la gratitude de tous les Dionis d’avoir une belle-fille et belle-sœur non seulement gracieuse et non seulement brillante mais qui aime être avec les copains et les cousins et qui, ô miracle de l’amour, aime regarder les matchs de rugby à la télé…

Votre histoire commune est déjà une belle histoire d'amour. Elle peut devenir grâce au mariage, grâce à la durée, magnifique comme un chef d’œuvre. Et c’est tout le bonheur que nous vous souhaitons.

 

Voilà ce que le Maire tenait à vous dire du mariage républicain souvent décrié, parfois bâclé, mais qui porte des valeurs essentielles pour la vie en commun.

Je vais, à présent, terminer sur un mot plus personnel, de père de famille.

Il parait que le clivage politique essentiel opposerait celles et ceux qui sont de « quelque part », attachés par volonté ou par contrainte à un territoire, à celles et ceux qui sont de « nulle part », parce qu’ils auraient les moyens, les facilités mais aussi la volonté de rester libres, toujours en mouvement. Les anglais ont des mots encore plus précis que nous sur ce clivage : those who are from somewhere against those from nowhere.

 

Je veux vous dire en ce moment précis, avec force : « soyez de quelque part !, comportez-vous en citoyens, n’ayez pas peur de vous attacher là où vous déciderez de vivre ».

Rien ne m’est plus insupportable que ce discours de sécession des riches qui vivraient en parasite sur le territoire qu’ils auraient choisi sans prendre ni le temps ni les efforts de participer à sa mise en valeur collective.

La vie, les choix de vos parents, ont fait, pour toujours, de toi Pauline en ce qui concerne ton enfance et ton adolescence, une fille d’Armentières et de toi, Paul un fils d’Agen. Ce sont vos racines, prenez-soin de vos racines de manière à ce qu’elles vous nourrissent tout-au-long de votre vie d’adultes, et quels que soient les lieux où vous déciderez de vivre.

Vous venez de passer quelques années à Paris, 18e arrondissement, et je crois que vous y avez été heureux. Si mes renseignements sont bons, le cap est mis sur Bordeaux.

Va pour Bordeaux ! puisque vous avez la chance d’appartenir à une génération qui, plus que vos prédécesseurs, pourra choisir son « quelque part ». Là où vous déciderez de vivre, à Bordeaux ou ailleurs, par contre vivez à plein, vivez en tant que citoyens, ancrez-vous, engagez-vous, militez pour que là où vous êtes, la vie quotidienne s’améliore pour vous et pour vos concitoyens, ne serait-ce qu’un peu, ne serait-ce que progressivement.

Paul et Pauline, Vous êtes tous les deux riches de talents et de moyens. Toutes les sagesses du monde nous rappellent que les riches ne sont aimables que s’ils sont utiles socialement. Ayez à cœur de l’être ! Ne pensez surtout pas que le fait d’être de « quelque part » vous empêchera de vivre une communauté de destins plus universelle. Bien au contraire, c’est parce que vous serez tout entier de quelque part que vous pourrez aller vers l’autre et son « quelque part ».

 

Et cette fois, pour terminer vraiment, car je vois déjà le regard réprobateur de ma femme qui trouve que j’ai déjà été trop long, j’ai pensé à Michel SERRES et ce qu’il a écrit sur la prise de risques car fondamentalement, le mariage est une prise de risque, le mariage est une décision.

Ecoutez Michel SERRES notre philosophe agenais : « j’ai passé ma jeunesse à traverser la Garonne – nous aussi, les Dionis et cet été, on continue d’ailleurs - Or lorsqu’on traverse un fleuve à la nage, au début on pense : « s’il m’arrive un pépin je suis sûr que derrière moi, j’ai une rive où je pourrai toujours faire retour ». Et puis, passé un certain seuil, on se dit : « cette fois c’est bon, s’il m’arrive quelque chose, je n’ai qu’à rejoindre la rive qui me fait face. » Mais il y a un moment très angoissant, au milieu, où on se dit que l’on ne peut plus faire marche arrière, mais où, en même temps, on est encore loin de l’autre rive. C’est un espace intermédiaire, un lieu de déséquilibre, et c’est à partir de ce point de déséquilibre qu’il faut penser l’apprentissage et peut être l’invention ».

 

Vive la prise de risque qu’est le mariage !

Vive l’amour durable,

Vive les gens heureux qui sont de « quelque part »,

Vive Pauline, vive Paul

et que la fête soit belle !

 

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