Comme toujours, commençons par les faits.
Les faits, ce sont les résultats définitifs en nombre de députés par famille politique comparés à la simulation d’une assemblée nationale élue à la proportionnelle des résultats du 1er tour des dernières législatives de 2017 :
France Entière : Nombre de Sièges par nuance de candidats
Nuances de Candidats |
Nb Sieges |
|||
---|---|---|---|---|
Extrême gauche |
0 |
|||
Parti communiste français |
10 |
|||
La France insoumise |
17 |
|||
Parti socialiste |
30 |
|||
Parti radical de gauche |
3 |
|||
Divers gauche |
12 |
|||
Ecologiste |
1 |
|||
Divers |
3 |
|||
Régionaliste |
5 |
|||
La République en marche |
308 |
|||
Modem |
42 |
|||
Union des Démocrates et Indépendants |
18 |
|||
Les Républicains |
112 |
|||
Divers droite |
6 |
|||
Debout la France |
1 |
|||
Front National |
8 |
|||
Extrême droite |
1 |
France Entière
Rappel des résultats au 1er tour *
Nuances de Candidats |
Voix |
% Inscrits |
% Exprimés |
Nb Sieges Potentiels A la proportionnelle (estimation) / Ecart assemblée 2017 |
---|---|---|---|---|
Extrême gauche |
175 214 |
0,37 |
0,77 |
4 (+4) |
Parti communiste français |
615 487 |
1,29 |
2,72 |
15 (+5) |
La France insoumise |
2 497 622 |
5,25 |
11,03 |
72(+55) |
Parti socialiste |
1 685 677 |
3,54 |
7,44 |
43 (+13) |
Parti radical de gauche |
106 311 |
0,22 |
0,47 |
3 = |
Divers gauche |
362 281 |
0,76 |
1,60 |
9 (-3) |
Ecologiste |
973 527 |
2,05 |
4,30 |
25 (+24) |
Divers |
500 309 |
1,05 |
2,21 |
12 (+9) |
Régionaliste |
204 049 |
0,43 |
0,90 |
5 = |
La République en marche |
6 391 269 |
13,44 |
28,21 |
167 (-141) |
Modem |
932 227 |
1,96 |
4,12 |
24 (-18) |
Union des Démocrates et Indépendants |
687 225 |
1,44 |
3,03 |
2 (+1) |
Les Républicains |
3 573 427 |
7,51 |
15,77 |
93(-19) |
Divers droite |
625 345 |
1,31 |
2,76 |
16 (+10) |
Debout la France |
265 420 |
0,56 |
1,17 |
7 (+6) |
Front National |
2 990 454 |
6,29 |
13,20 |
78 (+70) |
Extrême droite |
68 320 |
0,14 |
0,30 |
2 (+1) |
Tout est contestable dans ce petit modèle de simulation, ……sauf les tendances de fond et les ordres de grandeur.
La proportionnelle, c’est un changement grave et lourd de notre Assemblée Nationale dont les lignes force sautent à la figure :
1- La proportionnelle permet l’arrivée à l’Assemblée nationale de familles politiques françaises aujourd’hui broyées par l’inversion du calendrier qui a créé une dépendance totale des législatives par rapport à la Présidentielle et par le scrutin uninominal à deux tours et notamment : le Rassemblement National, les Ecologistes ainsi qu’un renforcement considérable de la France Insoumise.
2- Dans le cadre de l’application de la proportionnelle, le parti Présidentiel LREM et son allié MODEM – avec 192 sièges – seraient très loin de la majorité parlementaire (289 députés soit 97 députés manquants pour cela…) .
Ensuite, la promesse de campagne 2017 du Président de la République :
Celui-ci , sur Twitter, 2 mars 2017 et lors d’un entretien à Mediapart le 5 mars 2017 s’engageait : "Je suis favorable à la proportionnelle de manière dosée pour refléter le pluralisme de notre vie politique. Il faut rapidement [...] conduire la loi électorale qui vise à introduire de la proportionnelle. On ne pourra pas le faire dès juin, mais il faudra le faire avant la fin de l'année [Ndlr: 2017]"
Enfin le débat actuel :
De manière cohérente, François Bayrou et le Modem ont saisi en Février 2021 le Président de la République l’enjoignant de donner au pays une représentation nationale plus proche de la réalité de l’opinion publique.
Deux propositions concrètes ont été faites et transformées en propositions de loi. L’une d’entre elles est la proportionnelle intégrale départementale déjà appliquée en France pour le scrutin de 1986.
Plusieurs autres responsables de partis se sont joints à la démarche de François Bayrou, dont Jean-Luc Mélenchon (LFI), Julien Bayou (EELV), Marine Le Pen (RN) et Jean-Christophe Lagarde (UDI), mais pas Olivier Faure (PS) qui juge qu'il est "trop tard". Quant aux Républicains, ils sont hostiles à la proportionnelle.
La plupart des responsables LREM plaident pour une mise en oeuvre après 2022, notamment pour des raisons de calendrier parlementaire, bousculé par la crise sanitaire.
Ayant passé 10 ans à l’Assemblée Nationale, ayant été fier et heureux d’y représenter mon département le Lot-et-Garonne, je veux dire ma conviction profonde quant à l’adoption de la proportionnelle.
Plus l’Assemblée Nationale, et avec elle le parlement, puisqu’en cas de conflit avec le Sénat, c’est elle qui a le dernier mot, sera éloignée de la réalité de l’opinion publique française, plus elle sera marginalisée à la fois dans le cœur des français et aussi dans la construction des arbitrages décisifs de la vie politique de notre nation.
Aucun argument mis en avant par les opposants ne résiste à l’analyse politique. Examinons les un à un :
- 1er argument : c’est trop tard ou c’est trop tôt. On est au niveau zéro de la politique. D’abord, c’est faux puisque François Bayrou a proposé un chemin raisonnable qui passerait par un référendum couplé avec le deuxième tour des Régionales. Ensuite, parce que c’est surtout le moyen de dire « c’est jamais »
- 2ème argument : c’est le système qui favorise les apparatchiks plutôt que les candidats de terrain . vrai, pour la proportionnelle sur listes régionales ou nationales. Faux pour la proportionnelle départementale où la différence avec le système actuel des investitures données par les partis est vraiment minime.
- 3ème argument : ce système ouvre grand les portes de l’Assemblée nationale aux extrêmes ! Oui, il est même fait pour cela. Il n’est plus moralement acceptable qu’ils soient exclus du débat national et il vaut mieux les affronter au palais Bourbon dans la cadre du débat contradictoire que dans la rue ou sur les réseaux sociaux !
- 4ème argument : C’est le retour de la IVème République avec son instabilité gouvernementale et son incapacité à décider (crise algérienne, etc….). C’est l’argument le plus important des adversaires de la Proportionnelle. Mais, lui aussi ne tient pas. Nous ne sommes plus en France sous l’IVème République de 1946-1958. Nous sommes en France en 2021 où , depuis 1958, le Président de la république est élu au suffrage universel et en cas de chute du gouvernement au Parlement, il assure la transition et nomme un nouveau gouvernement.
Au final, de deux choses, l’une : la démocratie représentative est-elle un bien commun précieux ?
Oui ou non ? Si oui, ce qui est ma conviction la plus profonde, alors, il y a urgence à répondre au désamour dont elle est victime.
Une des causes de ce désamour est clairement sa tendance actuelle à devenir chambre d’enregistrement du gouvernement, au-delà de tous les jeux de rôle et de posture.
Quelques soient nos sensibilités politiques, si nous sommes des démocrates, nous ne pouvons pas nous y résoudre.
Alors oui, les institutions, la Constitution, c’est grave, solennel, décisif. Oui, il ne faut y toucher qu’en tremblant.
Mais, là, il faut y aller. Il faut y aller maintenant. Il y va de la démocratie Française.