Michel Serres et Béatrice Uria–Monzon ont enchanté le théatre Ducourneau, notre bon vieux théâtre municipal, à deux reprises mercredi et Vendredi soir…..Délaissant pour un Dimanche soir les chemins habituels de la politique, j’ai tenu à partager avec vous l’émotion rare et les réflexions déclenchées par ce duo aussi magnifique qu’improbable du philosophe et de la cantatrice. Ma chronique alimentera donc les nombreux commentaires sur ce spectacle existant sur le Net (lire par exemple http://aquitaine.france3.fr/2012/10/25/beatrice-uria-monzon-et-michel-se... )
Mais que diable allaient-ils faire dans cette galère? Nous sommes nombreux à nous être posés cette question à l’annonce de ce spectacle inattendu mêlant conte et art lyrique, sagesse et musique, Michel et Béatrice….Pour ma part, la philosophie, même mise en scène par le conte, faisant équipe avec l’art lyrique, c’était clairement une première…..
La réponse ou plutôt une première réponse fut évidente pour chacun des spectateurs du Théâtre Ducourneau. Béatrice et Michel s’aiment bien, d’une amitié filiale puisqu’une génération les sépare, d’une amitié réciproquement admirative de la maîtrise de l’autre pour son art ainsi que de sa célébrité, de leurs racines Agenaises communes….Cette complicité a une belle histoire et un beau visage : celui de Pierre Gardeil….
Michel a eu avec Pierre, un ami, un vrai. Leurs ancrages lot-et-garonnais, la passion de la philosophie, du rugby a cimenté toute la vie cette amitié de jeunesse, lui permettant de résister lorsque la vie fit diverger leurs chemins. Pierre choisira de s’enraciner à Lectoure et fit des écoles catholiques de St Jean et de St Joseph des lieux de bonheur et d’excellence pédagogique. Michel s’exila d’Agen à sa sortie de St Caprais, devint un nomade planétaire, ses transhumances s’accélérant au fur et à mesure qu’éclatait son talent d’épistémologue et de déchiffreur des mouvements de fond de notre société. Inoxydable, l’amitié de la bande des trois : Paul Chollet, Pierre Gardeil …..et Michel Serres à qui Agen doit tant.
Béatrice a eu avec Pierre un maître en philosophie et un directeur de vie. Jeune adolescente Agenaise encore hésitante sur ce qu’elle voulait faire de sa vie, elle découvrit avec lui la musique et….le chant. Rencontre décisive qui la mit, elle, la fille d’un grand peintre Espagnol, une cantatrice de réputation mondiale…..
Aussi quand Pierre Gardeil décède en 2011, les volontés de Michel et Béatrice se croisent : Il faut, nous devons faire mémoire, de notre maître, de notre ami….et si nous le faisions ensemble ? Ainsi est née l’idée de cette création commune. La naissance se passe le 15 Août 2011 dans la Cathédrale de Lectoure. ….pleine, déjà. Disciple moi aussi de Pierre, j’assiste bouleversé d’émotion à cette première et je me revois encore chercher mes mots lors de la réception à l’issue de ce spectacle. Est-ce Michel qui me proposa de prolonger ce moment d’émotion à Agen, est-ce moi poussé par l’audace de ceux qui ont été bouleversés ? Franchement, je ne sais plus. Mais ce soir-là le oui commun de Béatrice et Michel pour ajouter au risque de l’alliance rare entre leurs arts celui d’être prophètes en leurs pays ouvrait la voie aux deux spectacles magiques de cette semaine. ……
Silencieux devant mon écran, je rentre en moi…….Pourquoi ai-je aimé ce spectacle ?
D’abord pour sa beauté dépouillée ? Un pianiste et son assistante, un beau piano à queue, une chaise pour la cantatrice, une autre pour le philosophe, Béatrice éclatante de beauté et de classe…et Michel, bel homme de 82 ans,…. simplicité, beauté, complicité. Nous commençons à nous approcher des secrets de cet évènement Agenais.
Alternativement Michel et Béatrice content et chantent. La vie, la mort, l’amour, la Mer, la création avec la Messie d’Haendel seront évoqués d’abord par Michel, puis chantés, comme en réponse par Béatrice. Michel est beau, profond, musical puis passe le relais à Béatrice, belle, pure, cristalline. Vendredi, j’écoutais le spectacle pour la troisième fois. Comme un admirateur inconditionnel, j’anticipais les mots et les sons ….et pourtant, j’étais toujours surpris par leur beauté sans cesse renouvelée. Pour moi, le sommet du spectacle est incontestablement… le moment Haendel où Michel conte, avec une force incroyable, la création du Messie par Haendel alors même qu’il est diminué par un accident cérébral et le miracle qu’est cette nouvelle « naissance » du Messie. Béatrice l’accompagne en chantant Haendel et son « Lascia ch’io pianga ». Alors juste au moins pour ce moment là, faites vous plaisir avec http://www.youtube.com/watch?v=6XteqIHYgKs !
Il reste pourtant à percer un secret pour aller jusqu’au bout du bonheur des spectateurs d’un théâtre « à guichets fermés » Mercredi comme Vendredi. Ce secret est un secret d’Agenais. Ce spectacle nous parle de nous : Michel entame la soirée avec un sublime hymne à Garonne et nous invite « à ne jamais cesser de faire l’amour à Garonne » et Béatrice l’a conclu en chantant « j’aimerais être l’entraineuse du SUA car j’aime les Agenais, j’aime les Agenais, j’aime les Agenais…… » Ce spectacle, démonstration de force de talent Agenais, nous oblige aussi à réfléchir à l’identité Agenaise en ces temps de mondialisation où bientôt « petite poucette » va prendre le pouvoir…... à la diaspora Agenaise à laquelle appartiennent Michel et Béatrice et au fond au projet et à l’ambition Agenais…… Que ce soit par la balade de Laurent Gauthier « Je viens d’Agen » ou par le chemin de crête emprunté par Michel et Béatrice, Agen et son identité irréductible veut cohabiter avec petite Poucette et ses codes universels. C’est une très bonne nouvelle !
@+
Blogging
› Voir tous les billets du blog
Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire
Concerne le texte rédigé sur Béatrice URIA-MONZON et Michel SERRES Erreur dans le texte ?
Bonjour Monsieur le Maire,
Il me semble que vous avez fait une erreur dans le texte écrit :
"Alternativement Pierre et Béatrice content et chantent"
Ce n'est pas plutôt
"Alternativement Michel et Béatrice....."
Il y a un dicton qui dit : "Il n'y a que ce qui ne font rien qui ne font pas d'erreur"
Sincères salutations,
Bénédicte BIAR