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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Catastrophes naturelles : Le Maire seul responsable ou Bouc Emissaire ?

Publication : 22/12/2014  |  01:35  |  Auteur : Jean Dionis

Le tribunal correctionnel des Sables-d’Olonne a condamné, vendredi 12 décembre, l’ancien maire de La Faute-sur-mer René Marratier à quatre ans de prison ferme pour homicides involontaires et mises en danger de la vie d’autrui. Ce jugement, d’une sévérité inédite pour les élus, (la peine la plus lourde prononcée contre un maire pour homicide involontaire est, à ce jour, de dix mois d’emprisonnement avec sursis) m’a profondément choqué, comme elle a choqué de très nombreux maires de France. Je n’ai pas voulu réagir à chaud à cette décision de justice pour me donner le temps de l’information et de la réflexion. Mais, cette affaire me travaille et je souhaite échanger avec vous à ce sujet.

Revenons ensemble tout d’abord sur les faits

La tempête Xynthia a frappé plusieurs pays européens entre le 26 février et le1er mars 2010. En France, la tempête Xynthia ne présentait pas de caractère exceptionnel , mais elle a été l'une des plus meurtrières (depuis les deux tempêtes de décembre 1999) du fait de sa concomitance avec une très forte marée, causant une montée des eaux exceptionnelle entrainant la mort de 59 personnes, dont 29 sur la seule commune de La Faute-sur-Mer.

Ces 29 personnes ont trouvé la mort à La Faute-sur-Mer dans une dépression à un mètre sous le niveau de la mer, en contrebas de la digue du fleuve côtier Lay. A la suite de ce drame , 120 personnes se sont portées « parties civiles » et attendent de la justice qu’elle leur explique pourquoi, comment et surtout à cause de qui le passage de la tempête Xynthia sur les côtes vendéennes dans la nuit du 27 au 28 février 2010 s’est transformé en tragédie, tuant des enfants, des parents, des grands-parents âgés de 3 à 87 ans, prisonniers de la montée des eaux dans leur pavillon en bord de mer.

C’est ce procès ( parties civiles contre l’ancien Maire) qui s’est tenu du 15 septembre au 17 octobre devant le tribunal correctionnel des Sables-d’Olonne. Nous en connaissons le jugement. Fin du premier acte judiciaire (car l’ancien Maire a fait appel). Voilà pour les faits.

Et maintenant place au débat sur le fond. Je vous propose de l’organiser autour de deux questions :
1ère question : L’ancien maire est-il responsable ?
Oui. L’ancien Maire est clairement responsable si l’on reprend le délibéré du jugement. Citons le jugement :
« Les permis de construire accordés par René Marratier et Françoise Babin dans la zone endeuillée, à partir du moment où le risque de submersion a été connu, sont à l'origine de neuf décès.».
Les mesures de sauvegarde demandées par l'Etat auraient sauvé toutes les vies si elles avaient été résolument appliquées par le maire, sa première adjointe et Philippe BABIN. …./….Les maisons neuves des Voiliers n'auraient pas été noyées par 2,50 mètres d'eau si la prescription de l'article 2 des permis de construire avait été respectée, et les occupants auraient facilement trouvé à se mettre à l'abri sur des meubles pour éviter de patauger dans 30 centimètres d'eau. Ils ne seraient pas morts »

En clair, le Maire a continué à délivrer des permis dans une zone où le risque de submersion était connu et n’a pas fait appliquer les prescriptions de sécurité de ces dits-permis en ne faisant pas respecter la conformité des maisons construites aux permis de construire qui leur avaient été accordés
Dont acte.
2°) L’ancien Maire est-il le seul responsable ?

Certainement pas. Les victimes ne peuvent pas ne pas assumer – au moins partiellement - leur responsabilité. Quand on signe un acte de vente, les diagnostics et le classement en zone inondable sont part entière de cet acte, avec tous les détails nécessaires à leur compréhension et c’est la responsabilité du notaire de les commenter lors de la signature de l’acte authentique.. Quand certaines personnes construisent ou achètent en toute connaissance de cause des maisons en zone inondable ou submersible, c’est de leur responsabilité. Impossible de refuser la défense «tout ça est devenu trop complexe» du maire et de l’accepter pour ces personnes.

Mais surtout, l’Etat est aussi clairement responsable. Même les juges, pourtant étonnamment cléments avec l’Etat, soulignent : « Seule la modification anormale du zonage en 2004 reste une tache suspecte, lourde de répercussions, qui doit être stigmatisée ». En clair, l’Etat est coresponsable de la constructibilité des permis récemment délivrés dans cette zone. Il a validé la constructibilité de cette zone. Quant à l’absence de plans de prévention et au non-respect des permis de construire, C’est oublier que l’Etat dispose d’un redoutable pouvoir de contrôle de légalité et qu’il lui appartient de saisir les tribunaux administratifs pour faire, entre autres, annuler les permis de construire qui ne leur paraissent pas conformes aux élémentaires règles de sécurité que ces autorités ont pour mission de faire respecter si les élus locaux ne s’y conforment pas.

Tout cela m’amène à conclure que dans ce drame, si le Maire est responsable de certains agissements fautifs, il est inacceptable d'en faire le seul bouc émissaire d’un fiasco et d’une responsabilité collectifs.

Attention! cette affaire aura des conséquences graves si elle n’est pas corrigée en appel. C’est déjà dur en France de 2014 de porter un projet d’aménagement (revendications catégorielles, Zones à Défendre, …), s’il y en a en plus un risque avéré de prison de ferme en cas de difficulté lors d’une catastrophe naturelle, alors vous verrez bientôt le nombre de projets d’aménagements urbains chuter brutalement. Or, notre pays n’a pas vraiment besoin de cela.

@+

Les réactions

retour sur une catastrophe

Je partage tout à fait cette analyse dans la mesure ou les textes règlementaires
régissant l'instruction des permis de construire sont toujours rédigés par les services de l'Etat,ou bien,pourle moins,soumis au controle des services de l'Etat (D.D.T. )

Il conviendrait de savoir si l'instruction des permis de construire avait été réaliséepar les services techniques de la commune ou par les services de l'Etat
mais,quoiqu'il en soit la délivrance du permis de construire,comme tu le sais,relève de la responsabilité du Maire de la commune concernée .
A tout le moins,il parait étonnant que les services de l'Etat soient exonérés de
toute responsabilité mais le dossier n'est pas clos.....
Sur le fond, on s'aperçoit que dans une très grande majorité de communes,le plus souvent rurales ( car démunies de services techniques ), la décentralisation
a "chargé" les maires de responsabilités aboutissant souvent sur des dérives inacceptables : le controle de légalité reste trop souvent le reflet d'une vision
purement règlementaire d'un projet sans analyse de fondement réaliste d'un
projet :mais ceci est un autre sujet.......
M.LAURENT

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