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Loi de finances pour 2003 : industrie, poste & télécommunications

Publication : 05/10/2002  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, concernant l'industrie, la poste et les télécommunications.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances pour 2003 pour le budget « Industrie, Postes et télécommunications » fournit l'occasion au groupe Union pour la démocratie française de dépasser la stricte analyse des chiffres du budget de l'Etat, souvent mécaniquement reconduits, pour évoquer les quelques questions clés que se posent les Français sur la politique conduite par l'Etat dans les secteurs concernés.
L'examen des outils de politique industrielle tels qu'ils apparaissent au travers de votre budget n'appelle pas de commentaires majeurs de notre part. Ainsi la décision d'augmenter - notamment en encourageant l'innovation à travers l'ANVAR, dont les dotations atteignent 142 millions d'euros en 2003, contre 134 en 2002 - les crédits destinés à encourager l'innovation et la recherche de qualité emportent notre adhésion.
En revanche, les secteurs de la poste et des télécommunications sont à la croisée des chemins pour des raisons diverses : fin du monopole et ouverture au marché européen pour La Poste dans son activité majeure qu'est le courrier, 60 % de son chiffre d'affaires en 2001, et crise financière de l'entreprise et du secteur concerné pour France Télécom. Les Français attendent, sur ces deux entreprises phares du service public, des réponses claires, des réponses d'avenir, bref, une véritable politique.
La Poste, avec la libéralisation progressive du secteur courrier, est sur le point de connaître les plus profonds bouleversements de son histoire. Or force est de constater qu'elle n'est pas prête à affronter le changement, d'abord parce qu'elle a été abandonnée avec désinvolture par le gouvernement socialiste, qui n'a même pas pris la peine de signer le nouveau contrat de plan 2003-2005 entre l'Etat et l'entreprise. Il conditionne pourtant l'avenir de plus de 300 000 hommes et femmes.
Notre première question, madame la ministre, sera donc très simple : quand les discussions préalables entre l'Etat et La Poste sur le contrat de plan seront-elles bouclées ? Quand la représentation nationale pourra-t-elle examiner celui-ci ? Quand comptez-vous le signer et le rendre opérationnel ?
La Poste regroupe trois métiers différents et complémentaires : le colis, le courrier et la banque. Si les activités de distribution du colis, totalement concurrentielles, ne relèvent plus directement de la politique conduite par l'Etat, il en va tout autrement en ce qui concerne le courrier et les activités financières. En effet, si l'ouverture à la concurrence du secteur courrier est souhaitable et conforme à nos engagements européens, elle risque de porter un coup fatal à La Poste si l'Etat ne l'accompagne pas, voire la freine dans la voie du changement.
La Poste doit, en effet, faire face à la disparition progressive de son monopole sur l'acheminement du courrier, qui représente 60 % de son activité. L'année 2003 verra la fin du monopole sur les courriers de plus de cent grammes, 2006 sur les courriers de plus de cinquante grammes et l'ouverture totale à la concurrence est prévue en 2009.
La part du courrier dans le chiffre d'affaires retomberait à 50 % en 2006. La Poste va donc être confrontée à la perte potentielle de l'essentiel de ses recettes. Déjà, les clignotants sont allumés avec un résultat négatif pour 2001, ainsi qu'une prévision de résultat négatif en 2002. Des décisions urgentes de redressement s'imposent donc.
D'abord, il faut réviser à la hausse les tarifs postaux. C'est inévitable malgré la forte valeur symbolique du timbre à 3 francs, ou 0,46 euros, et la pression exercée par la future concurrence.
Le Premier ministre a exclu pour 2002 une hausse du prix du timbre, qui n'a pas augmenté depuis 1996, mais il ne s'est pas encore prononcé pour l'an prochain. Nous plaidons pour une hausse significative, aux alentours de 0,5 euro, qui permettrait à La Poste d'engranger à peu près 500 millions d'euros et d'augmenter d'autant son chiffre d'affaires. Cela faciliterait la modernisation de son système de production et de traitement du courrier.
Quelle est votre politique tarifaire pour 2003 sur ce point précis ?
Ensuite, il faut que La Poste reçoive de l'Etat la juste rétribution de son soutien à la distribution de la presse. La participation prévue au projet de budget pour 2003 est de 290 millions d'euros, alors que le coût de ce service est estimé à plus de 500 millions d'euros.
Enfin, - et c'est un problème de fond - la libéralisation de l'activité courrier impose l'accélération des restructurations de l'appareil de distribution de La Poste. Or disons le franchement, c'est un impératif contradictoire avec le rôle que l'on veut lui faire tenir dans l'aménagement du territoire. Les trois quarts des 17 000 guichets ne sont pas rentables et on parle également d'un plan prévoyant, à terme, la fermeture de la moitié des 120 centres de tri.
Madame la ministre, on ne résoudra pas cette contradiction majeure avec des compromis timorés. Les futures lois de décentralisation doivent nous permettre d'élaborer une solution d'avenir en confiant aux collectivités locales la responsabilité d'assurer dans leurs locaux et avec leurs personnels la présence nécessaire à la vie de chacun de nos territoires, La Poste contribuant à ces dépenses uniquement à hauteur des activités commerciales qu'elle y réalise.
Enfin, la restructuration de l'appareil de distribution du courrier doit impérativement être pensée en liaison avec l'évolution des activités financières de La Poste. Celles-ci sont en progression constante : le chiffre d'affaires est passé de 3,5 milliards d'euros en 1999 à près de 4 milliards. L'an dernier, La Poste, malgré les restrictions qui la limitent en matière d'assurance-dommages et de crédit non adossé à l'épargne a vu son produit bancaire augmenter de 5,3 %.
La Poste doit pouvoir élargir ses activités financières à condition de respecter tous les droits et devoirs applicables à ce secteur.
Madame la ministre, nous devons maintenant aborder un sujet dont la gravité et le poids dans les finances publiques actuelles n'échappent pas à nos concitoyens. Les 230 000 employés de France Télécom, ses 1 600 000 actionnaires vont être spécialement attentifs à nos débats et à vos décisions. Nous leur devons toute la clarté sur leur avenir professionnel ou patrimonial.
Les questions des Français sont simples et nous leur devons des réponses précises.
Comment France Télécom a-t-elle pu devenir, avec 70 milliards de dettes, une des entreprises les plus endettées du monde ? Qui est responsable ? Comment éviter de nouveaux désastres d'une telle ampleur ?
La chronologie de l'évolution de cette dette est maintenant clairement établie. Le destin de France Télécom s'est clairement noué, pour les deux tiers de cette dette, en mai 2000 lors de l'achat d'Orange et d'une licence UMTS britannique pour 41,5 milliards d'euros.
Certes, le secteur a connu les effets pervers de la constitution de la bulle financière des télécoms et de son dégonflement brutal ensuite. Certes, il a subi une réglementation aberrante en ce qui concerne l'achat des licences UMTS. Mais, à la lecture de ces chiffres sidérants, une question revient sans cesse : où était donc passé le propriétaire, à savoir le gouvernement socialiste ? Quel contrôle a-t-il assuré sur le management de France Télécom ?
Le plus souvent, le Gouvernement a été aux abonnés absents, sauf lorsqu'il a imposé son idéologie archaïque lors du rachat d'Orange, imposant à l'entreprise de le faire par emprunt, pour ne pas descendre en dessous du seuil sacro-saint des 50 % de participation de l'Etat dans l'entreprise.
M. Daniel Paul. Heureusement !
M. Jean Dionis du Séjour. L'Etat socialiste a complètement failli à sa mission d'actionnaire majoritaire. Le mythe des nationalisations a la vie dure. Il a coûté très cher à la France. A l'UDF, nous estimons qu'une révision complète du capitalisme d'Etat s'impose de manière urgente.
M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis et M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Il a raison !
M. Jean Dionis du Séjour. Le gouvernement de Lionel Jospin vous a laissé, madame la ministre, une bombe à retardement financière. C'est pourquoi nous demandons que toute la lumière soit faite sur l'étendue réelle d'une catastrophe dont nous ne voyons peut être que la partie émergée...
M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean Dionis du Séjour. ... puisque le rapporteur, tout à l'heure, parlait de 80 milliards d'euros de dettes !
France Télécom est-elle, aujourd'hui ou à court terme, menacée de cessation de paiement ? D'après nos informations France Télécom devrait faire face à une échéance importante de 12 milliards d'euros, en mars 2003.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Quinze milliards !
M. Jean Dionis du Séjour. Peut-être ! Est-elle, oui ou non, capable de l'assurer sans une intervention massive de l'Etat avant ce délai ? Y aura-t-il une avance d'actionnaires ? Si oui, à quel taux ? Où en est le rééchelonnement de la dette bancaire de France Télécom ? Quelles concessions l'Etat a-t-il su obtenir des établissements financiers créanciers à court terme de France Télécom ? A moyen terme, quel est le contenu du plan de recapitalisation et quelle est sa traduction budgétaire ?
Les Français ont le droit de connaître la gravité de la situation. L'Etat est décidé, M. le ministre l'a confirmé mercredi, à assumer ses responsabilités d'actionnaire majoritaire, pour sortir France Télécom de l'ornière. Il a raison car c'est une entreprise stratégique pour notre pays.
Alain Lambert a estimé dans la presse le besoin de recapitalisation à 15 milliards d'euros, sans annoncer de décision quant à leur ventilation et en invitant les banques à y participer.
Notre débat, aujourd'hui ou dans quelques jours, doit impérativement lever le voile sur cette opération.
Madame la ministre, y aura-t-il une augmentation de capital ? Il semble que oui. Confirmez-vous le montant global de 15 milliards d'euros ? La part de l'Etat sera-t-elle donc de 9 milliards d'euros ? Quelle sera la traduction budgétaire de ces 9 milliards ?
Mercredi soir, M. le ministre a indiqué que le débat devant la représentation nationale serait reporté de plusieurs semaines. Nous souhaitons, pour notre part, qu'il ait lieu pendant la discussion budgétaire.
Paradoxalement, la situation dramatique de France Télécom peut être l'occasion de repenser le statut de l'opérateur historique et, plus généralement, de réorganiser de manière dynamique le marché des télécommunications en France. En effet, la crise de France Télécom et ses conséquences, ne saurait être appréciée seulement en termes financiers. France Télécom était, et restera sans doute, le moteur du développement des télécommunications en France.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean Dionis du Séjour. Durablement pénalisé par le poids de sa dette, il occupera nécessairement un rôle plus modeste dans les années à venir. Or certains enjeux, notamment le développement du haut débit sur l'ensemble du territoire national, ne peuvent pas attendre.
Votre décision d'augmenter les crédits en matière de régulation des marchés va, à cet égard, dans le bon sens. Mais sur le fond, la crise de France Télécom est pour nous un danger auquel il faudra répondre et une opportunité qu'il faut saisir. Nous vous faisons une proposition innovante à mettre en débat : la vente des réseaux de desserte de France Télécom aux régions françaises. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Alain Gouriou. N'importe quoi !
M. Jean Dionis du Séjour. Nous proposons que les régions deviennent propriétaires de réseaux locaux de France Télécom, que des sociétés d'économie mixte en assurent la gestion afin de les louer aux différents opérateurs et de permettre la mise en oeuvre d'une véritable concurrence. Les investissements seraient assurés dans le cadre des politiques d'aménagement du territoire régional qui pourraient ainsi inclure la fourniture de haut débit dans le domaine des prestations du service universel. Un tel service permettrait une régulation plus efficace, car chaque opérateur pourrait utiliser également les infrastructures haut débit ramenées dans le giron d'un service public régional.
Madame la ministre, nous vous avons présenté les questions et les propositions de l'UDF sur ce budget. Les secteurs dont nous débattons sont aujourd'hui particulièrement exposés. Ce sont cependant, si nous prenons les mesures innovantes et courageuses qui s'imposent, des secteurs d'avenir.
L'UDF, solidaire de l'ensemble de la politique économique de votre gouvernement, votera ce budget. Elle attend néanmoins les réponses urgentes qu'exige la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord remercier très sincèrement MM. les rapporteurs et les différents orateurs pour la qualité et pour l'intérêt tout particulier de leurs interventions. J'essaierai de répondre de la façon la plus précise et la plus détaillée possible aux nombreuses questions qui m'ont été posées, mais j'en appelle par avance à votre indulgence, mesdames, messieurs les députés, si certaines ne recoivent pas une réponse dès aujourd'hui. Je peux vous assurer qu'elles recevront ultérieurement les prolongements les plus approfondis (...)
Monsieur Dionis du Séjour, vous m'avez interrogée sur la situation de France Télécom. Je rappellerai, s'il en était besoin, qu'il s'agit d'une très grande entreprise, performante, essentielle pour la collectivité, vous-même avez employé le terme de « stratégique ». Elle emploie 240 000 personnes. Certes elle connaît des difficultés financières liées à des investissements hasardeux et mal menés au plus haut de la bulle financière des télécommunications.
Le Gouvernement a pris la mesure de ces difficultés Il entend les traiter avec méthode et sans précipitation. M. Thierry Breton est à pied d'oeuvre depuis le 2 octobre. Il a toute la compétence et l'expérience nécessaires et naturellement toute la confiance du Gouvernement. Actuellement, il dresse un état des lieux. Il proposera, dans quelques semaines, des orientations pour un plan global pour l'entreprise qui précisera à la fois sa stratégie et les modalités de son redressement financier.
Comme M. Francis Mer a eu l'occasion de le dire devant cette assemblée mardi dernier, le renforcement des fonds propres de France Télécom est indispensable à son rétablissement financier. Les modalités n'en sont pas encore fixées, et les questions précises posées par M. Dionis du Séjour sont malheureusement encore un peu prématurées.
Ces modalités devront être élaborées par l'entreprise, en liaison avec les actionnaires et les investisseurs. L'Etat soutiendra financièrement cette opération en jouant son rôle d'actionnaire dans le cadre des règles communautaires. Le Gouvernement aura aussi à coeur de prendre en compte, dans toute la mesure du possible, la situation des actionnaires individuels et des salariés.

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