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Intervention de Jean Dionis lors de la discussion générale sur le projet de loi portant la Nouvelle Organisation du Marché de l'Electricité

Publication : 09/06/2010  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

Au commencement de NOME était l'Europe. L'Europe qui encore une fois, nous aura fait bougé dans le bon sens. D'abord, par l'adoption de ses directives Paquet Energie et ensuite par la surveillance qu'elle exerce de leur mise en oeuvre par les Etats membres.

Aussi la Commission européen a-t-elle initié à l'encontre de la France, dès le 4 avril 2006, une procédure pour manquement dans la mise en œuvre de la directive 2003/54 et son article 3 qui interdit aux Etats toute discrimination à l’égard des droits et des obligations des entreprises du secteur, sans présenter pour autant les caractéristiques d’un SIEG.

Et encore une fois, l'Europe a raison. Et ceci à double titre:

 D'abord parce que la France est aujourd'hui le seul pays de l'Union où l'opérateur historique en électricité n'a pas été contraint de vendre une partie significative de ses moyens de productions et aujourd'hui encore, la totalité de nos 58 tranches de nucléaire sont propriétés exclusives d'EDF. Alors que nos voisins, la Belgique à titre d'exemple, a contraint son opérateur historique ElectraBel de vendre une partie de sa production nucléaire à EDF.

 Enfin, par ce que le marché français de l'électricité est aujourd'hui ultra dominé par EDF qui contrôle 87% des abonnés professionnels et 96% des abonnés particuliers.

Bien entendu le gouvernement français sait que l'Union européenne a raison dans la procédure qu'elle a ouverte contre lui et qu'il est objectivement sous la menace d'une amende au coût exorbitant. Il prend donc l'initiative du rapport Champsaur qui sera remis le 24 avril 2009 au gouvernement et aux travaux duquel plusieurs de nos collègues ont été associés. Ce rapport envisage plusieurs pistes pour que la France réponde à l'injonction européenne. Et c'est finalement la solution d'un accès régulé à la base à hauteur de 25% de celle ci soit environ 100 terawattheures qui est retenue.




Néanmoins, selon nous, il aurait été bon de poser clairement et en termes politique la question de la base retenue. Le nucléaire oui mais quid de la production électrique hydraulique répondant au critères d'une production en base c'est-à-dire ininterrompue 24 heures sur 24 ?

Il fallait à nos yeux ouvrir ce concept de base au-delà du nucléaire, aux centrales au fil de l’eau car ces dernières y répondent pleinement. Le rapport Champsaur dans sa page 4, paragraphe 6 ne dit pas autre chose quant il affirme : « l’électricité de base [est] typiquement produite par des centrales nucléaires et hydroélectrique au fil de l’eau fonctionnant en permanence ».

Les centristes ont soulevé cette question fondamentale en Commission pour s'être vu opposer une fin de non recevoir recentrant le texte uniquement sur le nucléaire.

Dommage.

Il y a en effet, dans le monde énergétique français un vieux contentieux : celui des conditions de la cession des centrales hydrauliques de la CNR en 2002, dans des conditions particulièrement avantageuses pour l'acquéreur, le groupe GDF Suez.
Ne pas intégrer les centrales hydro-électriques au fil de l'eau de la CNR mais aussi les autres, c'est laisser à penser que cette affaire de la CNR continue à être dérogatoire dans notre paysage énergétique. Et c'est une mauvaise décision.

Le groupe Nouveau Centre dit cela de manière parfaitement décontracté et libre comme l'a montré notre prise de position ouverte à une modification de l'actionnariat de la CNR permettant la prise de la majorité dans cette société par le groupe GDF Suez au service d'un projet d'entreprise qui ferait de cette société, un des leaders français et européen en matière d'hydro-électricité.


Enfin, pour le Nouveau Centre, l’objectif à terme de ce projet de loi est d’inciter les fournisseurs alternatifs à investir dans les capacités de production, à produire de l’électricité est un objectif prioritaire.

Parlons franc, l’accès régulé à la base est certes souhaitable à court et moyen termes mais doit être limité dans le temps et être progressivement décroissant afin d’inciter les fournisseurs alternatifs à devenir des producteurs alternatifs.

Cette évolution est le gage d’une véritable concurrence sur le marché de l’électricité. Cette véritable concurrence ne pourra opposer que des véritables producteurs d'électricité entre eux. Jamais dans ce marché des acteurs qui se contenteraient d'être des seuls distributeurs ne pourront créer un rapport de force suffisant avec les producteurs. Les résultats actuels négatifs de Poweo et de Direct Energie sont là pour prouver la précarité des modèles économiques d'entreprise basé uniquement sur l'achat et la revente d'énergie.

Avec l'adoption de NOME, l'Union européenne est à ce jour satisfaite de la réponse française.

Le premier objectif du gouvernement à savoir l'arrêt du contentieux européen est atteint et ce n'est pas négligeable pour nous députés du Nouveau Centre.

Mais pour autant, la loi NOME crée-t-elle les conditions d'une concurrence effective qui profitera aux consommateurs professionnels ou particuliers?

Franchement, nous sommes très interrogatifs.
La loi NOME crée un accès contingenté et régulé à la base avec un prix administré dans un secteur où la revente aux professionnels ou aux particuliers est elle aussi contrainte par des tarifs réglementés. C'est un système administré et encadré dans lequel il y a peu de place pour des initiatives en services ou en prix qui inciterait les consommateurs à choisir le meilleur fournisseur.

Mais il y a plus fondamental: au coeur de ce dispositif, se pose la question du prix de l'accès régulé à la base.

Le texte de loi ne dit rien de précis là dessus sauf qu'il confie au gouvernement la tâche de le fixer et qu'il est de notoriété publique que nous nous acheminons vers un tarif à 42 euros le mégawattheure en continuité avec le Tartam. Or ce prix, aux dires de la CRE comme des concurrents d'EDF, est bien au dessus du prix de 34 euros le mégawattheure qui semble être le prix de revient le moins contesté et qui en tout cas, est celui auquel la branche commercial d'EDF achète en interne son électricité à la production d'EDF.

Comment vont faire les concurrents d'EDF alors qu'ils l'achèteront eux à 42 euros et qu'ils seront tenus aux mêmes tarifs de vente qu'EDF?
Nous redisons notre scepticisme quant à l'efficacité de la NOME pour créer une véritable concurrence.

Au mieux, elle permettra l'émergence définitive d'un duopole énergétique français avec EDF d'une part et GDF Suez d'autre part. Mais soyons clairs, rien ne sera possible en matière de concurrence tant que la question du prix d'achat de l'électricité et donc de l'accès régulé à la base ne sera pas traité de manière équitable.

Or ceci est une histoire bien française.

 La loi donne à l'Etat la responsabilité de fixer le prix de l'ARB et ceci pendant 3 ans.
 La loi donne à l'Etat de plus la responsabilité de fixer les tarifs réglementés aux consommateurs finaux pendant 5 ans.

La messe est dite. Vous n'avez pas voulu sortir du conflit d'intérêt dans lequel se trouve placé l'Etat français. Conflit d'intérêt parce qu'il est à la fois actionnaire principal d'EDF à 84,9% d'une société qui a dégagé 3,9 milliards d'euros en 2009 ce qui n'est pas une petite somme même à l'échelle des finances publiques de la France, et parce qu'il est confirmé par ce texte comme régulateur et décideur en matière d'un prix déterminant sur les résultats d'EDF.

Juge et partie, cela n'a jamais fait bon ménage.

Et le jeu d'influence qui se déroule aujourd'hui autour du prix de l'ARB n'est pas sain. L'union européenne est sans doute satisfaite sur le concept de l'ARB; elle ne tardera pas à être en désaccord avec la France sur cette question centrale du prix. Et c'est en ce sens que nous vous disons, avec gravité, que ce texte est lourd de contentieux futurs.

Pour en sortir, le Nouveau centre vous propose une vision cohérente qui s'appuie sur 4 décisions fondatrices:

1- installer définitivement la CRE comme régulateur fort en lui confiant le pouvoir de fixation du prix de l'ARB dès la promulgation de la loi.

2- confier à la CRE, l'administration des tarifs réglementés de manière à pouvoir réguler l'achat et la vente d'électricité.

3- confier à la CRE, la responsabilité de l'observation des marges réalisés par les distributeurs spécialisés dans l'achat et la revente d'électricité, y compris bien sur pour l'opérateur historique.

4- donner à la CRE , le pouvoir de sanction en cas de marges exorbitantes.

C'est cette vision d'ensemble que le Nouveau Centre a proposé en Commission et qui a été adoptée.

Faut-il beaucoup de nervosité et finalement peu de conviction pour avoir utilisé la procédure de deuxième délibération, certes légale mais vraiment peu glorieuse en termes démocratiques.

A l'encontre de cette vision, nous avons beaucoup ri en entendant le procès qui nous était fait çà nous, centristes, libéraux, sociaux, européens, vrai procès en dirigisme, bien peu crédible. Nous n'avons pas eu de mal en Commission à pointer les contradictions en matière de régulation d'une majorité qui lors de la LMA votera dans l'enthousiasme l'installation d'un observatoire des marges sur un marché agricole où l'aval écrase l'amont et qui le dénonce en dirigisme et en sorcellerie lors de la loi NOME sur un marché qui sort péniblement du monopole.

Bref, mes chers collègues, dans l'hémicycle, le Nouveau Centre vous proposera à nouveau sa vision forte et cohérente d'un régulateur au pouvoir élargi, condition sine qua non de sortie d'un marché monopolistique.

Il est probable que nos déterminismes français fassent qu'une autre voie soit choisie. Ce serait dommage.

De toute façon, l'histoire imposera la vision européenne et le régulateur fort. Et si nous osions ne pas perdre de temps, et si nous osions sortir des conflits d'intérêt à la française. Bref, si nous osions une véritable nouvelle organisation du marché de l'électricité, mes chers collègues, les centristes vous invitent à l'audace.

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