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Discours dans l'hémicycle de Jean Dionis sur le projet de loi audiovisuel public

Publication : 26/11/2008  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,

Le projet de loi « Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision » que nous examinons en urgence à partir d'aujourd'hui inspire aux députés du Nouveau Centre, des analyses et des positions contrastées.
En effet, ce texte comprend quatre parties bien distinctes :
Les deux dernières (titre III et IV) sont peut-être d'une moindre importance par rapport à l'ensemble de ce texte, elles ne posent que des problèmes d’ordre technique et recueillent l'approbation du Nouveau Centre.

Le coeur du projet est ailleurs, il se situe clairement dans les titres I et II de la loi qui abordent respectivement :
La restructuration de France Télévisions, la suppression de la publicité sur France Télévisions et son financement
Le groupe Nouveau Centre tient à saluer ici les travaux de la Commission présidée par Jean-François Copé qui ont été sérieux, approfondis et d’excellente qualité.
Des réflexions engagées par cette Commission Copé, les députés du Nouveau Centre soutiennent la transformation de France Télévisions en entreprise unique et sa réorganisation pour devenir un véritable média global.
Cette évolution sera longue et difficile, car elle représente un changement majeur pour l'ensemble des personnels du Groupe, mais le lancement de ce chantier est aujourd'hui urgent. C'est d'ailleurs la seule partie du texte de loi qui présente un véritable caractère d'urgence.
En effet, l'organisation en entreprise unique permettra de dégager d’importantes économies de gestion (selon l'évaluation de la commission Copé, 140 millions d'euros par an, page 48 du rapport), ce qui va dans le sens de la rationalisation de la dépense publique à laquelle nous sommes attachés.
Mais cette nouvelle organisation donnera les moyens à France télévisions d'être vraiment dans la compétition que se livrent les groupes de médias audiovisuels les plus organisés ( BBC, Bertelsman, etc) plutôt que continuer à « partir au front en pantalon rouge-garance » avec une holding qui ne maitrise pas grand chose.
Bref, une réforme souhaitable. Jusqu'ici, tout va bien....
Tout va bien aussi en ce qui concerne les nouvelles règles de gouvernance des entreprises du secteur public de la communication audiovisuelle.
Le projet de loi redonne à l'État actionnaire l'essentiel de la responsabilité de la nomination – et éventuellement de la révocation - du Président de France Télévisions et de ses homologues de radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.
Sur ce point, pas de craintes majeures, peut-être pouvons-nous étudier les possibilités pour renforcer la stabilité de ces postes et encadrer les mécanismes de révocation.
Donc jusqu'ici, tout va bien....Cela dit, l'important ce n'est pas la chute, mais l'atterrissage..
Car le texte aborde ensuite les rivages dangereux de la suppression de la publicité et le financement de cette décision...et là , le bateau tangue...
Le groupe Nouveau Centre tient à exprimer son désaccord profond avec le mécanisme de financement de la suppression de la publicité envisagé dans ce projet de loi.
Entendons-nous bien...
L'idée de la suppression de la publicité sur la télévision publique est une bonne idée en soi.
A défaut de revendiquer d'avoir été les premiers à la promouvoir, il faut, je crois rendre à la gauche ce qui est à la gauche notamment lorsqu'elle sait être imaginative.
Mais en tout état de cause, les centristes soutiennent la suppression de la publicité au moins depuis 2002 puisque j'ai ici le programme électoral de l'UDF lors de la campagne présidentielle de 2002 contenant la proposition de suppression de la publicité.
Cependant, il est bien précisé, « à condition qu'elle soit financée par la hausse de la redevance », et je cite encore « remplacer les ressources publicitaires par une recette non affectée serait démagogique et inopportun, démagogique car le citoyen aurait le sentiment de ne pas payer directement, inoportun dans la mesure ou le service public de l'audiovisuel serait soumis aux arbitrages budgétaires ou aux changement de priorité gouvernementale »
Chers collègues, j'exprime aujourd'hui ce que j'exprimais en juin 2008 dans ma contribution personnelle au rapport de la Commission Copé (c'est l'annexe 8) et ce que les centristes exprimaient en 2002 :
« je défends avec courage et conviction un financement de l'arrêt de la publicité par l'augmentation de la redevance ». Voilà pour la position de fond.
Reste, et c'est essentiel, la question de l'opportunité et la question du calendrier.
Je m'adresse un instant à mes collègues de la majorité présidentielle. Je sais les limites de l'influence d'un obscur député du Nouveau centre sur leurs convictions, mais peut-être prêteront-ils une oreille autrement plus attentive à Édouard Balladur, peu suspect d'anti-Sarkozysme. C''est un de nos illustres prédécesseurs, reconnu pour sa sagesse et sa lucidité. Que dit-il en ce beau dimanche du 13 octobre ?
« Ne pourrait-on pas, à titre provisoire, suspendre la suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision, ce qui dispenserait l'Etat de les aider ? »
Et bien mes amis, Édouard Balladur a encore une fois raison!
La suppression de la publicité en janvier 2008 était déjà discutable pour un État dont le budget affichait un déficit prévisionnel de 41 milliards d'euros.
C'est une faute de persévérer, en septembre 2008, alors que la prévision de déficit du projet de finances rectificatif pour 2008 est de 52 milliards d'euros.
Que diable allons nous faire dans cette galère qui consiste à supprimer 800 millions d'euros de recettes marchande par an, soit le tiers des recettes de France télévisions.
Car une fois que nous sommes embarqués dans cette galère, il nous faut boire le calice jusqu'à la lie, et nous avons le choix entre la peste et le choléra.
La peste avec l'accroissement de notre déficit budgétaire déjà abyssal
Le choléra avec l'accroissement de nos prélèvements obligatoires que ce soit par la redevance ou par les impôts exotiques imaginés par les auteurs de ce projet de loi.
Mes amis, le Nouveau centre vous appelle à vous ressaisir, à vous réveiller, et à adopter la seule position de sagesse, celle d'Édouard Balladur, le report de cette suppression à la fin de la crise économique aujourd'hui devant nous.
Je sens une certaine inquiétude chez mes collègues de la majorité...
Et bien rassurez vous, personne ne viendra frapper à la porte de vos permanences pour réclamer la suppression de la publicité sur France Télévisions.
La réalité, c'est que cette bonne réforme peut attendre, que les français se sont organisés et sont vaccinés pour vivre avec la publicité télévisuelle.
Le bon choix est donc de nous concentrer maintenant sur l'essentiel de cette réforme, la restructuration de France Télévisions et de reporter à 2011-2012 la suppression de la publicité si les conditions économiques et budgétaires du pays le permettent.

Mais si par malheur et à contresens, vous décidiez, vous, groupe UMP, de supprimer la publicité maintenant, au pire moment, alors au moins faites le bien!
Faites le bien, en affectant à France Télévisions un financement pérenne et légitime.
Ce projet de loi et l'arrivée de la télévision numérique terrestre nous offre une occasion historique de mettre en œuvre une hausse raisonnable et progressive de la redevance audiovisuelle.
Celle-ci s’impose comme étant l’impôt le plus légitime pour compenser la perte de ressources publicitaire de France Télévisions.
Or, aujourd’hui, la redevance en France s'élève à 116 euros/an, c'est la moins chère en Europe après l'Italie, la moyenne européenne étant de 45 euros supérieure. Elle coûte 60 euros de moins qu’en Angleterre et 100 euros de moins qu’en Allemagne pour des services audiovisuels de même nature.
L’élargissement de son assiette aux personnes qui reçoivent la télévision par un autre biais qu’un téléviseur, un ordinateur connecté à internet et ayant contracté une offre incluant les services télévisuels, (entre 20 et 30 millions d'euros), son élargissement aux propriétaires de résidences secondaire à mi-tarif (120 millions d'euros) et un faible rattrapage de son montant sont des solutions bien plus légitimes que celles qui nous sont aujourd’hui proposées.
Car, enfin, l’instauration de deux nouvelles taxes pour financer la suppression de la publicité un contresens social et économique majeur.
Le choix a été fait dans le projet de loi pour compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions d’instituer deux nouvelles taxes, respectivement sur le chiffre d’affaires des opérateurs du secteur audiovisuel et sur le chiffre d’affaires des opérateurs du secteur de communications électroniques.
Or ces taxes n’ont pas de raison d’être:
D'abord et avant tout, parce qu'elles ne sont pas affectées
Il existe donc un risque majeur pour les sociétés financées par ce type de taxes : l’histoire budgétaire a déjà prouvé qu’une taxe ayant un objet bien défini (ici, la compensation de la suppression de la publicité) est souvent amenée à augmenter et à se détourner de son objet initial pour se perdre dans les puits sans fond du budget de l'État
Le meilleur exemple du lien de plus en plus distendu entre le produit fiscal levé et l'affectation initiale est celui de la TACA (taxe d'aide au commerce et à l'artisanat) dont le produit rapporte plus de 600 millions d'euros et où seuls 80 millions d'euros sont affectés au Fisac (fonds d'investissement et de soutien au commerce et l'artisanat....)
Cela devrait amener à beaucoup de prudence ceux qui parlent d'un « cadeau à l'audiovisuel public», aujourd'hui, loi de finances pour 2009 peut-être, mais pour demain que d'interrogations!
Ensuite parce que leur constitutionnalité est douteuse
Elles sont en effet discriminatoires car elles créent une rupture d’égalité entre les sociétés assujetties isolées de façon arbitraire, et les autres. De plus, l'assiette retenue pour ces deux taxes est le chiffre d’affaires. Or, toutes les décisions du Conseil Constitutionnel en matière de droit fiscal réaffirment que les contribuables ne doivent être assujettis uniquement sur la base de leur capacité contributive.

Ensuite encore parce que ces taxes sont illégitimes,

illégitime la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision,
En effet, elle aurait sa justification dans le report des recettes publicitaires à la suite de l’arrêt progressif de la publicité sur France Télévisions. Or cette justification ne résiste pas à l'analyse :
d'abord parce que la publicité s'oriente aujourd'hui vers les nouveaux vecteurs que sont les chaines de la TNT et surtout vers le monde de l'internet curieusement absent de votre assiette fiscale.
Ensuite parce que la crise économique a provoqué une contraction du marché publicitaire qui impactera d'abord les chaînes privées.
Dans un tel contexte, aller imaginer de financer la télévision publique par une taxe sur des recettes publicitaires qui seront de plus en plus dures à obtenir, nous sommes ici à la limite de l'étrange. Et ce faisant, vous réussissez le tour de force politique de déclencher la colère des responsables des chaînes privées, ceux là même qui devaient être les grands bénéficiaires de ce projet de loi.
Notre commission a essayé de limiter la casse par quelques amendements de bon sens, Madame la Ministre, permettez moi de vous conseiller d'apporter à ces modestes améliorations le soutien du gouvernement.

illégitime à nouveau, la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques l'est davantage
Taxer les opérateurs de communications électroniques pour financer l’audiovisuel public est injustifié au regard de l’activité de ces sociétés qui sont pour leur grande majorité étrangères à l’économie de la télévision.
Mes chers collègues,
quels rapports entre la téléphonie fixe et la télévision publique? AUCUN
Quels rapports entre les services voix GSM, l'essentiel des services de votre téléphone portable et la télévision publique? AUCUN
Quels rapports entre les services SMS et la télévision publique? AUCUN
On pourrait continuer longtemps cette liste...
La vérité, c'est qu'une très faible partie du chiffre d'affaires des télécoms est concernée par les images de la télévision publique (offre triple play et bientôt la télévision mobile personnelle)

Au minimum, le travail de notre Assemblée doit être de resserrer l'assiette de cette taxe autour de l'activité directement concernée par la télévision, ce sera le sens profond de l'ensemble des amendements du Nouveau centristes.

et enfin, parce que ces taxes sont anti-économiques :
la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision privées déshabille les chaînes privées pour habiller le service public Elle crée une situation de concurrence inédite et malsaine où le travail en milieu concurrentiel des chaînes privées alimente directement le secteur de l'audiovisuel public.
La taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques aura un effet directement négatif sur notre économie. Ce secteur économique est déjà lourdement taxé et sollicité : de nombreuses contraintes législatives ou réglementaires accroissent périodiquement la charge d’investissement et les dépenses d’exploitation.
Entendons nous bien, le groupe Nouveau centre n'est pas opposé par principe à la taxation de ce secteur d'activité, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a manqué ici une vision d'ensemble à la hauteur des enjeux de la part du gouvernement.
Mes chers collègues, n'aurait-il pas été plus légitime de mobiliser les capacités contributives de ce secteur pour financer le plan France Numérique 2012
Dans quelques jours, nous allons aborder un sujet encore plus fondamental que celui de l'audiovisuel public qui est celui de la rémunération de la création dans un monde ou internet sera devenu le media central, ne pensez vous pas qu'il aurait été plus opportun de mobiliser ce secteur pour cette ambition là.
Or la taxe envisagée de 0,9 % du chiffre d'affaires est déjà fortement pénalisante, soit jusqu'à 8% des résultats nets de ce secteur, si par malheur vous l'adoptez, que restera-t-il pour réaliser les objectifs ambitieux du Plan numérique 2012 pour le déploiement du haut et du très haut débit et surtout pour mettre en oeuvre positivement la loi création et internet.
L’instauration de cette taxe aura donc comme double conséquence de ralentir les investissements des opérateurs, et de répercuter tout ou partie de la taxe sur le consommateur final.
Finalement, les deux objectifs majeurs de l’économie nationale, de hausse du pouvoir d’achat et de relance de la croissance française se trouvent contredits par l’instauration de ces taxes.
Pour ces différentes raisons, les députés du groupe Nouveau Centre sont déterminés à s’opposer à l’instauration de ces deux taxes.
Tout à l'heure, j'en appelai au magistère d'Édouard Balladur, pour que nous ayons le bon sens de reporter la suppression de la publicité à après 2012, j'en appelle maintenant au bon sens de chacun de mes collègues de la majorité présidentielle, à Gilles Carrez, rapporteur général du Budget, aux commissaires des finances, garants de la légitimité de l'impôt, pour leur demander instamment de ne pas commettre cette faute

Si malgré tout une majorité d'entre nous persistait dans cette direction, alors il apparaitrait clairement que le mobile profond à cette solution qui a de si lourds désavantage est uniquement politicien
La réalité, c'est que le gouvernement voulait trouver une assiette large, dynamique permettant une taxation indolore pour les ménages. Cette logique électoraliste a prévalu sur d'autres logiques plus solides économiquement qui auraient abouti à taxer d'autres secteurs d'activité beaucoup plus étroitement liés au devenir de la télévision (électronique grand public, recettes publicitaires sur Internet, etc.....).
Depuis le début de la législature, le nouveau centre a apporté un soutien permanent, constructif et loyal à la majorité présidentielle et à chacun des textes qu'elle a proposé.
Mais en face d'une réforme ni prioritaire, ni urgente, les députés du Nouveau Centre réaffirment leur opposition au calendrier de cette suppression et au financement envisagé.
Alors si notre analyse sur les différentes parties du projet de loi est contrastée, aujourd'hui notre opposition sur ce point central du projet de loi prédomine. Tout au long des débats parlementaires, nous vous proposerons des amendements pour corriger les défauts structurels de ce texte. Notre vote final dépendra du sort qui leur sera réservés.

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