Monsieur le Président, Mes chers collègues,
Votre projet de budget 2017 était attendu. Et, pour tout dire, il s’est fait désirer. Au nom de notre groupe, mais je suis sûr que cette opinion est partagée par tous les groupes et toutes les sensibilités politiques, je veux dire l’extrême difficulté d’étudier sérieusement plusieurs centaines de pages en 11 jours de délai. Nous avons reçu le projet de budget le 1er février à 19h22, avant de recevoir des dizaines de pages de modifications le 8 février à 18h50. Pourtant, le règlement intérieur de notre assemblée est clair : en son article 6 (délai de transmission des rapports), il dispose que « douze jours au moins avant la réunion du Conseil régional, le Président adresse aux Conseillers régionaux un rapport, sous quelque forme que ce soit, sur chacune des affaires qui doivent leur être soumises. » Nous avions tous compris que l’année 2016 était une année de démarrage, et nous avons été solidaires avec les difficultés rencontrées par vos services, mais il est temps, grand temps, que nous retrouvions des méthodes de travail normales. Il me semble que deux semaines pleines pour étudier un budget de 200 pages est une revendication démocratique raisonnable. Merci d’en tenir compte pour le CA 2016 et pour le budget 2018.
En outre, ce budget prévoit la possibilité de faire des virements de chapitre à chapitre au sein de chaque section à hauteur de 7,5% des dépenses réelles de chacune, soit 75M€ sur les lignes d’investissement et 150M€ sur les lignes de fonctionnement. Ceci sans avoir à repasser devant l’assemblée régionale. Si cette disposition est parfaitement légale, le niveau que vous proposez est manifestement excessif (150M€, c’est deux fois le montant du chapitre Culture, sports et loisirs !) et nous vous demandons sa suppression, ou à tout le moins une réduction considérable du pourcentage autorisé.
Parlons maintenant du fond. 2017 est votre première année de mandat entre guillemets « normale ». En effet, 2016 avait été, à tous les égards, une année extraordinaire. Extraordinaire, parce qu’année de la fusion des 3 anciennes régions constitutives de la Nouvelle-Aquitaine. Extraordinaire aussi, parce que, vous l’avez vu, vous avez dû affronter le défi que constituait pour la nouvelle région la déconfiture financière de l’ancienne région Poitou-Charentes. Certes, toutes les factures relatives à ce scandale n’ont pas été payées en 2016, et les contribuables néo-aquitains vont payer encore pendant longtemps la sortie d’un endettement extrêmement toxique et des prises de participation bien hasardeuses dans un certain nombre de sociétés d’économie mixte ou de SPL. Mais 2016 aura été l’année où vous, et les contribuables aquitains, avez dû passer, excusez-moi l’expression mais elle est parlante, la grande serpillère de la grande région sur la gestion calamiteuse de Madame Royal et de Monsieur Macaire.
En ce qui concerne l’effet très grave mis en évidence par la CRC dans son rapport dont nous avons débattu lors de la plénière de décembre 2016, le groupe UDI a pris ses responsabilités, conformément à la loi qui fait obligation à un citoyen et a fortiori à un élu de porter connaissance de tout délit dont il aurait été informé dans le cadre de l’article 40 du Code de procédure pénale, c’est-dire en en informant le procureur de la République. Et comme nous vous l’avions annoncé, monsieur le Président, Véronique Abelin, conseillère régionale UDI, et de surcroit conseillère régionale UDI sortante de la mandature exercée par Madame Royal et Monsieur Macaire en Poitou-Charentes, a porté plainte le mardi 3 janvier au commissariat de Poitiers. Au nom du groupe UDI, je renforcerai cette démarche dans les jours qui viennent.
Suite à cette affaire, en 2016, la région Nouvelle-Aquitaine a dû payer pour 132M€ d’impayés, chiffre confirmé par les services de l’administration régionale, et ne disposait pour cela que d’un excédent de fonctionnement de 50M€ au 31/12/2015. Le CA 2015 était donc dégradé de manière exceptionnelle d’environ 80M€ et il était légitime d’attendre un résultat spectaculaire en 2017 par le seul effet mécanique de la disparition du poids de la facture des impayés picto-charentais réglée en 2016.
Ce redressement n’aura pas lieu. C’est un premier point que nous souhaitons porter à discussion de notre assemblée à partir d’indicateurs simples et stables que sont le taux d’épargne brute et la capacité de désendettement. Les chiffres dont nous disposons pour 2016 (et je rappelle que, contrairement aux recommandations du Ministère de l’Intérieur sur la communication dès les orientations budgétaires des grandes masses à venir pour le compte administratif, nous ne disposons pour l’instant de rien), ces chiffres annoncent donc une épargne brute à hauteur de 199M€ pour 2016 et une prévision d’épargne brute de 227M€ pour le BP 2017. Le redressement attendu est à peine de 28M€ et le taux d’épargne brute passe de 11,3% à 9,8%.
De même, la dette du Conseil Régional pourrait passer de manière nominale de 1,8 milliard d’euros au 31/12/2016 à 2,3 milliards au 31/12/2017. A juste titre, votre directeur financier m’a fait remarquer en commission des finances qu’en moyenne la mobilisation de l’inscription budgétaire des emprunts à réaliser est autour de 70%. Il est donc raisonnable de prévoir une évolution de la dette de la région à 2.18 milliards d’euros, et c’est une prévision très raisonnable de l’évolution de cette dette. Pour autant, un taux de réalisation des investissements inférieur à 80% pose sérieusement la question de la sincérité du budget ! Donc on peut constater que la dette augmentera probablement en 2017 de 300M€, exactement du même montant qu’en 2016, annus horribilis pour cause de naufrage picto-charentais. Au bout du compte, les 2 ratios clefs que sont le taux d’épargne brute et la capacité de désendettement passent de manière inquiétante du vert à l’orange, précisément en 2017. En effet, le taux d’épargne brute, avec 9,8%, passe en dessous des 10%, seuil d’alerte reconnu de passage du vert à l’orange pour les collectivités locales. Simultanément, la capacité de désendettement passe de 9 ans à 9,6 ans si l’on corrige la prévision d’évolution de dette à 2,18M€ au 31/12/2017, et monte même en prévision budgétaire à 10,4 ans, dépassant le seuil de 10 ans reconnu là-aussi comme le seuil d’alerte dans le monde territorial.
Il faut pour cela arriver à une première conclusion : sur la première année « normale », les voyants de gestion de la nouvelle région passent du vert à l’orange. Il faut que vous preniez la mesure du changement de nature de l’institution que vous présidez, du passage de l’ancienne à la Nouvelle-Aquitaine. Les jours heureux de l’ancienne Aquitaine, où tous les voyants étaient au vert foncé, avec au CA 2015 de la région Aquitaine un taux d’épargne brute de 21% et une capacité de désendettement de 3 ans, sont finis et derrière nous. Vous êtes maintenant à la tête d’une institution qui a plus de doublé en taille, et qui est véritablement un colosse aux pieds d’argile. Le vert est devenu l’orange de la Nouvelle-Aquitaine. Exit le 29% de taux d’épargne brute pour passer à un bien médiocre 9,8%. Exit la capacité de désendettement robuste de 3 ans qui faisait des envieux dans le monde territorial, et bonjour à quelque chose de beaucoup plus moyen avec une capacité de désendettement autour des 10 ans.
Dans ce contexte, il est urgent de réviser votre logiciel de gestion. Il nous parait bien imprudent d’inscrire budgétairement des dépenses d’investissement représentant 35% du budget, avec un montant de 892 M€ dans le nouveau périmètre, financés par un emprunt à hauteur de 633M€. De toute évidence, vous n’avez pas voulu tirer les conséquences de cette modification de nature de votre budget. La région Nouvelle-Aquitaine ne peut pas être sur le même train de vie que l’ancienne région Aquitaine. Et c’est précisément parce que vous n’avez pas fait cette révision de vos objectifs et parce que vous n’avez pas pris les décisions difficiles qui vont avec, que le groupe UDI votera contre ce budget.
Mais notre opposition n’a pas pour seul fondement le refus de prendre en compte la réalité de la nouvelle région. Nous vous le disions lors de la séance d’installation de notre conseil, pendant toute cette mandature, les centristes apporteront leur contribution aux travaux de cette assemblée à partir de leur signature politique. Cette signature est triple :
I- Un engagement pour la qualité de la gestion budgétaire
Vous n’avez pas voulu mettre en œuvre un certain nombre de plans de réduction des dépenses qui devaient pourtant être constitutifs de la grande région. A cet égard, il est symptomatique de voir que vous prévoyez une évolution de vos dépenses de ressources humaines de 3,2%. Nous attendons donc avec crainte le CA 2016. Nous avions fait la prévision que vous ne tiendriez pas votre objectif d’évolution à 2,5% de la masse salariale, car vous n’avez pas actionné l’un des leviers qui est en votre pouvoir, à savoir le non remplacement des personnes partant à la retraite, révélateur de l’absence de décision forte dans un secteur où vous avez la capacité à agir. Comme chacun des membres de cette assemblée, nous sommes destinataires d’un certain nombre de documents émanant du personnel du Conseil Régional. Le groupe UDI, dans cette affaire, respecte pleinement vos responsabilités de président en matière de gestion RH, mais nous ne pouvons que constater qu’absence de plan d’action fort et mal-être du personnel vont parfois ensemble. Cela nous semble être le cas dans certains services de notre institution.
II- Une vision résolument décentralisatrice
Alors que vous devez mettre en place, comme dans toutes les autres régions, le tandem de demain constitué par les régions d’une part, et les intercommunalités d’autre part (et notamment la métropole et les agglomérations), celles-ci ne sont citées que deux fois dans les 200 pages de votre budget. La région ne pourra pas dégager de marges financières en restant seule. Elle le fera en coordonnant le plus fortement possible son action avec celle des territoires qui la composent. Nous sommes loin, très loin, de cette complémentarité et de cette synergie d’avenir à construire, notamment dans le domaine du développement économique. Votre budget 2017 est, par trop, le budget d’une grande région qui agit de manière isolée. Cet isolement sera la deuxième cause de notre vote contre ce budget. Enfin, pour nous, être profondément décentralisateur veut dire avoir une véritable ambition en matière d’aménagement du territoire. Or, à ce titre, il est quand même emblématique que parmi les crédits les plus sévèrement revus à la baisse, il y ait les crédits consacrés à l’aménagement du territoire En effet, de BP à BP, ces crédits baissent en fonctionnement de 20,1% et en investissement de 22,3%, soit un passage de 18,44M€ à 14,73M€ en fonctionnement et de 95,4M€ à 74,17M€ en investissement.
III- Une vigilance quant à l’équité de la gestion des fonds européens
Là-encore, nous l’avions annoncé, notre groupe s’attachera à stimuler le goût de notre région et de ses entrepreneurs économiques, associatifs et politiques, pour l’Union Européenne. Dans le cadre des compétences nouvelles qui sont les siennes, l’impérieuse nécessité d’équité dans la gestion des fonds européens doit être assurée par la Région. A ce titre, le groupe UDI a entamé une démarche d’évaluation de cette gestion et nous espérons vous en rendre compte mi-2017.
Au final, vous l’aurez compris, le groupe UDI votera contre ce budget parce que vous n’avez pas pris la mesure de la transformation financière de l’institution que vous présidez. Il vous faut maintenant baisser la voilure, adapter votre capacité d’investissement à la diminution relative de votre épargne brute. Bref, gérer cette région à la hauteur de nouveaux moyens qui sont devenus plus fragiles. Il votera contre aussi parce que vous n’avez pas mis en œuvre un certain nombre de plans d’action d’économie de gestion notamment en matière de RH qui devaient faire partie de la construction de la nouvelle région. Il votera contre, encore, parce que votre budget est le budget d’une région par trop isolée qui n’a pas encore entamé sa mutation vers les territoires montants qui la composent. Enfin, il votera contre parce qu’elle ne fait pas ce qu’elle doit faire pour ses territoires les plus fragiles, que ce soient les quartiers de la politique de la ville, ou les territoires ruraux en souffrance. Parce que le budget forme un ensemble cohérent, le groupe UDI votera contre une seule fois au nom du vote du budget global, et ne participera pas au vote de chacun des chapitres qui le composent, de manière à ne pas faire de démagogie sur tel ou tel chapitre.
Au-delà de ce vote négatif, et comme nous l’a laissé espérer votre dicteur financier lors de la dernière commission des finances, il devient urgent d’avoir une véritable stratégie à moyen terme à horizon fin 2020, adaptée à la réalité financière de la nouvelle région. Nous terminerons donc notre exposé en soutenant l’initiative qui pourrait être appelée « Nouvelle-Aquitaine 2021» et qui nous permettrait de débattre ensemble de cette stratégie à même de garantir un développement durable de la nouvelle institution. Le groupe UDI est prêt à participer positivement à l’élaboration de cette politique d’ensemble, qui fait aujourd’hui cruellement défaut.
Crédit photo : Guillaume Bonnaud pour Sud-Ouest
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