« Notre nom, EMMAÜS, est celui d'une localité de Palestine où des désespérés retrouvèrent l'espérance. Ce nom évoque pour tous, croyants ou non croyants, notre commune conviction que seul l'amour peut nous lier et nous faire avancer ensemble »
C’est ainsi que commence le manifeste d’EMMAUS, prononcé par l’Abbé Pierre.
L’abbé Pierre qui nous a quitté le 22 Janvier dernier.
Ma première réaction, bizarre, a été de dire : « enfin, il va pouvoir souffler….. », car je l’avais trouvé à plusieurs reprises en fin de vie littéralement épuisé et j’avais été très ému, voir choqué de l’entendre dire, avec cette liberté de ton qui n’appartenait qu’à lui, que « maintenant, ça allait comme ça, il avait assez vécu et qu’il en avait marre…. »
Et puis, devant l’avalanche de réactions à l’annonce de sa mort, je me suis posé une deuxième question, plus intime « Pourquoi, moi, Jean Dionis, comme des millions de Français, je l’ai tant aimé ? »
J’ai aimé le Pape des pauvres, comme l’a si bien dit Libération. Celui qui, non seulement, a tout compris avant les autres : le désir de dignité et de respect, le rôle central du travail, du logement……, mais surtout, celui qui n’a jamais arrêté d’ouvrir des chemins, d’agir avec les pauvres et pour les pauvres. Une question, plus politique, m’obsède maintenant qu’il nous a quittés : Comment avons-nous pu avoir un tel géant de la charité active à portée de main et de conseil, et pourtant nous enfermer dans un système d’assistanat coûteux, inefficace et sans âme? Si nous voulons prolonger l’action de l’Abbé Pierre, il nous faut répondre à cette question difficile en ces temps d’élection présidentielle.
J’ai aimé le croyant libre et debout……Soutenu par une foi ardente, l’abbé Pierre a toujours gardé son esprit critique par rapport aux discours officiels de l’Eglise catholique que ce soit sur les questions théologiques les plus graves – comme celle de la coexistence de Dieu avec celle du Mal Absolu – ou sur des questions tellement humaines comme celle de la sexualité. J’avais beaucoup ri en lisant son dernier livre : « Mon Dieu, Pourquoi ? ». Le Journaliste l’interrogeait sur l’affaire « Da Vinci Code » et la rumeur d’une liaison amoureuse entre Jésus et Marie-Madeleine, sa réponse fut – à peu près - celle –ci : « Sur cette affaire, n’étant pas historien, je n’en sais rien. Mais, ce que je sais, c’est que Jésus étant aussi Vrai Homme, il a du connaître le désir sexuel »…. C’est tellement vrai !
Enfin, j’ai aimé cet itinéraire, cette vie Française : Lyon, l’enfance dans une famille nombreuse, la vocation sacerdotale, la résistance, la politique avec l’Assemblée Nationale , la grande colère de l’Hiver 54, les intuitions géniales comme Emmaüs, les erreurs avec Garaudy, le combat jusqu’à l’épuisement pour ses frères les pauvres ! Quel homme ! Tant que la France produira de tels saints, il n’y aura pas lieu de s’inquiéter trop sur son humanité profonde !
Pape des pauvres, croyant libre et debout, saint de France. Avec lui, nous avions envie de devenir meilleurs. Sa mort n’aura pas de prise sur cette influence si particulière.
Mais EMMAUS c’est également Martin HIRSCH avec qui j’ai eu la chance de travailler à plusieurs occasions l’année dernière.
J’ai d’abord étudié avec assiduité son rapport sur la lutte contre la pauvreté et j’essaye de m’en inspirer souvent dans la conduite de mes travaux parlementaires.
J’ai également participé, avec lui, à un débat sur le thème « la solidarité : un état d’esprit?».
Une relation de confiance s’est nouée à partir de ce moment. Quelques semaines plus tard, je recevais ses félicitations pour avoir aidé à faire adopter à l’Assemblée Nationale un amendement initié par EMMAUS, en faveur des entreprises de réinsertion spécialisées dans la collecte des vêtements usés.......
Vous savez, lors d’une récente interview, on m’a posé la question suivante : « quelle est l’homme marquant de l’année 2005 ?» J’ai alors répondu au journaliste : « L’abbé Pierre et Martin Hirsch, c’est le plus beau visage de la France… »
Et je crois savoir que, en ces temps d’élections et de défis, vous avez déjà gagné le votre : celui du travail qui permette de ne pas être pauvre et de vivre dignement.
Vous avez été le premier à dénoncer les trappes à inactivité : en effet, un allocataire du RMI perd nettement du revenu quand il reprend un emploi à quart-temps et n'en gagne pas à mi-temps, voire à plein-temps.
Vous avez institué l’idée du le revenu de solidarité active : ainsi, les ménages sans activité continueraient à percevoir les mêmes prestations, tandis que ceux qui travaillent recevraient un nouveau soutien financier.
Et sur ce point, chaque candidat est d’accord pour dire que cette mesure fait partie de la solution.
Vous avez su, M. HIRSCH, perpétuer cette tradition Emmaüs : on tend la main mais par le travail. Et je m’engage, si je suis réélu Député, à travailler une fois de plus et avec grand plaisir, à vos côtés, pour militer pour le Revenu de Solidarité Active.
Je souhaite également dire un mot sur le système EMMAUS, notamment les acteurs qui contribuent à cette belle œuvre : les compagnons et les bénévoles.
L’abbé Pierre a dit un jour : « Avec l'argent, on ne fait pas des hommes, on les dégrade; mais avec des hommes qui se donnent on fait tout, y compris l'argent, utile, dès lors qu'il n'est non plus maître mais serviteur ».
Il a donc eu l’idée fabuleuse de loger, nourrir et accorder une allocation aux compagnons, qui, en contrepartie, assurent l'accueil et la logistique ainsi que des opérations ponctuelles comme les déménagements sociaux ou encore la sécurité.
Je souhaite maintenant rendre hommage au monde des bénévoles et envoyer un clin d’œil très amical et particulier à Eric Mallé et Alain Massalaz. En effet, il semble qu’il soit de plus en plus difficile de rassembler facilement les bonnes volontés, d’impliquer un renouvellement notamment auprès des jeunes générations et de celles à venir… Mais vous êtes là ! Prêts à vous engager, à apporter une réponse à chaque inquiétude,
Comme je vous le disais il y a quelques instants, EMMAUS est pour moi une association innovante et qui nous donne envie d’aider et de servir les personnes qui sont plus dans le besoin que nous. C’est ainsi que j’ai été très heureux d’avoir pu, modestement, apporter ma pierre à l’édifice en soutenant un amendement EMMAUS.
Ce dernier était favorable aux entreprises de réinsertion spécialisées dans la collecte des vêtements usés.
Nous avons été à l’origine de cette taxe qui prévoit la soumission des metteurs sur le marché de vêtements neufs à une contribution financière forfaitaire.
Les fonds ainsi récoltés seront destinés aux entreprises de réinsertion sociale qui emploient 30 % minimum de personnel sous contrat aidé et qui prennent en charge la collecte, le tri et la revalorisation des vêtements usés.
Je terminerai en remerciant à nouveau Martin HIRSCH, chaque compagnon et chaque bénévole et, bien évidemment l’Abbé Pierre en lui envoyant un petit clin d’œil.
En effet, ce dernier a dit, une fois « Les hommes politiques ne connaissent la misère que par les statistiques. On ne pleure pas devant les chiffres. »
Je souhaite enfin à mon tour lui dire qu’un peu grâce à lui, j’ai compris pourquoi « donner c’était recevoir. »