séance du mardi 30 novembre 2011
Mal-logement et hébergements d’urgence
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Exclamations et claquements de pupitres sur de nombreux bancs du groupe UMP, qui vont tenter à leur tour pendant quelques instants de couvrir la voix de la députée qui s’exprime.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
Mme Jacqueline Maquet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
En dépit des 4 millions de HLM et de ses 10 millions de locataires, le parc de logement social français est asphyxié. (Bruits.)
M. le président. Ça suffit ! On se calme !
Mme Jacqueline Maquet. Les chiffres ne sont guère encourageants : près de 900 000 foyers sont inscrits sur des listes d’attente, 3,5 millions de personnes souffrent de mal-logement, 100 000 SDF et 500 000 personnes répondent aux critères de la loi DALO sur le droit au logement opposable, et les récents rapports de l’INSEE et de la Fondation Abbé Pierre nous précisent l’impact du mal logement sur la santé des occupants et la réussite scolaire des enfants.
En dépit de ce triste constat, le logement n’est visiblement pas l’une de vos priorités. On est loin des promesses de 2008, où vous faisiez du logement et de l’hébergement des personnes sans abri un grand chantier national prioritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Face à l’ampleur des besoins, à l’insuffisance de la construction, à l’inadéquation entre le développement de l’accession à la propriété et la réalité, qui est tout autre, et face au manque de logements à loyers abordables, votre seule et unique réponse, c’est que vous avez construit 120 000 logements et qu’il ne manque pas de places d’hébergement cet hiver.
Plusieurs députés du groupe UMP. Vous n’aviez rien fait !
Mme Jacqueline Maquet. Oui, vous avez construit 120 000 logements, et tant mieux, mais cela ne répond pas au fait qu’il y a 3,5 millions de mal logés, et ce n’est pas avec vos budgets rabotés d’année en année que la situation va s’améliorer. Certaines structures d’hébergement n’ouvriront pas cet hiver faute de crédits.
En pleine crise du logement, vous demandez aux locataires les plus modestes de pallier vos propres insuffisances.
Avec votre politique de désengagement, ce n’est plus la solidarité nationale qui va financer la politique du logement, ce sont les plus modestes qui vont payer pour les plus pauvres. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ma question est donc simple…
M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement.
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Le logement, madame la députée, est une priorité du Gouvernement et la lutte contre le mal-logement est l’une des priorités de cette majorité. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Oui, nous avons financé 120 000 logements sociaux cette année quand vous en faisiez 50 000 par an. Oui, l’hébergement est une priorité de ce gouvernement, nous avons augmenté de 20 % le nombre de places d’hébergement. La politique que nous conduisons vise à amener l’ensemble des sans-abri vers le logement, avec une politique d’hébergement ambitieuse et une politique de production de logements qui touche l’ensemble des secteurs : le logement social, le logement libre et l’accession à la propriété.
Ces engagements ont été répétés par le Président de la République, par le Premier ministre à l’occasion de son discours de politique générale. Oui, on n’a jamais aussi bien fait en matière de logement qu’avec cette majorité. C’est une révolution en la matière. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Filière laitière coopérative
M. le président. La parole est à M. Jean Grellier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean Grellier. Monsieur le ministre de l'agriculture, la récente crise de la filière laitière a frappé prioritairement les producteurs, qui ont du mal à connaître les niveaux de prix et de marges des structures de la transformation et de la distribution, ce qu’accentuent les phénomènes de concentration, y compris parmi les coopératives, qui échappent de plus en plus au contrôle des producteurs.
Yoplait, filiale industrielle du groupe coopératif Sodiaal qui regroupe 8 500 producteurs, a été recapitalisée à hauteur de 50 %, en 2002, par le fonds d'investissement PAI Partners, lequel souhaite désormais sortir du capital dans des conditions financières qu’il serait intéressant de connaître.
Plusieurs industriels privés seraient intéressés par le rachat de Yoplait : Nestlé, le groupe Lactalis, le chinois Mengniu, General Mills et quelques autres.
Cette évolution pourrait être comparée avec ce qui vient de se passer dans le secteur de la viande bovine. La coopérative Socopa a été absorbée par le groupe Bigard, sans susciter de réaction de la part du secteur coopératif, de la profession ou des pouvoirs publics.
Or que constate-t-on à présent ? Des effets négatifs pour les producteurs car un quasi-monopole impose ses prix ; les producteurs ont dû bloquer des abattoirs pour gagner quelques centimes d'euro sur les prix à la production.
Monsieur le ministre, il ne faudrait pas laisser se renouveler la même opération dans un secteur laitier déjà en crise. Il est nécessaire de garder un secteur coopératif fort, même si des efforts doivent être réalisés afin de retrouver les vraies valeurs coopératives.
Compte tenu des nouvelles orientations possibles de la PAC, le secteur coopératif constitue un modèle économique efficace pour porter une agriculture à taille humaine, bien répartie sur les territoires, soucieuse de l'environnement et génératrice de valeur ajoutée.
Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement concernant ce dossier important pour la filière laitière coopérative ? Êtes-vous décidé à faire en sorte que les conditions financières de sortie de PAI Partners ne soient pas abusives, puisque les plus-values échapperont à coup sûr aux producteurs ?
Êtes-vous décidé à agir pour sauvegarder cette filière laitière coopérative en aidant à une recapitalisation de Yoplait, par exemple par le Fonds stratégique d’investissement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. Monsieur Jean Grellier, je partage totalement votre raisonnement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
D’ailleurs, le Gouvernement a démontré sa volonté de maintenir un équilibre dans la filière laitière entre un secteur industriel privé compétitif, performant, comptant de grandes entreprises telles que Danone et Lactalis, et un secteur coopératif qui a toute sa place, en lequel nous croyons et auxquels les producteurs participent.
C’est ainsi que le Gouvernement a apporté son aide au projet de fusion entre le groupe Entremont – qui rencontrait des difficultés – et la coopérative Sodiaal, donnant naissance à un groupe coopératif qui occupe la sixième place européenne et la onzième place mondiale dans le classement des entreprises laitières.
Oui, nous croyons à la coopération.
Le changement d’actionnariat de Yoplait est une opération privée que nous observons avec attention. Nous souhaitons avant tout défendre l’intérêt des producteurs de lait en France. Le Gouvernement se fixe ce cap : faire en sorte que le revenu des producteurs de lait soit équitable, décent, tout en conservant une industrie laitière – qu’elle soit coopérative ou privée – qui compte parmi les plus importantes en Europe et dans le monde.
Vous pouvez compter sur le Gouvernement et sur le ministre de l’agriculture pour faire en sorte qu’en la matière, comme lors des opérations précédentes, nous évitions des concentrations excessives qui pourraient se faire au détriment des producteurs.
Vous pouvez compter sur nous pour continuer à défendre, comme nous le faisons depuis plusieurs mois, l’intérêt et les revenus des producteurs de lait. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mercredi 01 décembre
Déserts médicaux
M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Christian Paul. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, les déserts médicaux sont devenus dans nos territoires une angoisse pour de très nombreux Français, dans le monde rural, mais aussi dans beaucoup de quartiers de nos villes.
Ce sont des cantons sans médecins, des attentes de plus d'un an pour la consultation des spécialistes, des hôpitaux de proximité privés de services vitaux, d'urgences ou de maternité.
Face à ce drame, nous faisons ici, depuis des années, le même constat terrible : les incitations financières ne suffisent pas, il faut une refondation de notre système de santé, il faut réformer la formation et moderniser en profondeur les missions, les rémunérations et les conditions d'exercice.
Monsieur le ministre, il faut aussi le courage politique d'une régulation des installations. Le laisser-faire n'est plus possible, la liberté d'installation absolue ne doit plus être un dogme car il faut limiter, plafonner les installations dans les zones bien dotées, parfois trop dotées, en médecins. Ce n'est pas, comme vous nous le reprochez parfois, une intention de coercition brutale ; c’est de la régulation des installations, au nom de l'intérêt général. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Face au drame des déserts médicaux, les professionnels tentent de s'organiser et les collectivités construisent des maisons de santé. Mais que fait le Gouvernement ? Rien de neuf, rien d’ambitieux et rien de sérieux. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il fait de la politique spectacle (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), comme le Président de la République, ce matin, à la reconquête électoraliste du corps médical que vous avez déçu. (Mêmes mouvements.)
Vous faites des rapports, toujours des rapports, comme celui de madame Hubert, dont le diagnostic confirme, certes, le problème, mais dont l'ordonnance bien tiède n'est pas à la hauteur.
Alors, monsieur Bertrand, cessez de faire l'historique du problème – vous le faites depuis huit ans –, prenez à cœur cette question pour assurer enfin aux Français une égalité réelle d'accès aux soins et à la santé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur Christian Paul, quel dommage que vous n’ayez pas été là, ce matin, à Orbec, car vous auriez pu saluer certains de vos amis politiques qui y accueillaient le Président de la République. Je les ai même vus acquiescer en écoutant les propos de Nicolas Sarkozy sur la médecine de proximité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voulez-vous que je vous donne des noms ? Je les tiens à votre entière disposition et Mme Norra Berra pourra vous confirmer mes propos. (Mêmes mouvements.)
La santé n’est pas une question de gauche ou de droite, mais la gauche et la droite ont le droit d’avoir des opinions différentes. Monsieur Paul, je ne partage pas vos opinions en la matière. Il faut appeler les choses par leur nom : votre limitation, ou votre régulation, est en fait de la coercition, de l’obligation (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC),…
M. Christian Paul. Pas du tout !
M. Xavier Bertrand, ministre. …ce qui est en contradiction avec l’exercice libéral de la médecine.
C’est à croire que vous n’avez toujours pas compris que l’on marche bien sur ses deux jambes. La médecine marche sur une jambe publique et sur une autre libérale ; il faut les prendre en compte toutes les deux. Je serais d’ailleurs très étonné que vous n’ayez pas un discours différent de celui que vous venez de tenir dans l’hémicycle, au nom de l’idéologie, quand vous adressez aux médecins libéraux dans votre circonscription. Voilà aussi la vérité du parti socialiste ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Si l’on mettait en place vos propositions, il y aurait dans quelques années une crise des vocations. Vous pourriez toujours jouer sur le numerus clausus ; les jeunes se détourneraient des études médicales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Paul Bacquet. C’est faux !
M. Xavier Bertrand, ministre. Si vous voulez nous accompagner dans le plan que nous mettrons en place dans les semaines qui viennent, libre à vous. Mais laissez-moi vous dire que l’ordonnance du parti socialiste en matière de médecine de proximité est tout sauf bonne, et, au fond de vous, vous le savez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)