Le site officiel
Actualités

› Voir toutes les actualités

Toute l'actualité de Jean Dionis

01/03/2011 - Explications de vote de la PPL neutralité de l'internet : trop hâtive, trop partielle, mais débat majeur.

Publication : 01/03/2011  |  00:00  |  Auteur : Jean Dionis

Pour revoir la vidéo de l'intervention de Jean Dionis à l'Assemblée nationale sur la neutralité de l'Internet: http://www.dailymotion.com/neutralite-du-net
Veuillez trouver le texte de l'intervention de Jean Dionis ci-dessous:
Discussion Générale

PPL Neutralité de l’Internet

Jean Dionis du Séjour, porte parole du groupe Nouveau Centre

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers collègues,

Le groupe centriste remercie le groupe SRC et notre collègue Christian Paul de permettre à notre Assemblée de lancer le débat sur la neutralité du net.

Cette proposition de loi est en effet complémentaire de la mission d’information de la commission des affaires économiques.

Nous ne doutons pas que l'ensemble de ces initiatives convergera prochainement vers une loi fondatrice du nouvel Internet du 21 ième siècle.

Justement, quel est-il cet Internet du début du 21 ième siècle ?

Le débat de la neutralité du net apparaît aux USA au début des années 2000 à la suite de conflits opposant des FAI à des câblo-opérateurs en situation de monopoles locaux.

Cependant, tout autre est le contexte européen. Le déclencheur du débat en Europe est clairement l'explosion de l'Internet mobile et les perspectives de saturation sur ce réseau et l'une des critiques positives que nous adressons à la PPL de notre collègue, c'est de ne pas avoir clairement analysé ce déséquilibre et proposer des réponses législatives adaptées.

Aujourd’hui, l’internet qui se dessine, est un réseau qui va devoir répondre à un déséquilibre entre offre et demande, au moins sur l internet mobile.

Nous centristes, en tout cas, souhaitons un texte qui prenne acte de ce besoin de gestion éclairé.

Si cette question est grandissante, c’est que le débat autour de la neutralité du net tient pour beaucoup à l’augmentation constante des besoins de capacité et ceci notamment du fait de la croissance exponentielle de la consommation d’images vidéo et de la multiplication des interfaces consommateurs (liseuses, smartphones, etc...).

Et l’amélioration des techniques de transmission ne nous exemptera pas de ce débat. Le débat est urgent car il s’agit d’une question économique mais aussi sociétale.

Et dans cette perspective incontournable, votre texte s’attache surtout aux fournisseurs d’accès. Or, la neutralité de l’internet ne saurait se réduire à un objectif de non discrimination par les FAI dans l’acheminement du trafic sur le réseau Internet public.
En effet, elle est plus large et doit inclure les pratiques de la part des moteurs de recherche, des éditeurs et des intermédiaires techniques.

Nous ne voyons pas dans votre texte se dessiner l'architecture d'avenir qui doit se décomposer en un internet public, service universel, reconnu comme utilité essentielle et les services gérés proposés de manière commerciale par chacun des prestataires techniques de l'Internet.

Or, plus que des contraintes à poser aux FAI, c'est de cette architecture qu'il convient de parler. Un certain nombre de principes essentiels pour la neutralité du net ne sont pas posés dans votre PPL, à savoir le refus de la différenciation des flux, que ce soit par le contenu, par le destinataire ou par l'émetteur sur l'internet public.

Quelle définition de qualité de service minimal pour l'Internet public? Quelle réglementation pour les services gérés pour éviter toute discrimination inacceptable? Voilà quel est le débat central!

Or il est absent de votre proposition de loi et c'est d'abord pour cette absence que nous ne la soutiendrons pas alors même que les centristes font de la définition d'un Internet public reconnu comme service universel, notamment au niveau européen, un de leurs combats majeurs pour les années à venir.

Ce n'est pas au moment où les révolutions des peuples arabes nous rappellent tous les jours à quel point internet peut être mobilisé au service de la démocratie, qu'il nous faut baisser la garde dans ce domaine.

Enfin, votre PPL est muette sur les enjeux de financement du déploiement des capacités nécessaires pour répondre à la demande croissante de bande passante pour l'internet mobile et plus largement de réseau. Quel partage de la valeur ajoutée à un moment où celle-ci est captée de manière prépondérante par les services (moteur de recherche, réseaux sociaux.....)?

Enfin, la PPL pose la question des dispositifs de blocage et de filtrage de certains contenus.

Le filtrage sous seule autorité judiciaire, voici la bonne perspective pour les centristes. Nous l'avons d'ailleurs défendu avec constance lors de l'examen des lois DADVSI, hadopi et Lopssii 2. Nous sommes heureux de voir se créer sur tous les bancs de ce parlement un consensus autour de la nécessité de faire appel à l'autorité judiciaire avant tout mise en oeuvre de filtrage des contenus. Cette Ppl sur ce point participe heureusement à la construction de ce consensus auquel nous appelons le gouvernement à participer.

Alors oui, les Centristes seront des militants de la neutralité du Net jusqu'à ce qu'elle trouve une traduction législative forte.

La question posée ce jour est bonne.Mais la réponse est trop hative et partielle.

Nous ne voterons donc pas cette PPL.

Les réactions

Tout est dans tout, et réciproquement

Je suis en désaccord avec ce que vous exprimez dans cette explication de vote. Je suis bien conscient que c'est une position de groupe (le groupe centriste), et pas une position individuelle. Il n'empêche, le texte est là, et je répond au texte.

Vous objectez essentiellement trois points à la proposition de loi de C. Paul: trop restreinte parce qu'elle ne parle que du réseau, trop partielle parce qu'elle ne traite pas la question de l'investissement, trop partielle encore parce qu'elle ne traite pas de l'engorgement du réseau.

Or, ce sont pour moi les principales qualités de ce texte. Et pour certains éléments, vos objections relèvent de l'erreur d'analyse.

D'abord les erreurs d'analyse: vous considérez que le texte ne parle pas de services gérés, alors qu'il en parle au contraire beaucoup. Vous auriez du mieux le lire, et mieux l'étudier. En effet, il ne fait que parler de réseaux ouverts au public, en référence aux définitions du CPCE. Or ces réseaux ouverts au public, ce n'est pas Internet. C'est n'importe quel réseau dont le public peut se servir pour communiquer. Ça englobe par exemple le réseau téléphonique. Les services gérés sont donc, sans contestation possible, des réseaux ouverts au public. La proposition de loi de C. Paul traite donc des services gérés, et leur impose une forme de réglementation de base, à savoir qu'ils doivent être neutre.

Ensuite, nos disvergences sur les limitations que vous voyez dans ce texte.

Premier point: il ne parlerait que des fournisseurs d'accès. Factuellement faux. Il ne parle que des opérateurs de réseaux ouverts au public, ce qui est extraordinairement plus vaste que les fournisseurs d'accès. Ça concerne tous les opérateurs fabriquant du réseau, aussi bien les transitaires que les FAIs, ou encore les fournisseurs de service qui opèrent leur propre réseau (et sont en quelque sorte leur propre FAI). Donc, si je traduis, vous reprochez à ce texte de ne parler que des opérateurs de réseau. Il me semble, à moi, que pour définir la neutralité du réseau, il n'est pas nécessaire de parler de quoi que ce soit d'autre. La neutralité du réseau, c'est une question qui ne peut être posé que pour les gens qui fabriquent du réseau. Et il n'est question que de leur interdire la discrimination sur le fragment du réseau qu'ils opèrent.

Que la question de la neutralité du réseau s'inscrive dans un cadre plus vaste, qui est la question de la neutralité des intermédiaires techniques, j'en suis le premier d'accord, et c'est tout le sens de la réponse que FDN a faite à la consultation de NKM sur le sujet. Que la question de la neutralité des moteurs de recherche, ou des terminaux de consultation, soit un autre aspect de cette neutralité des intermédiaires techniques, je suis d'accord. Mais l'objet de la proposition de loi était la neutralité des réseaux. Et tant que son objet est celui-là, alors, les questions de moteur de recherche, ou de terminal d'utilisation, sont exclues, sauf à la marge: le réseau ne doit pas empêcher le choix du moteur d'accès, ni le choix du terminal. Que le moteur d'accès ne doive pas déformer l'information, c'est un autre sujet. Que le terminal d'accès ne doive pas forcer les choix des utilisateurs, c'est un autre sujet. Relié, connexe si l'on veut. Mais distinct.

Sur le sujet de la neutralité du réseau, il semble se faire un consensus entre les parlementaires. Sur ce sujet-là, sur ce point très précis du débat, il se dégage des lignes fortes. Et pour moi, elles sont bien présentes dans le texte de C. Paul. Ce texte ne peut pas prétendre à être aussi fondateur que la déclaration des droits de l'homme. Mais il marque une étape dans une réflexion. Quand on veut éviter les révolutions, on fait en sorte d'évoluer, ça évite les accoups. Pour moi, ce texte est une étape, intéressante. Je suis donc en désaccord avec vous sur ce point: le fait qu'il ne traite que du réseau est un avantage formidable, pas un défaut du texte.

Second point: il ne traite pas la question de l'investissement. Je ne suis que partiellement d'accord. La question de l'incitation à l'investissement n'a pas à être dans la loi, on ne va tout de même pas imposer par la loi des montants d'investissement aux opérateurs. Par contre, la loi doit être pensée pour que la structure réglementaire tende à favoriser les comportements économiques vertueux. Or, justement, défendre la neutralité du réseau, et l'imposer par la loi, c'est orienter le comportement économique. Les opérateurs ont le choix entre valoriser la pénurie, d'un côté, ce qui incite au sous-investisement, ou gérer la croissance, ce qui incite à l'investissement. Si la valorisation de la pénurie est découragée par la loi, voire idéalement interdite, alors on traite bien la question de l'investissement. En creux, certes.

Mais ce n'était pas une proposition de loi visant à favoriser l'investissement dans le déploiement de réseau fibre. Ça, ça viendra probablement. Très certainement dans le Plan Numérique 2017 des prochains candidats à la présidentielle, au moins. Mais ce n'était pas l'objet de la loi. Peut-être que les textes autour de la loi auraient du mieux traiter ce sujet, je ne saurais pas dire. Je n'ai en tête que la proposition de loi, et pas les argumentaires présentés par C. Paul.

Troisième point: vous reprochez au texte de ne pas traiter les engorgements des réseaux. Or il me semble, justement, que le texte en traite. Plus exactement, qu'il en traite autant qu'il faille en traiter. L'engorgement des réseaux est un phénomène ponctuel, fondamentalement technique, et très limité. Comme vous le soulignez, le seul engorgement chronique qui soit à craindre est l'engorgement des réseaux mobiles, et ce uniquement à court terme. En effet, les évolutions techniques permettant de traiter cet engorgement sont nombreuses, et apparaîtront de manière naturelle sur le réseau. Pour n'en citer que deux: l'évolution de modes de connexion, pour privilégier des accès Wifi de proximité plutôt que les accès UMTS plus rares, et les ré-encodages de contenus pour tenir compte du terminal utiliser, pour réduire la bande passante consommée par la vidéo. Sans même parler des investissements pour améliorer la couverture, pour passer à de nouvelles générations de réseau, etc.

Cette question est fondamentalement technique, et donc d'évolution très rapide. Il me semblerait très mauvais de mettre dans la loi le traitement d'un engorgement ponctuel, valable en 2011, et qui n'aura plus de sens dans quelques temps. Que la loi doive prévoir les mécanismes d'ajustement à de pareils cas ponctuels, et que ces mécanismes soient sous contrôle du régulateur, ça me semble sain. Mais pour corriger un tel oubli, l'amendement était une solution valable.

Reste une objection de fond, avec laquelle je suis d'accord: il est trop tôt. D'autres travaux sont en cours sur le sujet. Qui apporteront d'autres éléments. Avec cette objection-là, je suis d'accord. Mais reconnaissez qu'elle est faible. On pouvait très bien envisager d'adopter ce texte, ou une version modifiée suite au travail parlementaire, comme étant un point d'étape, une première pierre.

L'actuelle majorité, dont vous êtes, préfère, si on s'en réfère à l'avis du ministre, attendre le mois de novembre 2011. C'est tout particulièrement dangereux. On sera alors en pleine campagne pour les prsidentielles. Donc l'enjeu pourra paraître moins important aux parlementaires, et chacun sait que les périodes pré-électorales ne sont pas propices aux débats de fond. Je redoute, pour ma part, dans ce calendrier là un débat catastrophique, avec un affrontement droite/gauche plus stérile que jamais. Et avec probablement encore plus d'erreurs que celles comises dans les débats sur Hadopi. Mais vous savez ces choses mieux que moi.

Il vous incombe alors, ayant rejeté le texte de C. Paul plutôt que de l'amender, de faire en sorte que le débat ait vraiment lieu, qu'une loi soit vraiment votée. Et elle a intérêt à être meilleure que celle proposée par C. Paul. Le mieux est souvent l'ennemi du bien. Le texte de C. Paul était bon. Saurez vous en faire un meilleur?

Réagir à cet article

Filtered HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Tags HTML autorisés : <a> <em> <strong> <blockquote> <ul> <ol> <li> <p> <br>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.