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Les réflexions d'un élu engagé au service de sa ville et de son territoire

Loi Bioéthique : Pourquoi je vais la voter

Publication : 14/02/2011  |  01:04  |  Auteur : Jean Dionis

Les débats sur la loi bioéthique sont maintenant terminés. Je me suis exprimé à la tribune de l’Assemblée nationale sur ce sujet ô combien sensible et personnel (lire http://www.jeandionis.com/info.asp?id=1292 ) et j’ai participé au début des débats mardi et mercredi soir. La visite du garde des Sceaux – M.Mercier - à Agen, jeudi, ne m’a pas permis d’ y participer Jeudi, quand se sont débattus l’essentiel des questions importantes. Je le regrette profondément. Mais Twitter m’a aidé à suivre heure par heure les débats et décisions de mes collègues. ….et les travaux parlementaires ne font que commencer. La loi va maintenant partir au Sénat…. et reviendra à l’Assemblée sans doute pour une deuxième lecture. Nous voterons Mardi après-midi, lors d’un vote solennel , sur le texte tel qu’il ressort de nos travaux en 1ère lecture.

Que faire ? quel doit être mon vote sur ce texte non tel que je le rêve ou le redoute, mais tel qu’il est , après nos débats et nos votes amendement après amendement ? Pour l’essentiel, nos travaux ont été prudents et la loi de 2004 n’a pas subi de bouleversements majeurs. Je renvoie ceux d’entre vous qui souhaitent faire un bilan d’étape (n’oubliez pas que ce n’est que la 1ère lecture à la bonne synthèse qu’en a fait le journal la « Croix » http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2455307&rubId=4076)

Mais au moment de me décider en conscience quant à mon vote, je sais qu’il me faudra trouver le meilleur compromis possible entre l’éthique de conviction fondée pour l’essentiel sur ma foi chrétienne et l’éthique de responsabilité que doit avoir le législateur d’un grand pays laïc comme la France qui doit faire vivre ensemble, en une seule et même nation, des citoyens aux convictions et aux situations personnelles très diverses. Max Weber, le grand sociologue allemand, auteur d’un livre point de repère, l’essor du protestantisme, a forcément raison lorsqu’il appelle les acteurs politiques à mettre en tension l’éthique de conviction qui ne se préoccupe que du principe moral présidant à l'action sans se soucier des conséquences et l’éthique de responsabilité, selon laquelle seul compte le résultat. Aux acteurs politiques, il demandait d'être mus à la fois par l'éthique de conviction et par l'éthique de responsabilité, qui accepte de prendre conscience des risques qu'entraîne logiquement toute décision et s'appuie sur une estimation raisonnée des conséquences prévisibles. …et Max Weber a forcément raison.

L’éthique de conviction qui est la mienne m’amené à mettre en avant les positions suivantes dans ce débat:

1 – Nous devons combattre de toutes nos forces les dérives eugénistes qu’elles prennent le masque de la contrainte financière ou de l’accompagnement de personnes qui ne seraient pas en situation de faire le bon choix pour elles ou pour leur famille. L’illusion d’un monde sans handicap de naissance est une illusion mortelle : nous naissons imparfaits et mortels. Les parents éventuellement renseignés par un diagnostic prénatal d’une maladie de leur enfant à venir, doivent pouvoir choisir librement –et là, le contact avec les associations de parents d’enfant ayant la même maladie est impératif – de le garder ou non.

2- Tout doit être fait pour que les enfants à venir aient des parents « durables ». Cette obligation de moyen doit être un impératif de notre société. J’entends, je connais la réalité de la fragilité des couples modernes (1 couple sur 2 divorce en France en milieu urbain), mais l’honnêteté doit compléter cette réalité d’une réalité conséquente : à savoir la souffrance des enfants de parents séparés dont 59 % disent dans un récent sondage qu’ils ont vécu cette séparation comme un abandon. La loi doit aussi pouvoir dire ce qu’une société veut pour elle-même. Et il m’est paru légitime de réserver la formidable avancée technique et humaine qu’est l’assistance médicale à la procréation aux couples ayant un projet parental stable. Pour moi, le mariage s’il n’est pas une assurance stabilité, exprime pour le moins une parole publique donnée dans ce sens et a donc une valeur supérieure dans ce domaine au PACS et au concubinage. Cette conviction m’a fait également m’opposer au transfert d’embryon post mortem, adopté par notre assemblée malgré l’opposition du gouvernement. Le droit de l’enfant (en l’occurrence d’avoir un père) doit pour moi toujours primer au droit à l’enfant pourtant si humain.

3- Enfin, j’ai pris position pour qu’à l’instar de l’Allemagne et de l’Italie, la France accepte de mettre en œuvre l’AMP sans produire d’embryons surnuméraires. Car, j’ai la conviction absolue de la continuité de la vie de l’embryon à l’homme et que cette continuité nous impose le respect de l’embryon. L’Assemblé n’a pas retenu cette volonté.

Pourtant, je vais voter cette loi…à cause de l’éthique de responsabilité :

1 – Je n’ai pas envie de mêler ma voix avec ceux qui vont la rejeter parce qu’elle n’a pas accepté les mères porteuses ou l’accès à l’AMP aux parents homosexuels. L’ambiguïté n’est pas de mise sur un tel texte. Les débats au Parlement ont fait apparaître des clivages très importants dans ce domaine et j’en ressors avec la conviction que la bioéthique sera un des enjeux majeurs de l’élection présidentielle 2012. La gauche en effet se prépare à des lois de rupture si elle gagne en 2012. Nous en reparlerons.

2- Cette loi est un compromis. Compromis politique entre la majorité parlementaire et son opposition, mais compromis aussi entre ceux qui, comme moi, donnent la priorité aux enjeux de respect de la dignité humaine et ceux qui ont la volonté de chercher et de soigner toutes les causes d’infertilité. La France est un grand pays laïc où les opinions sont diverses et où il est préférable d’avoir une vraie loi de compromis qu’une loi trop tranchée qui amènerait inévitablement la multiplications des comportements de contournement, notamment en allant à l’étranger bénéficier de législations plus laxistes que celle de la France (Espagne, ….). Et nous retrouvons ici l’éthique de responsabilité, chère à M.Weber.

Mardi, je voterai donc pour cette loi. Car elle est un point d'équilibre acceptable entre mes convictions personnelles et les contraintes du législateur sur les enjeux principaux soulevés. Les avancées technologiques doivent nous permettre de dépasser certaines souffrances comme celle de la stérilité. En aucun cas, nous ne devons les détourner à des fins qui ne donneraient pas la priorité à la vie et à l’enfant.

En bioéthique, spécialement, nous sommes tous les élèves de M.Weber.

@ vos claviers pour un vrai dialogue entre nous.

Amitiés,

Les réactions

BIOETHIQUE

Merci Jean pour ta position lumineuse, courageuse (qui ne m'étonne pas) et équilibrée sur ce sujet si ultra sensible et difficile. Merci pour ta mesure et ta pré-annonce de ce que sera ton vote malgré tes insatisfactions. Ton attitude reflète bien pour moi ce que peux (doit ?) faire un chrétien en politique.
Amitié.

auxiliaire

Monsieur le député français, le verbe paraître se conjugue avec l'auxiliaire avoir, le verbe apparaître avec l'auxiliaire... être! Donc, de deux choses l'une: soit il vous "est" apparu légitime de réserver la formidable avancée... soit il vous "a" paru... Mais au-delà de la syntaxe, songeons-y: paraître est de l'ordre de l'avoir, mais apparaître de celui, tellement plus subtil, de l'être...
Mais si la faute n'était que de français, ce serait bien.
Pour le droit de l'enfant, il faut arrêter de se voiler la face, nos enfants ont besoin de sécurité, et les couples homoparentaux sont formés d'êtres tout aussi aimants, protecteurs, responsables, tournés vers l'avenir de leur enfant que les autres... si ce n'est plus.
Les enfants de parents qui divorcent: quand le couple hétérosexuel divorce, se sépare, marié ou pas (de moins en moins marié), mais l'enfant de ce couple perd de vue sa raison d'être, le projet parental explose avec le couple et l'enfant est le grand perdant. Une deuxième chance de foyer aimant, sécure, bi-parental est alors réconfortant pour le ou les parents et plus encore pour les enfants. Si c'est un couple homo, que nous importe? C'est une chance dont bénéficient les enfants de plusieurs pays d'Europe. Pas les nôtres. Dommage, pour eux surtout! Et puis une maman ou un papa qui sourit de nouveau, que ce soit dans les bras d'une personne d'un autre sexe ou du même que lui, c'est le soleil qui renaît pour l'enfant!
Si j'aime une autre femme, j'aime l'enfant qui est né d'elle, non? J'y suis passée, par ce que chante une chanson trés démodée de Serge Lama, "c'est elle qui est partie, et c'est lui qui me manque, ce tout petit garçon qui n'était pas de moi, mais qui avait su lier mon âme saltimbanque...".
Sans parler de ce que ressentent les enfants: qui pense à leur droit à construire du lien avec un ou des parents non-biologiques? Et à voir reconnu et protégé ce lien?
Pardon si je semble un peu confuse, mais le sacrifice perpétuel des gamins sur l'autel de nos égoïsmes d'adultes, ça fait trop longtemps que je le vois se répéter. Que les enfants semblent avoir une faculté d'oubli ou de reconstruction hors du commun, ne nous amende pas.
Vive l'égalité! Valérie

bioéthique

Monsieur le Député,
En tant que pasteur, j'ai apprécié votre position dans ce débat délicat des questions bioéthiques et je ne peux que vous encourager, malgré le petit nombre de députés qui soutiennent les mêmes valeurs, à faire entendre la voix des plus faibles qui risquent d'être de plus en plus traités comme des objets d'expérimentation médicale.
Merci pour votre engagement

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