Dans deux semaines, dans la moitié des départements Français, dont le mien, le Lot-et-Garonne, auront lieu les élections sénatoriales. Or, le rôle du Sénat est méconnu du grand public et sur le terreau de cette ignorance civique, prospère le sentiment confus et dangereux d’une certaine inutilité du Sénat. « A quoi sert le Sénat ? » Pouvons-nous lire et entendre dans ces temps très critiques de nos institutions démocratiques.
Eh bien, avec cette chronique, je veux prendre la défense de cette institution, constitutive de notre Parlement national et me permettre de dire ce que j’attends d’elle.
A quoi sert le Sénat ?
Il y a d’abord une réponse constitutionnelle à cette question symptomatique du scepticisme ambiant. L’article 24 de notre Constitution définit la nature bicamérale (2 chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat) du Parlement Français et affirme :
« Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques.
Il comprend l’Assemblée nationale et le Sénat.
Les députés à l’Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct.
Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République… »
Notre constitution est claire. Les Sénateurs sont des parlementaires à part entière. A ce titre, ils remplissent plusieurs fonctions essentielles :
1. La représentation des collectivités locales : Le Sénat assure une représentation équitable des différentes Régions, Départements et Communes de notre pays. Il permet ainsi de prendre en compte les intérêts et les spécificités de chaque territoire, en mettant en place un système de représentation différent de celui de l'Assemblée Nationale (corps électoraux différents, calendriers d’élection décalés).
2. L’examen et modification des lois : Les sénateurs ont pour responsabilité centrale d'examiner les projets de loi proposés par le gouvernement ou par les députés. Ils peuvent également faire des proposition de lois, apporter toutes modifications, amendements ou suggestions qu’ils jugent utiles afin d'améliorer les textes législatifs. Cette fonction permet d'enrichir les débats et de prendre en compte un large éventail de perspectives et, finalement, d’améliorer la qualité des lois produites par notre parlement.
3. Contrôle de l'exécutif : Le Sénat joue également un rôle de contrôle de l'exécutif, équivalent à celui de l’Assemblée nationale. Il peut interroger les membres du gouvernement, demander des comptes sur leurs actions et les politiques mises en place. Ce contrôle contribue à une plus grande transparence et responsabilité de l'exécutif.
4. Stabilité et continuité : plus déconnecté de l’élection présidentielle que l’Assemblée Nationale, le Sénat offre une certaine stabilité et une continuité dans le processus législatif. Les sénateurs, souvent élus pour des mandats plus longs que les députés, peuvent apporter une expertise et une expérience précieuses, contribuant ainsi à une prise de décision plus réfléchie et à une meilleure élaboration des lois.
Au final, que faut-il penser de notre système bi caméral ? Et bien, en tant qu’ancien député (2002-2012), ayant été rapporteur d’un projet de loi important, la LCEN, (loi de confiance dans l’économie numérique qui transposait les directives européennes concernant l’internet commercial dans la loi française), j’ai travaillé pendant plus de deux ans avec le Sénat avant l’adoption définitive de cette loi et je veux porter témoignage que ce long chemin de distillation législative (plusieurs lectures, navettes entre Sénat et Assemblée nationale, commission mixte paritaire) est garant de la qualité législative de notre pays.
Alors pourquoi ce sentiment diffus d’archaïsme et d’inutilité dans l’opinion publique ?
Je vois, pour cela, deux raisons très différentes.
La première est que de nombreux élus, dont des sénateurs, personnalités continuent à faire croire que les sénateurs peuvent être aussi des acteurs importants du développement local. Or toute l’évolution récente des mandats de parlementaires – députés comme sénateurs - a été construite pour mettre de la distance entre les parlementaires et les élus locaux : suppression du cumul des mandat, suppression de la réserve parlementaire qui permettait à ceux-ci d’aider associations et communes… Bref, aujourd’hui, les sénateurs, comme d’ailleurs les députés, n’ont ni le temps, ni les moyens de régler des problèmes locaux. Personnellement, je crois que la fonction sénatoriale gagnerait en crédit si elle s’assumait pour ce qu’elle est, à savoir exclusivement une fonction parlementaire. C’est d’ailleurs à partir de ce constat que je conseille à tous mes collègues grands électeurs de voter en fonction de leurs convictions politiques nationales et d’enjeux nationaux et non pas en fonction de quelconque considération locale.
En ce qui me concerne, et en cohérence, je voterai donc pour des candidats qui soutiendront l’action de l’actuelle majorité présidentielle.
La deuxième raison du doute de l’opinion publique n’est pas le monopole exclusif du Sénat. C’est clairement l’affaiblissement du pouvoir du Parlement, Assemblée nationale et Sénat réunis, par rapport à celui du pouvoir exécutif et plus spécialement du pouvoir du Président de la République.
J’ai déjà écrit, dans ce blog, pourquoi il devenait urgent de redonner du pouvoir au Parlement par le biais d’une vraie réforme constitutionnelle (retrouvez ma chronique en cliquant ici). Les Français ressentent confusément l’affaiblissement du Parlement et c’est d’abord le Sénat qui est touché par cette perte de crédit, puisqu’en cas d’avis divergent entre les deux chambres, le dernier mot reste légitimement à l’Assemblée nationale.
En attendant, il faut bien vivre et que la France fonctionne… et le Sénat a un rôle important dans ce bon fonctionnement de nos institutions.
Je souhaite donc à tous mes collègues grands électeurs d’élire le 24 Septembre, pour sénateurs et de sénatrices, des femmes et des hommes qui seront d’excellents parlementaires !
Vive le Sénat, vive le Parlement !
@+,
Jean Dionis
Maire d’Agen