La mosquée d'Agen a été inaugurée ce samedi 14 janvier par l'Association cultuelle des Musulmans de l'Agenais et par son Imam, Mohamed DAYMA, en présence des autorités civiles et religieuses de la Ville d'Agen. J'y ai représenté la Ville d'Agen et son Conseil Municipal.
Au-delà de l'aspect protocolaire, cette inauguration restera une date importante dans l'histoire de la communauté musulmane Agenaise. Cette histoire est celle de sa longue marche qui l'a fait passer d'une quasi-clandestinité dans les années 1990, symbolisée par la salle de prières "cachée" de la rue saint-Fiary à la mosquée d'Agen actuelle, belle, accessible et bien intégrée dans son quartier de la rue du Jourdain, frontière entre les deux communes d'Agen et de Bon-Encontre…
Lors de cette inauguration, j'ai prononcé un discours qui porte témoignage de cette longue marche et de toutes celles et tous ceux qui ont permis la construction de cette Mosquée, à l'intérieur de la communauté musulmane et à l'extérieur, et notamment à la Mairie d'Agen, en la personne du Dr Paul CHOLLET, maire d'Agen de 1989 à 2001.
Ce discours part de l'aventure qu'a été la construction de cette mosquée, et au-delà d'elle, témoigne du cheminement de la communauté musulmane et de la Ville d'Agen pour faire vivre, chez nous, à Agen, le beau projet de laïcité républicaine.
Ce projet est un équilibre entre les droits inaliénables des citoyens de choisir librement leur culte religieux et leurs devoirs de neutralité religieuse dans l'espace public (les services de notre fonction publique, nos écoles, nos rues, etc.).
Ce projet de laïcité républicaine est plus que jamais d'actualité. C’est pour cela que j'ai plaisir à partager avec vous le texte de ce discours et à avoir avec celles et ceux qui sont intéressées par ces enjeux un dialogue approfondi.
Bonne lecture à toutes et à tous,
A votre disposition pour dialoguer avec vous,
@+,
Jean DIONIS
Maire d'Agen
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Discours Jean DIONIS : Inauguration de la Mosquée d'Agen
Madame la Sous-Préfète,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur l’Imam de la mosquée d’Agen, cher Mohamed
Monsieur le Président de l’Association des Musulmans d’Agen, cher Messaoud
Messieurs les représentants des cultes agenais,
Ce samedi 14 janvier 2023 restera une date importante. Une date importante bien sûr pour vous, chers amis de la communauté musulmane d’Agen mais aussi une date importante pour la Ville d’Agen et pour tous les agenais.
Date importante parce que c’est une étape cruciale dans l’histoire de la longue marche de la communauté musulmane d’Agen.
Cette marche vous a mené de la quasi-clandestinité, dans les années 1990, de la salle rue Saint Fiary, derrière l’Eglise Sainte-Foy, en face de la gare, à la visibilité entière d’aujourd’hui, en 2023, rue du Jourdain.
Monsieur le Président, cher Messaoud, Monsieur l’Imam, cher Mohamed, je vous remercie du fond du cœur d’avoir organisé cette inauguration, parce qu’il y a des moments où il faut savoir s’arrêter, souffler et regarder le chemin parcouru.
Mohamed FELLAH, me disait que vous vous étiez posé la question de la pertinence de cette inauguration alors que votre mosquée est encore en travaux…
Et bien, vous avez eu raison d’organiser ce temps de fête, de mémoire et de réflexion.
J’ai d’ailleurs répondu à Mohamed : « la Mosquée est un corps vivant. Elle sera toujours en travaux, dans 10 ou 20 ans, vous continuerez de la faire vivre, de la faire évoluer, de la faire grandir ».
Cette journée doit d’abord être un jour de fête et un jour de mémoire pour vous les musulmans d’Agen. En tant que Maire de la Ville d’Agen, témoin privilégié de ces années 1990 à 2020, je veux saluer celles et ceux qui ont fait cette longue marche.
Je veux saluer Mohamed RAÏK longtemps président de l’association,
Je veux saluer le président actuel, ami personnel, Messaoud SETTATI, ainsi que tous les membres des Bureaux successifs de votre association.
Et travers vous, le Maire d’Agen salue chacune et chacun de la communauté musulmane, celles et ceux qui nous ont quitté, vos anciens, vos familles et vos jeunes.
Mais cette journée doit aussi être une journée de fête et de mémoire pour tous les Agenaises et les Agenais. Au moment de faire mémoire de ce qu’a été cette longue marche pour la société civile agenaise, c’est bien sûr la figure du docteur Paul CHOLLET qui s’impose.
La dernière sortie publique du docteur CHOLLET a été à la mosquée d’Agen et je suis certain que cette visite a été pour lui un moment de paix et de bonheur.
Il a été le Maire d’Agen de 1989 à 2001 dans ces années charnières pour l’Islam en France.
Il était donc l’acteur principal d’une décision municipale difficile à prendre, à savoir autoriser la communauté musulmane à avoir un lieu de culte visible et décent.
Il l’a fait avec son cœur, avec son histoire de croyant chrétien qui a rencontré l’Islam pendant sa jeunesse, lorsqu’il était médecin militaire en Algérie.
Avec un respect infini pour votre religion, dès qu’il fut élu Maire, il s’est engagé dès le premier jour de son mandat pour que la communauté Musulmane d’Agen ait un lieu de culte digne.
Et je peux vous témoigner, aujourd’hui, que cela n’a pas été simple.
J’ai vécu, à ses côtés, les dialogues tendus entre le Docteur Chollet et certains de ces adjoints de l’époque, l’enjoignant de ne pas soutenir ce projet de construction d’une mosquée à Agen.
Et bien la main du Docteur CHOLLET n’a pas tremblée quand il a fallu signer les autorisations nécessaires.
Le reste de l’histoire de cette mosquée, c’est votre histoire. Cette mosquée vous l’avez construite de vos mains, puisqu’elle a été financée à 100% par votre communauté !
A partir d’une friche industrielle qui accueillait un distributeur d’engrais, les Engrais Garonnais, avec ses silos, ses hangars, vous avez fait la mosquée grande, belle, accessible que nous avons devants nos yeux aujourd’hui.
Vous avez fait de cette friche un magnifique bâtiment qui est devenu une des plus grandes mosquées de la région Aquitaine.
Aujourd’hui, la communauté musulmane et la Ville d’Agen expriment leur gratitude aux artisans des 30 années de construction de cette mosquée.
Je viens partager avec vous ce moment privilégié en tant qu’ami, en tant que croyant, et tant que maire.
En tant qu’ami et croyant, je nous appelle, tous, au dialogue interreligieux et à l’humilité devant les questions métaphysiques fondamentales.
Et je veux saluer, celles et ceux, à Agen, qui font vivre ce dialogue interreligieux ainsi que les efforts de Mohamed FELLAH, pour tenir notre engagement municipal, de « faire vivre, à Agen, une laïcité apaisée ».
En tant que Maire, je suis venu inaugurer la mosquée des agenais. De la communauté musulmane bien sûr, mais surtout la mosquée d’Agen.
Dans la tradition musulmane, la mosquée est un lieu ouvert à tous, croyants et non-croyants. Et je sais que vous ferez vivre cette belle tradition.
Je vous remercie de vous associer aux Journées Nationales du Patrimoine et je vous encourage à poursuivre cet esprit d’ouverture sur la ville, à participer à la vie sociale agenaise.
Il n’y a pas de moyens plus sûrs de lutter contre le racisme, la discrimination et l’islamophobie que de faire reculer l’ignorance. Commençons d’abord par mieux se connaitre les uns et les autres. C’est cela aussi, faire Cité ensemble !
Sommes-nous pour autant au paradis ? Non ! Pas encore !
Il faudrait être bien hypocrite pour nier les tensions actuelles dans la France d’aujourd’hui, autour des enjeux religieux et notamment autour de l’Islam.
En tant que Maire, je tenais à vous redire qu’il faut croire au chemin français du vivre ensemble.
Ce chemin français exige que notre « vivre en commun » s’organise autour de la loi, chemin qui a donné naissance au beau concept de laïcité, qui garantit pour chacune et chacun, la liberté de culte et exige, en même temps, la neutralité dans l’espace public, et notamment dans la rue et dans les écoles.
La règle qu’incarne ce principe constitutionnel, c’est la loi qui s’impose à tous !
Et je sais quelle que soit la religion, les croyants les plus intégristes opposent souvent la loi de Dieu à celle des Hommes.
Et bien ce débat a été tranché au XVIIème siècle par Blaise Pascal dans ses « Pensées ». Il nous rappelle que la vie sociale est organisée autour de 3 ordres radicalement différents.
- Les principes de l’ordre des corps, celui des soldats et des pouvoirs politique.
- Celui de l’ordre de l’esprit, des scientifiques et des savants.
- Et l’ordre de la charité, qui exprime nos relations avec Dieu.
Blaise PASCAL rappelle l’incommunicabilité entre les ordres : « La distance infinie des corps aux esprits, figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité car elle est surnaturelle ».
Il est parfaitement vain de vouloir savoir si la loi de Dieu est inférieure à la loi des Hommes pour la simple et bonne raison qu’il n’y a rien de commun entre elles.
C’est pour cela que je suis heureux d’être entouré de la communauté musulmane d’Agen, qui observe et accepte les règles communes françaises pour s’assurer de vivre pleinement au sein de notre société, dans le respect de la loi.
Et c’est la loi qui nous permettra de garder le cap et de continuer à avancer dans cette longue marche et pour faire nation ensemble.
Pour le reste, soyez sûrs de notre volonté de dialogue avec vous. Nous le ferons avec la boussole dont nous venons de parler, que ce soit pour les prescriptions alimentaires, vestimentaires ou les rites funéraires.
Il y aura toujours de notre côté de l’écoute et du respect. Nous l’avons montré dans les cantines de nos écoles, dans l’organisation de nos cimetières et dans le respect de vos fêtes religieuses.
Et vous l’avez montré dans le respect de la loi française à Agen.
J’ai la conviction que votre Mosquée est déjà un lieu d’humanité, de convivialité, de partage avec les plus fragiles d’entre nous et je veux vous remercier pour cette solidarité active.
Je suis sûr qu’elle le restera dans les années à venir.
Je suis sûr qu’elle va continuer à s’embellir et que vous continuerez à y mettre du temps, de l’énergie et de la passion.
Comptez sur nous pour faciliter l’accès à votre mosquée (stationnement des voitures pour la prière du vendredi, la qualité de l’accès à l’avenue du Jourdain et son éclairage public, etc.).
Ce matin, prenons le temps de mesurer et de savourer le chemin parcouru.
Il mérite une inauguration, il mérite une belle fête, et ensuite, que nous nous levions à nouveau car la longue marche continue.
Je vous remercie.